yourte, symbole de transformation
Ambre a écrit: www.zenpourlesnulles.canalblog.com
Je t'ai écoutée tout à l'heure à la radio !!
et beaucoup plus fort, mon mari aussi !!
faut dire que depuis hier soir que j'ai reçu ton mail,
on est sur le pied de guerre!
Vite, où sont toutes mes radios,
enfin, mes DEUX radios,
une pour danser dans la cuisine
et une pour danser dans la salle d'eau,
et puis France Culture, c'est où çà ???
vu que mon fils m'a collé Skyrock
sur les 2 radios de la maison !!!
puis finalement comme on a dû sortir,
alors hop, vas y mon ptit chéri!
tu me mets France Culture
sur l'autoradio de la voiture au cas où....
. aaaah 15h55...15h56.......
on était toujours pas rentrés.....
mon Dieu vite vite vite !!!
l'émission a commencé alors qu'on était dans l'auto
mais quand enfin c'était toi
( CANTOYOURTE!!!!!!!! CHHHHUUUUUTT !!)
il aurait fallu que tu nous voies tous les 4
(mon mari mon fils le copain à mon fils et moi)
assis religieusement en tailleur
(enfin ya que moi qui étais en tailleur à vrai dire,
les 3 autres étaient debout)
mais zazenavaient intérêt à écouter hein !!!!!!
c'était TREEEEEEEEEEEES BIEN !!!
je suis très contente je suis raviiiiiiiiiiiiiiiiiiie
d'avoir entendu ta voix !!!!
lalalalallereeeeeee !!!!!!!
Hier, donc, une émission documentaire a été diffusée
( sur le site de France-Culture, émission de 16H à 17h:"sur les docks",
intitulée "à l'ombre des chataigners".)
www.radiofrance.fr/chaines:france-culture2/emissions/sur_docks/index.php
sur France Culture concernant la cabanisation et les yourtes.
Un gentil trio de journalistes était venu m'interviewer,
orientés par un camarade objecteur de croissance.
Une heure et demie de contributions ont abouti,
au bout de deux mois de montage, à cinq minutes de paroles,
dont aucune n'aborde mon engagement politique,
que j'ai pris soin, pourtant, de soutenir
comme axe fondateur de mon choix d'habitat et de vie.
C'est donc déçue par cette ponction médiatique sélective
sur mon discours que je veux exprimer maintenant
ce qui me tient le plus à coeur du message politique et spirituel
issu de mon expérience en habitat premier.
Besoin de rééquilibrer cette apparition sonore publique tronquée,
besoin vital de faire exister la yourte non seulement
dans une dimension poétique, quasi mystique,
mais aussi et premièrement, de façon totalement politique.
Je soutiens que le privé est politique:
la maison, l'éducation, le couple,
tout ce qui était soumis au secret des alcôves
pendant des siécles sous le nom de privé
a été livré corps et âme au marché
et à un voyeurisme veule et pervers,
sous prétexte de transparence et d'information,
pour le meilleur et pour le pire.
La maison, la façon d'habiter est politique,
puisque ce petit carré qui encadre la famille,
et qui lui coûte monstrueusement aujourd'hui
une vie entière de labeur et d'exploitation,
est la plus petite base, mais la plus cohérente et la plus profonde,
sur laquelle s'appuie le capitalisme, le productivisme
et la mondialisation libérale.
Remettre en question ces murs qui ressemblent plus aujourd'hui
à des conteneurs débordant de déchets de consommation
qu'à une aire d'activité et de vie,
c'est remettre en question le fondement même de la société,
et tel est bien mon propos.
Certains pratiquent la décroissance
comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
Ce concept, basé sur un comportement politique cohérent,
consiste à limiter ses besoins et ses désirs,
et à apprendre à vivre simplement,
avec un impact écologique sur l'environnement réfléchi,
construit, précautionneux, et donc plus équilibré.
Cette décroissance est tout simplement l'adoption
d'un comportement non compulsif,
qui choisit en toute connaissance de cause
une forme de frugalité existentielle.
Si on devait exporter le mode de consommation occidental,
il faudrait trois planétes de plus!
Chez nous en Cévennes, l'héritage légué
par les générations de paysans qui ont construit
nos paysages de restanques, d'enclaves cultivées
arrachées à la roche et aux pentes,
de murets patiemment remontés,
(dont la longueur équivaut à cinq fois la grande muraille de Chine!),
cet héritage de labeur, de persévérance et de résistance à l'adversité,
nous as enseigné le respect de la nature,
l'art de pourvoir à ses besoins dans une perspective de long terme
et non dans une volonté d'accaparement et de profit immédiat.
