jupe cosmique
Pour la partie textile, j’ai cousu un grand manteau,
une cape à trois dimensions,
une troisième peau évasée comme une corolle,
une sorte de jupe royale en train de faire la révérence au soleil.
J'ai habillé ma yourte comme on habille une jolie femme,
suivant ses rondeurs gracieuses.
La couronne m'a servi, comme une ceinture autour de la taille,
à accrocher les trapèzes des jupes.
J'ai habillé les mats,
qui soutiennent la yourte comme des jambes,
en torsadant sur le bois des pelotes de laine multicolores,
et j'ai peins les triangles sur lesquels repose la couronne
avec la symétrie qu'un bassin de femme
propose à sa fécondité pour nidifier.
J'ai fais rayonné sur les perches du toit, comme sur des hanches
répartissant également le poids du corps,
les couches de textile protecteur,
assez haut pour livrer l'espace douillet intérieur à l'habitacle.
Mon goût de la beauté dans les détails,
qui m'a fait fabriqué auparavant des jupes mettables autant à l'endroit qu'à l'envers,
s'est adonné, avec ma grande robe cosmique,
à ses plus belles envergures:
une large jupe interne, pour le bonheur des yeux,
une solide toile externe imperméable,
et entre les deux, une couche d'isolation
plus ou moins épaisse suivant mes trouvailles.
J’y mélangeais toutes les couleurs de l’arc en ciel,
les imprimés les plus chamarrés, des échantillons de popeline,
de velours, de lin, de soie et de satin
glanés dans les boutiques de décoration,
des cotons indiens luminescents,
des broderies rescapées des commodes démodées.
Pour l’épaisseur d’isolation, je rassemblais
des bouts de laine, de ouate et de duvet ,
des couvertures, des couettes,
des vieux manteaux en feutre jetés par les grand-mères,
des pulls déformés, des tricots inachevés,
et ces magnifiques dessus de lit anciens, matellassés,
remplis de laine à peine cardée, dont plus personne ne veut à cause de leurs poids.
Je fis le tour des caves, des greniers, des débarras,
des stocks de l’armée, des braderies,
des dépots en tous genres, des œuvres humanitaires,
des tapissiers, des penderies populaires et des couturières.
J'établissais avec les commerçants ou les bénévoles
des liens affables qui personnalisèrent mes premières habitudes.
Je découvris de veilles usines se débarrassant
de stocks invendus ou de faillites,
y achetant à bas prix de grosses bobines de fils solides.
Pour la couverture externe, je repérais
les moments de grand nettoyage de saison chez les fabricants de stores,
trop heureux de me monayer des chutes de toile encombrant leurs étagères.
Bien sur, les morceaux n'avaient jamais la même taille,
et j'ai joué avec eux comme avec un quilt.
J’ai piqué des kilomètres d’ourlets doubles,
ralentissant prudemment sur les intersections épaisses mortelles aux aiguilles,
et créé ainsi pour ma maison un habit de fête permanente :
un kaléidoscope bigarré pour l’éveil intérieur,
une superposition de ouatinages aérés
pour l’amortissement des éléments externes
et un grand parapluie multicolore pour l’étanchéité et les écoulements.
Le tout ficelé, comme un gros colis largué d’un cargo cosmique,
par des tresses et des liens que je fabriquais
en découpant de longues lianes de tissus déchus.
Suspendues par ordre de taille sur des fils traversant l'atelier,
elles servaient aussi pour la fabrication des tapis de lirette,
et le treillage de mes tabourets.