En revenant du monde,
pénétrer dans la yourte procure ce sentiment inoui
ou le coeur s'exalte en retrouvant son bien-aimé.
En déchaussant ses basques,
qui ont accroché tant de poussières et de boues,
on dépose sur le paillasson toute l'agitation de la ville
et cet état d'exitation fébrile qu'entraine
toute rencontre avec la foule, la société.
La yourte alors peut prodiguer sa magie:
rassembler l'être dispersé dans son cercle.
Quand dehors est aride,
et que la femme qui s'occupe du foyer sort
pour aller puiser de l'eau à la source,
quand elle ramène l'or blanc dans un récipient
qu'a tourné et cuit le potier du village,
alors cette femme, par son geste simple et millénaire,
donne la vie à sa maison.
L'eau capturée dans l'amphore reste fraiche et limpide,
à l'abri dans les rondeurs du pot.
Là, l'eau n'est plus un élément générique insaissisable,
ce n'est plus de l'eau qui coule, roule et se perd,
avec laquelle n'importe qui peut faire n'importe quoi.
L'eau qu'on peut récolter et porter,
dont chaque goutte servira à une tache précise,
dont le gaspillage est totalement incongru,
est ressentie dés lors dans son dépouillement archétypique ultime:
un bien commun, patrimoine de l'humanité,
un bien sacré dont chaque humain porte la responsabilité.
L'eau est un cadeau de la nature, du créateur,
spécialement offert à chaque famille humaine.
Dans la yourte, la psyché se conduit comme
l'eau capturée dans l'outre par la femme.
Dans un double mouvement vertical,
la couronne aspire les idées vers la transcendance,
tandis que le monde tout entier filtre à travers ce goulot
et vient se blottir dans le coeur de l'être.
Dans la yourte, la psyché s'écoule
du ciel naturellement,vers son réceptacle,
sa jarre préferrée qu'est la nature humaine.
Là, dans le calme, le silence et la protection
qu'inspirent les mouvements justes et évidents,
l'essentiel apparaît, limpide, clair, transparent.
La yourte agit comme un totem,
porte de l'esprit.
Précieuse comme cette eau dans la cruche.
Je ne crois pas que ceux qui laissent couler l'eau du robinet
à flots pendant qu'ils se lavent les dents
puissent avoir le moindre enracinement dans la spiritualité.
L'esprit se nourrit non pas d'accumulation et de gachis,
mais de pauvreté et de précaution.
« On est soi-même que dans son coeur.
On aime ce qui fait de lui un asile.
On est heureux que par la façon qu'on a
d'être l'hôte de soi-même. »
Joë Bousquet.