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YURTAO, la voie de la yourte.
11 août 2007

défrichage d'un terrain abandonné

travailler

Comment nous avons investi le lieu de nos yourtes.

cantoyourte

Mon atelier, ainsi que le local de l'association « Demeures Nomades »,

sont loués depuis plusieurs années dans un immeuble d'une rue sans issue,

dans un quartier très modeste en bord de village, à l'orée de la forêt,

doté d'une école primaire, d'un HLM, d'une boite aux lettres,

et de deux bancs coincés entre les containers de récupération.

Notre association a succédé dans les lieux à une autre,

fondée par deux copines artistes, créatrices

de meubles et objets en carton et en bois récupérés,

qu'elles décoraient de patchworks de papiers multicolores déchirés.

L 'atelier sert bien entendu de lieu de fabrication de mon artisanat,

peinture, menuiserie, couture, ainsi que pour divers bricolages

communs avec les associés ou des gens du quartier.

Une partie est allouée au bureau de l'association, une partie aux réunions.

DN

L'arrière du local donne sur une ruelle bordée de caves voutées,

inutilisables du fait de leur humidité, mais l'étage supérieur,

lui aussi divisé en petites caves, permet d'entreposer du bois ou du petit matériel.

Ces caves bordent une restanque étroite sur laquelle en 2004,

nous avions posé une petite yourte.

Mais la propriétaire de l'immeuble nous as demandé

de l'enlever à la fin de l'été, sous des prétextes fallacieux.

. Nous avions pourtant bien entretenu l'espace,

mais nous apprîmes plus tard que la vraie raison

était qu'elle voulait vendre son bien.

Elle ne put mener son projet à terme,

car les vieux locataires de l'immeuble se liguèrent pour rejeter,

avec l'appui d'une association et d'un avocat,

les injonctions d'un escroc de l'immobilier qui voulait jeter

tout le monde dehors pour multiplier par deux le montant des loyers.

Entre temps, l'association se retrouvait donc sans yourte établie.

Nous cherchions un terrain pour nos projets d'installation

d'un camp ouvert sur le quartier.

Je consultais assidûment le cadastre

et visitais tous les recoins des friches avoisinantes,

avant d'obtenir un rendez vous avec le maire,

qui nous proposa un grand terrain en bord de rivière.

Celui ci devait préalablement servir de caserne de pompiers,

mais la préfecture venait de le déclarer irrévocablement inondable:

la commune ne pouvait plus rien en faire.

Ce terrain dénudé présentait l'inconvénient d'être trop loin de notre local,

et de se trouver en bord de route, donc relativement bruyant,

avec obligation de construire une clôture en dur conséquente:

des frais que nous ne pouvions envisager pour l'instant.

Aussi, nous avons demandé au maire son assentiment

pour occuper un terrain situé à 200mètres de l'atelier,

dont nous ignorions les dimensions tant il était envahi

de ronces impénétrables sur trois mètres de hauteur.

Ce terrain abandonné depuis des décennies appartenait

à une association de réinsertion de drogués dont les activités,

sises dans un village proche, avaient pris fin quelques années auparavant.

Ils avaient acheté la vielle usine en bas et le terrain en haut, en 86,

usine_en_ruine

avec l'intention d'y développer un autre centre d'hébergement,

friche_des_lavabos

mais aucune équipe n'est jamais venue y travailler,

et les lieux incultes sont restés abandonnés,

recouverts d'une végétation anarchique et infranchissable.

L'inconvénient de ce terrain, la cause de nos hésitations,

était sa proximité avec le transformateur électrique.

Le maire nous donna son autorisation,

officieuse puisqu'il s'agissait d'un terrain privé,

objectant seulement une bonne acceptation du voisinage puis,

plus tard, offrit, comme nous le lui avions suggéré,

le terrain du bord de rivière pour la création de jardins

en faveur des plus démunis.

Aujourd'hui, la mairie (pour la mise en oeuvre, forages, etc)

et les copains que nous avons rassemblé sur cette initiative populaire

(objectifs, charte, qualité des cultures) travaillons à l'organisation

de parcelles que nous voudrions cultiver en bio.

A la fin de l'été 2004, alors que nous hésitions encore ou poser nos yourtes,

je reçus un choc qui entraîna sans plus de tergiversations

toute notre équipe vers la réalisation de notre but.

J'appris brutalement que j'avais un cancer qu'il fallait opérer immédiatement.

pullulantes

Le pronostique vital étant engagé, ma réaction fut radicale.

l_vitation

Je n'avais plus le temps, je devais m'installer,

pas question de gémir entre quatre murs:

l'aboutissement de mon travail et de ma vie devaient culminer

dans la réalité de la yourte, maintenant.

