cochons sauvages à Rochessadoule
A une petite heure de marche du Cantoyourte,
aprés avoir grimpé la colline
au pied de laquelle les yourtes sont installées,
on arrive à la Crueize, chez mon copain Augustin,
éleveur de cochons sauvages (ou sangliers domestiques).
Sa propriété, qui dépend de la commune de Rochessadoule,
ancienne cité minière, tout comme Bésséges,
est assez étendue pour que ses animaux y trouvent leurs comptes,
ce qui n'empéche pas leur maître
d'aller s'approvisionner régulièrement aux marchés des alentours
pour récupérer des restes alimentaires.
C'est le seule chance de rencontrer Augustin ailleurs que dans sa ferme,
endroit paradisiaque qu'il entretient
en gentleman farmer accompli.
Là, des paons dorment ou chantent dans les arbres,
des plantes bizarres poussent dans des endroits incongrus
et des têtes sans chair nous rapellent notre humaine condition.
Une douzaine d'années auparavant,
quand j'ai commençé les yourtes,
Augustin avait mis à ma disposition ses terres,
sur lesquelles une coupe de châtaigners,
dont les branches s'éparpillaient de loin en loin dans les fossés,
séchait tranquillement au soleil cevenol.
Je montais chaque jour avec ma scie, ma plane et mon couteau
pour choisir, tailler et écorçer quelques perches,
destinées à soutenir le toit de ma première yourte.
Ce fût un hiver magnifique, car l'enthousiasme de ma future création
se mélait au calme enivrant de la forêt, aux chants des oiseaux
et aux grognements rupestres des cochons
fouinant dans les sentes tout autour.
Ces perches soutiennent toujours la voûte qui m'abrite,
elles n'ont pas bougé depuis douze ans.
J'avais même fait l'essai de ne pas en écorcer une pour voir
si elle se dégraderait plus ou moins vite que les autres.
Or elle est toujours intacte, pas un seul traitement,
pas un seul insecte ou ver n'ont outragé cette branche de châtaigner,
bois qui, une fois encore, fait ses preuves d'imputrescibilité.
On voit cette perche noire entre les deux mats de cette photo.
Notre ami a utilisé ce bois merveilleux pour restaurer sa maison,
pour ses clotures, son ameublement.
C'est sur le chemin menant chez Augustin,
sous un ciel merveilleusement étoilé,
que les douze coups de minuit de la fin de l'année 2007
ont sonné pour la petite bande de copains qui l'ont rejoint
devant le grand feu rituel du Nouvel An.
Car notre ami ne se contente pas de sa grand fête d'été
pour inviter sa large famille, tous ses voisins et copains,
à partager le mouton, il remplit les cieux de la nouvelle année
d'un superbe flamboiement propre à réchauffer les coeurs les plus gelés!
Et quand le feu du dehors se tasse,
on peut toujours partager avec lui,
un bout de gras,
et, à l'arrière de sa cuisine,
l'âtre gigantesque de sa cheminée,
en grignotant de délicieux beignets de sa confection!
Augustin a retapé juste à coté de sa maison
un petit gîte rural d'une simplicité charmante,
enfoui dans la verdure à quelques pas de chez lui,
que je recommande à tous ceux qui préféraient dormir
sous les pierres plutôt que sous la yourte.
On s'y réveille avec les cris des paons,
on s'y endort avec les cigales, et on peut, bien sûr,
y déguster de la très bonne charcuterie biologique.
Augustin est un vrai paysan, au sens ou il aime profondément
son travail et son environnement,
qu'il se fit à ses intuitions d'autodidacte
et posséde une force de vie et de travail impressionnante.
C'est aussi un vrai gentleman, non seulement de par
son hospitalité toujours débonnaire,
mais aussi car parce qu'il est polyvalent,
tout autant intellectuel que manuel,
et qu'on peut mener avec lui, sous les treilles,
des conversations joyeuses et éclairées,
en plusieurs langues, sur toutes sortes de sujets passionnants.
Je l'ai rencontré il y a bien longtemps,
avant de me déposséder du vieux mas cevenol que j'avais acquis
pour une bouchée de pain avec mon mari en 81.
Je me suis très vite mise à réver d'un abri plus léger,
plus à l'échelle de mes muscles d'artiste,
tant le boulot de reconstruction accaparait mes velleités créatives.
Je fréquentais alors la jeune femme d'Augustin
qui élevait leurs petits enfants, nés loin de tout,
très rustiquement, dans une ruine au milieu d'une forêt de ronces!
En trente ans, bien de ces vieux mas Cevenols ont été relevés
à la force du poignet par les immigrants du retour à la nature,
bien des couples ont éclaté dans ces laborieuses restaurations,
bien de ces bâtisses ne servent plus
que secondairement à quelques vacances trop rapides,
mais il reste qu'on peut rendre hommage à ces vrais paysans
qui ont fait de certains de ces endroits des enclaves naturelles
où l'homme, parfaitement intégré dans son milieu,
se préoccupe de sauvegarder ce dont nous avons un besoin urgent,
le respect de notre terre nourricière.
Ils succédent en cela à ces générations de paysans cevenols,
durs à la tache, qui ont merveilleusement construit
ce paysage de restanques que j'aime tant.
Le site d'Augustin: