débat sur les services publics avec José Bové à Saint Jean du Gard
A Saint Jean, nous sommes venus débattre et confronter
nos expériences douloureuses devant le démantelement
des services publics dans nos villages.
Un homme a hellé José Bové pour lui demander
ce qu'il comptait faire pour que tous nos constats
ménent vers un vrai changement.
Cet homme n'a pas encore vu que,
en réaction à la dépolitisation et la décitoyenneté
programmée par les institutions de la mondialisation libérale,
avec José Bové, le pouvoir ne vient plus d'en haut,
parachuté par des multinationales ayant confisqué
l'économie nationale et internationale,
ni même des professionnels de la politique
plus ou moins vérolés et dévoyés par l'ego boursoufflé
qu'héritent tous ceux qui, n'ayant pas assez les pieds sur terre
ni assez vécu pour rester tranquillement à leur place,
s'arrogent le droit d'engager le pays
dans des choix graves et irréversibles,
comme ces odieuses tractations de l'AGCS,
l'accord multilatéral sur la commercialisation des services.
Heureusement, Agnés Bertrant était là,
notre vigilante et éclairée égérie
toujours sur la brêche pour dénoncer les sourdes, insidieuses
et criminelles tractations de l'organisation mondiale du commerce (OMC)
contre les services publics, contre la société civile
immolée à la gloire de l'argent.
Cet homme n'a pas encore vu que
si nous avons demandé à Bové de se présenter,
c'est parce que nous croyons qu'il transmettra nos valeurs, nos combats,
parce qu'il est lui-même engagé physiquement
dans des luttes courageuses et necessaires,
parce que nous l'avons choisi pour ne pas parler à notre place
et pour restituer d'égal à égal à chaque citoyen ordinaire,
quelque soit son origine, son genre et sa couleur de peau,
sa place légitime et sa voix dans la démocratie.
C'est pourquoi nous n'avons pas à attendre des solutions toutes faites,
mais nous devons nous engager personnellement
dans toutes les expérimentations sociales dont nous avons besoin,
et les porter en avant comme des flambeaux qui résistent
à la marchandisation brutale du monde.
Par exemple, quand ils veulent, dans un village,
enlever la dernière cabine téléphonique,
le dernier bureau de poste, la dernière boite aux lettres,
que le maire ne s'est pas mobilisé
et que les riches s'en foutent parce qu'ils cumulent plusieurs portables, ordinateurs, GPS et voitures dans un seul foyer,
faites comme ces villageois
qui se relayent devant la cabine en danger pour la garder:
ce n'est pas compliqué, ça crée du lien social et c'est efficace.
Ce n'est certainement pas une action mise au point
par les partis politiques habitués à nous faire défiler dans les rues,
ce qui est necessaire mais pas suffisant,
c'est une action ordinaire de gens ordinaires
qui ont besoin de cette cabine pour ne pas s'enterrer vivants
et se laisser oublier de tous.
Tu peux, Monsieur, aller chercher la petite dame d'en haut du hameau,
qui boite et qui tremble de tous ses membres,
l'amener jusqu'à la cabine et lui proposer un thé et des petits gateaux.
Tu peux, Madame, négocier avec ces jeunes bizarres et bruyants,
qui ont bricolé un barbecue sauvage à coté de ton jardin,
pour y glisser ta brochette un soir ou tu ferme ta télé.
Ah! Tout ce qu'on peut inventer quand on s'interresse vraiment à son pareil!
C'est aussi se rassembler pour interpeller les élus, le maire, les cheminots,
les badauds du marché hebdo pour s'opposer
à la fermeture de la ligne de chemin de fer,
ligne remise en question pour cause de non rentabilité:
les arbres de la forét non entretenue se penchent dangereusement sur les rails sans que personne trouve les moyens d'y coltiner une équipe de chomeurs...
C'est se battre pour que la cantine scolaire soit une vraie cantine de village,
avec, tant qu'à faire pour nos petits, une nourriture de qualité,
biologique, préparée sur place et non industriellement,
pas comme ces plats préparés sous cellophane à 150 kilomètres de là!
Conseillière municipale engagée
C'est constituer un comité de défense de l'hopital
responsable du comité de défense du CHU alèsien
pour contrer sa fermeture,
réclamer un service de soins palliatifs pour humaniser les fins de vie,
refuser la fermeture d'une classe dans une école,
réclamer des endroits pour se réunir, des lieux ressources conviviaux,
des salles pour visionnner des films qui ne passeront pas
dans les grandes salles parce qu'ils résultent du travail
de chercheurs de vérité, ceux qui ont le culot de refuser
l'alienation à l'image collective modélisée
sur les peurs et les lachetés individuelles.
C'est élire des maires dont nous connaissons la pugnacité
pour défendre leurs administrés,
des maires qui ne délaissent pas leur village
pour aller noyauter une cumulation de mandat dans des bureaux urbains.
C'est réintégrer dans notre imaginaire qu'un service public doit être gratuit,
y compris quand il n'est pas rentable,
qu'il peut être géré localement et non étatiquement,
avec regard permanent des consommateurs sur ce qu'on fait
de l'eau qui coule chez eux, du vent, du soleil, du charbon,
de la forêt, de la biomasse et de toutes ces énergies
qu'on tente de nous confisquer au profit du lobby nucléaire.
C'est restaurer l'utopie,
qui consiste le plus souvent à croire
que tout ce qui respecte et libère l'humain est juste et concrétisable.
C'est défendre les associations qui tissent la réalité des réseaux locaux,
et c'est accepter que notre identité nationale s'est constituée
non pas sur l'exclusion et le racisme,
la méfiance et la mesquinerie généralisée,
mais sur l'ouverture et le partage
par la gratuité des service publics,
c'est aussi comprendre qu'en ghettoisant les minorités fragilisées,
en excluant et humiliant les plus faibles,
c'est le fronton ou est inscrit dans la pierre
« liberté, égalité, fraternité, »
dont les Français sont fiers, qui vole en éclats,
et dont les ruines serviront à échaffauder les barricades sectaires
des intégristes de tous poils
qu'on aura basculé dans leurs derniers retranchements identitaires.