J'avais habité seule sous la yourte dans des lieux isolés,

essayé le village communautaire alternatif, mais désormais,

je voulais m'investir dans la réalité sociale locale, là ou j'étais,

avec la diversité, l'humilité et parfois la hargne des gens qui vivaient là,

je voulais insérer dans mon village, dans ma région, dans mon pays,

la nécessité politique, écologique, humanitaire et spirituelle

de ce nouveau rapport au monde que symbolisent les yourtes en Occident.

vision

C'est ainsi qu'aprés une première mutilation, à peine recousue,

je partis à l'assaut des ronces, entraînant nos ados,

les copains et les proches disponibles,

boostés, il faut bien le dire, par mon ardeur sans faille.

J'attaquais au sécateur la montagne de ronces.

Mon obstination, la rage avec laquelle chaque jour je gagnais en ouverture,

contamina mes partenaires, et c'est ainsi que notre débroussaillage

contaminer

se transforma en chantier pédagogique, ou les jeunes s'investirent,

en rigolant et se démenant joyeusement,

dans un projet de proximité à taille humaine.

La perspective de pouvoir investir une yourte totalement pour eux

fut très stimulante!

Je découpais chaque tige piquante en morceaux pour le compostage,

entassais consciencieusement le bois mort le long du chemin,

décidais des arbres à sacrifier. Juste le nécessaire pour dégager la place.

Nous avions très peu d'outils, mais beaucoup d'entrain!

Pas question d'une machine à moteur qui coupe tout

en polluant les poumons, les oreilles et l'instinct,

la consigne étant de déraciner chaque ronce

et de ne couper les arbustes du fourré qu'aprés identification

et planification minimum. L'hiver entier y passa,

et nous découvrimes, avec étonnement et satisfaction,

une surface plus grande que ce que nous supposions.

Combien de fois en sillonnant la campagne ais je imaginé,

au milieu d'une prairie dégagée, au détour d'un sentier perdu,

en escaladant des faïsses enfouies sous les épineux,

la_haut_sur_la_colline

en découvrant un cabanon abandonné sur un jardin en friche,

dans_les_arbres_effarouch_s

en débouchant d'un épais fourré sur une petite aire herbeuse

tapie sous des fruitiers sauvages, combien de fois ai-je imaginé

espace_vierge

une yourte blottie à l'abri du vent sur des terres sauvages,

cabane_dans_les_arbres

combien de chemins ais je défriché grâce à cette vision

sans cesse surgissante à la moindre parcelle au soleil?

Tant et tant de rêves qui ont musclé mes bras et structuré mon esprit

pour la construction d'un monde fraternel et lèger

ou l'humain chercherait avant tout à aimer et respecter ses semblables

et la nature qui nous nourrit.

Maintenant, psychiquement reconstruite, je n'avais plus besoin

de fuir le monde pour me protéger de sa violence,

je voulais m'y engager avec la force de mes convictions,

y affirmer tout ce qu'une vie difficile de femme en mouvement m'avait apporté.

Je voulais, tout en gardant la simplicité en racine,

rendre visible le fruit de l'évolution initiatique d'une femme moderne,

ayant conquis sa liberté et son autonomie

tout en restant fidéle à ses idéaux et son absolu.

C'est ainsi que, sur ce terrain défriché,

aprés une deuxième opération trés castratrice,

enfin, nous posions la première yourte,

celle ou j'allais habiter, vivre ou mourir.

J'eus alors la sensation d'une totale cohérence de lieu,

de temps et d'espace et respirais dés lors, à plein poumon,

la joie complète d'une réalisation

gagnée entièrement à la force du poignet.

c_est_elle














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Commentaires
L
Je suis bouleversée par toutes tes formes et tes couleurs, j ai découvert ce lieu -ce blog- au détour d'une recherche, que je ne peux plus qualifier d'infructueuse désormais.<br /> Merci.
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E
Quel courage tu as eu pour combattre la maladie à ta façon... en obéissant à cette exigence d'être fidèle à tes idées... J'espère que tu vas bien maintenant... Ca me fait d'ailleurs penser que je dois aller me faire radiographier car ça fait 3 ans que je n'ai fait pas le contrôle...
Répondre
G
Quel beau parcours...<br /> Je t'envoie quelques fleurs virtuelles pour te remercier de tes paroles écrites et des images qui les accompagnent.
Répondre
G
Belle histoire...
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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