humble demeure
Ceux qui, pour toute maison, n'ont qu'un bout de torchon,
qu'un morceau de carton,
à peine quelques plastiques,
qu'un peu de paille et de terre,
ceux qui inventent, ceux qui improvisent,
avec des pneux, des bouteilles,
des galets, des coquillages,
des carcasses mécaniques, des bouts de fer tordus,
des boites félées, des tuyaux, des bidons,
des édredons, des colifichets cassés,
des maisons insolites,
ceux qui, par impécuniosité, maniaquerie ou poésie
ramassent, récupérent, détournent
ce que jettent les riches,
ceux qui bricolent les rejets, les déchets, les ordures,
les astiquent, les empilent, les décorent,
pour finalement les transformer en séjours de rêve,
ceux qui font du beau avec du rien
et tant de bien avec si peu,
ceux qui s'entourent de murs en osier, bambou,
liège, bruyère, jonc, laine ou lin,
et font de quelques canisses les frontières de leur monde,
quand d'autres se barricadent sous le ciment armé,
élevent des tours et des donjons pour y caler leurs miradors,
ceux qui n'ont pas besoin de patins dans leur salon,
pas besoin d'alarme dans leur entrée,
pas de sauna au sous-sol,
ceux qui n'ont pas besoin de bonne pour cirer leurs chaussures,
mais devant qui les chiens se taisent
et les abeilles donnent leur miel,
ceux qui tissent leur habitat comme un berger sa cape,
ceux qui, sans déplacer les montagnes, sans raser de forêt,
font leurs nids comme les oiseaux des champs,
ceux qui prennent une toute petite place sur cette terre
accaparée, confisquée aux générations naissantes et à venir,
avec leur façon de ne pas vouloir prendre plus qu'il ne faut,
leur façon de ne pas se fâcher,
et d'endurer, d'accepter la relégation,
avec seulement une cabane, seulement une roulotte,
juste un tipi ou une yourte,
et peut-être, au fond d'une forêt,
la grotte d'un viel ermite décédé,
ceux qui parfois n'ont même pas de cabanes,
seulement un trottoir,
qui savent sans se plaindre qu'ils n'auront jamais de terre
ou planter les piquets de leur errance,
jamais de jardin à cultiver,
et si j'ose parler de ceux
qui n'ont même plus de larmes pour pleurer,
c'est parce qu'un jour moi aussi, par la chair de ma chair,
par les blessures d'un élaguage trop précoce,
j'ai su le peu qu'il faut entre le vertige et la chute,
pour ne plus rien posséder,
seulement contempler sa dernière voile arrachée.
Ceux là, qu'ils reçoivent la grâce des humbles.
Pour ceux qui veulent voir ou en est
la France d'en bas,d'en haut et du milieu sur ce sujet,
allez voir les commentaires de l'article "Ôte toi de mon soleil!"
de Thierry Pelletier sur son site:"la France de Toutenbas":