Aussi quand nous râlons contre nos anciens
parce qu'ils s'accrochent à leurs terres en friches
et leurs mas qui tombent en ruine
parce qu'ils ne peuvent plus les valoriser,
que nous râlons parce qu'ils ne veulent pas nous les vendre,
sachons reconnaître dans cette résistance
un refus de la destruction de l'environnement,
un refus d'abandonner la liberté que le mode de vie autarcique
a offert à des générations de Cévenols,
sachons reconnaître dans cette méfiance
envers les acheteurs de maisons secondaires
une résistance culturelle salutaire pour les générations à venir,
c'est une forme d'incorruptibilité au mirage de l'argent,
qui est souvent l'apanage de nos paysans,
soyons leur reconnaissants, car ils sont les gardiens de la terre.
Ils nous enseignent que quand on collabore
avec la nature et l'humain plutôt que de les piller,
le respect et l'équilibre engendrent une harmonisation de vie,
qui sécrète ce sens et cette qualité de l'engagement personnel
de nos vies qui est à la base du bonheur.
Mais quand, sur les marché des villages Cevenols,
nous voyons débouler des collines de nouveaux indiens
qui ont repris le flambeau de ceux qui ont durement travaillé
pour protéger cette terre,
terre aujourd'hui accaparée par un systéme prédateur,
j'ai envie de dire à ces frères qu'il ne suffit plus
de se cacher pour être heureux.
Je suis moi-même issue de la mouvance post soixanthuitarde,
j'ai connu les communautés des années soixante dix,
l'utopie de l'île déserte vierge acceuillant une tribu innocente,
le mouvement des femmes, la foi révolutionnaire,
le militantisme associatif, le retour à la terre,
et j'ai fondé et pratiqué des alternatives de terrains.
J'ai connu la famille mononucléaire et les problèmes de couple,
les ruptures, la solitude, l'indépendance,
et finalement une autonomie assumée.
En tant qu'artisane, je n'ai cessé de chercher
à rendre le monde plus beau, plus acceptable, plus désirable.
Cet idéalisme a rencontré ses limites de façon très brutale:
par la violence sexiste dans mon histoire de femme,
par la confrontation à la violence institutionnelle
juridique, économique, administrative,
par la compétition féroce du monde du travail,
la confrontation aux exclusions injustes de la maladie,
du handicap, du deuil, de la folie,
l'absurdité d'une production démesurée d'objets inutiles
qu'on ne sait même plus recycler,
la violence larvée des aliénations de masse
auxquelles l'insertion obligatoire veut nous contraindre,
bref une guerre inégale ou les multinationales et la finance
détiennent les armes les plus ravageuses.
Le dégat le plus grave de ces ravages me semble être
cette accumulation de frustration du sens
qui couve comme dans une cocotte minute partout dans le monde,
à l'intérieur d'êtres vidés de tous repères..
Cette confrontation extrêmement brutale m'a forcé à me retirer,
non pour couler une vie douce et tranquille dans un rêve hédoniste,
mais tout simplement pour survivre et me réparer.
En résistant à la pression médiatique et télévisuelle et,
parce que j'ai été forcée d'apprendre
que les épreuves de la vie nous apportent un cadeau,
parce que j'ai été capable de transformer en défi
des malheurs qui isolent et annihilent,
j'ai entamé une réflexion politique
sur la base de mes besoins essentiels.
Mon engagement dans le monde alternatif
s'est définitivement ancré et authentifié par une démarche personnelle
que j'ai construit à partir de mon épuisement,
de mes défaites, de mon exclusion,de ma révolte,
mais aussi de mes propres forces de survie,
de mon énergie de femme et de mère,
que je peux comparer aux mêmes forces qui sont agissantes
dans la nature quand on l'agresse et la nie:
elle se relève avec une faculté de printemps formidable
et ne cesse de nous couver de sa fécondité.
Mais jusqu'à quand?
Je me suis donc mise à fabriquer des yourtes et à y vivre,
développant, en même temps que ma reconstruction intérieure,
et à partir de mes fragilités, de mes indignations,
une vision plus large de la place de l'humain dans le monde,
une vision plus anticipatrice, plus globale,
fondée non plus sur l'utopie, mais sur la réalité.
C'est donc un sursaut d'utopie primitive et de quète de sens
qui m'a conduit à renier l'utilitarisme marchand,
mais c'est le principe de réalité qui m'a fait développé,
à partir de la vie quotidienne et le travail manuel,
par la réflexion engendrée sous ma yourte,
cette vision holistique, écologique, féministe,
anti libérale et politiquement rebelle
qui est la mienne maintenant.
C'est pourquoi il me faut dire alors,
que lorsque vous avez trouvé dans vos vies
un poste de repos et de ressourcement,
votre famille, votre maison, vos amis,
vos réseaux, vos activités, rémunératrices ou bénévoles,
que vous avez conquis donc le nécessaire vital,
et de plus mis en oeuvre votre propre cohérence,
alors il est temps de faire partager vos acquis
et de préparer politiquement la riposte sociale
dont le pays, et la planéte, a tant besoin!
Une riposte ou vous puissiez émerger comme force populaire
détenant un savoir sur l'état du monde,
force d'un peuple capable de proposer
une organisation de la cité qui le concerne directement,
et qui le démontre par son implication libre et responsable
dans la vie locale, avec cette sorte de courage
que bien des résistants ont opposé, parfois au prix de leur vie,
à la guerre et à l'horreur de l'extermination .
On ne peut construire le monde sur ce modèle capitaliste
qui délite les communautés rurales et getthoisent les quartiers,
mais on ne peut construire un monde humain
en sachant qu'il est menacé et en prenant la fuite.
On ne peut ignorer les menaces qui pésent sur le vivant,
sur l'avenir de nos enfants,
et se calfeutrer dans son jardin en cultivant ses fleurs,
si on ne peut plus les offrir à ceux qui en ont le plus besoin.
Ceux là même qui désespèrent et se sentent impuissants
parce qu'ils sont le plus exposés à la bétise et à la violence
de la dérégulation libérale, à la loi cruelle des plus forts.
Nous n'avons pas le droit de nous désensibiliser
à force d'encaisser le terrorisme télévisuel,
mais nous n'avons pas le droit non plus
de nous emmurer dans une grotte ou dans une vallée retirée
si nous croyons que la liberté, la dignité et la fraternité
sont les caractéristiques de l'humain.
Nous avons le devoir de contribuer
à la répartition des richesses de la terre,
nous devons savoir nous limiter pour pouvoir partager,
nous devons avoir l'exigence de revendiquer
un bonheur simple pour tous,
et nous devons nous engager personnellement à y concourir.
Ceci est une démarche politique, et je ne peux plus entendre
tous ces babas cools qui me disent gentillement,
ainsi que le maire de mon village,
et les animateurs de la radio locale,
qu'ils ne font pas de politique!
Je ne sais pas comment font les gens qui voient tous les jours
à la télé des êtres humains sans toit et sans pain,
et qui continuent à se gaver et à se construire
des maisons immenses et coûteuses,
je ne sais pas comment ils font
parce que moi je n'y suis jamais arrivée,
ça m'a pris très tôt dans ma vie,
de pleurer sur la misère des pauvres
comme si j'étais orpheline,
d'en avoir le coeur ému et honteux
au point de n'avoir jamais pu m'associer
à ce que je découvrais être les causes d'une telle injustice!
C'est ainsi que j'ai perdu mon mariage,
ma sécurité, tous mes biens,
lorsqu'aprés avoir acquis enfin "la maison de nos rêves",
une seule idée me taraudait,
m'installer sous un tipi sur le versant en face de notre colline,
au milieu d'un petit bois,
et me délester de tout ce qui n'était pas essentiel
à une vie de véritable être humain.
J'avoue que ce délestage a été si douloureux
que je comprends fort bien qu'on puisse hésiter, ou reculer.
Mais il en va de bien plus que de soi,
c'est ce qui donne au combat son absolu et sa radicalité,
mais aussi, sa nécessité.
Ce tipi, c'était tout simplement le symbole
de la reconquéte initiatique par laquelle toute femme doit passer
pour se libérer de ses conditionnements et de son ignorance,
et ainsi gagner cette liberté qui fera d'elle l'avenir de l'homme.
Tipi ou yourte, c'est le symbole
de cette nouvelle façon dont nous avons besoin
pour occuper notre place dans le monde,
le symbole de la relocalisation et la refonte de nos vies
modestement ancrées dans la nature, entre ciel et terre,
le symbole de cette juste capacité d'appréhender
ses limites et ses besoins pour permettre
le renouvellement perpétuel
de notre féconde impermanence.