acheter une yourte Mongole
De la prison à la yourte.
Que ce soit pour la poser dans son jardin ou y habiter à l'année,
deux démarches très différentes,
j'aurais pu palabrer à l'intention de ceux
qui désirent s'acheter une yourte mongole,
avec un laïus technique sur l'inadéquation de ces yourtes
dans un pays tempéré comme le nôtre,
la façon dont le bois pourrit au bout d'un an
et l'étanchéité déficiente,
la déforestation grave engendrée par l'engouement des yourtes,
pour argumenter en défaveur de cet achat.
Mais j'ai un mal fou à me plaçer du côté de l'acheteur
dont le seul but est la recherche du meilleur rapport qualité -prix,
genre de considérations dont je me soucie comme d'une guigne,
non parce que je suis riche, loin de là, mais parce que
la yourte est pour moi avant tout un habitat de liberté,
construit entièrement de mes mains,
et donc tout le contraire d'un objet de consommation.
Ceci dit, les inconvénients d'une yourte mongole
comme toit en France ne sont rien par rapport à la destruction
plus fondamentale de toute l'âme nomade d'un peuple,
l'âme de ces peuples premiers
qui sont les garants sages de la viabilité de notre avenir.
Rien par rapport au pillage culturel, à la mise en danger
de ces cultures de la sobriété et de la liberté,
rien par rapport à la marchandisation et l'expropriation
d'un produit singulier de l'artisanat d'un peuple,
qui met en question notre cohérence
et nos motivations profondes.
Je vous livre donc un petit aperçu des agissements
d'une multinationale de la yourte qui,
sous couvert d'humanitaire,
pratique la spoliation et l'esclavage des plus misérables Mongols,
pour que vous puissiez vous offrir une yourte à 3000 Euros.
Dans le meilleur des cas, cette yourte abritera un pauvre
en Françe quelque part dans une campagne
où un brave lui aura prété un bout de terrain.
Au pire, elle sera remisée comme un vulgaire rebut
aprés avoir servi un été aux caprices champêtres
de quelques bobos en mal d'ethnicisme.
Sans m'étendre sur la situation politique de la Mongolie,
je rappelle simplement que ce pays immense, peu peuplé,
émancipé de l'ex Union Soviétique, est tellement pauvre
que bien de ses enfants à la rue,
par des hivers de moins cinquante degrés,
en sont réduits à vivre comme des rats
dans les canalisations d'Oulan Bator, la capitale.
Le communisme a tenté de parquer ce peuple libre
dans des bunkers de béton, mais les Mongols ont continué
à préférer la yourte, s'installant dans la banlieue
où retournant à la steppe.
Pourtant la collectivisation et la subordination à l'URSS
ont eu le temps d'en briser quelques uns
et de spolier les quelques ressources énergétiques du pays.
Les Mongols sont donc si pauvres qu'ils n'arrivent
même plus à chauffer leurs yourtes.
Ceux qui s'en sortent le mieux
sont évidement ceux qui ont gardé ou sont retournés
à la rude vie de leurs ancétres,
à l'élevage et à la nomadisation
avec leurs yourtes et leurs yacks,
leurs moutons et leurs chevaux.
Ceux là même qui ont toujours fabriqué leurs yourtes
avec ce qu'ils trouvaient autour d'eux.
Ce sont ceux là que des Occidentaux en mal d'entreprise
et de profit vont chercher pour leur proposer
de fabriquer des yourtes en famille, pour l'exportation.
Ils viennent avec leur argent,
leur conception corrompue de l'argent,
chez un peuple qui s'en est soucié
comme de l'an quarante pendant des siécles,
un peuple habitué à pratiquer une quasi autarcie
et une hospitalité légendaire,
comme dans tous les endroits du globe
où la survie dépend, aux confins d'une traversée de désert,
d'une tente ouverte.
Et ils leur expliquent le capitalisme.
Ils agitent des reebooks sous le nez des ados,
des barbies sous celui des petites filles,
promettent des télés aux femmes qui ont toujours fabriqué
l'habitat, la nourriture et les vétements de leur famille,
et des motos aux meilleurs cavaliers du monde,
qui ont le tort ignare de se passer de pub et de pétrole
à longueur d'année, tout en étant insolemment
en bonne santé et heureux de leur sort.
A la sortie, ça donne en Europe de beaux effets d'annonces
d'associations à but non lucratif sur l'aide
aux "pays sous developpés",
la charité, la solidarité, le commerce équitable,
pratiqués à la faveur d'un néo-colonialisme culturel
en faveur de consommateurs éclairés de yourtes mongoles....
qui adorent se vautrer sous les yourtes des parcs Français
dans des stages de "developpement personnel",
de "chamanisme", de "guérison",
où l'on singe à s'y méprendre l'hilarité du nomade heureux.
Moi, ça me fait vomir, et j'aimerais vous convaincre
que vous risquez le même genre d'indigestion
si vous ne prenez pas le temps d'un minimum de réflexion
avant d'acheter une yourte.
Mais le pire n'est pas là. Le pire, c'est donc l'étage au dessus,
cette multinationale de la yourte qui, tout en employant
les méthodes capitalistes les plus joliement vernies, se targue,
comme des vendeurs de 4X4 chez nous, d'humanisme vert!
Leçon de saloperie ordinaire:
Aller dans le quartier le plus pauvre
de la capitale mondiale des yourtes.
Choper la seule structure sociale existant sur place
pour qu'elle dégote un endroit qui servira
« d'atelier de couture »
aux femmes les plus démunies, les plus isolées.
Sortir ostensiblement de sa poche
l'équivalent de deux jours de nourriture de son chien en Françe,
pour toute rémunération d'un « stage » à grande cadence
devant enseigner à coudre des toiles de yourtes,
payable seulement au bout de trois mois.
Organiser une cérémonie officielle avec l'ambassadeur Français
et quelques représentants du gouvernement local
pour sanctifier définitivement ces novices
en leur offrant leurs menottes à vie: une machine à coudre,
( à pédale puisqu'elles n'ont pas d'électricité chez elles...).
Et au milieu de l'émotion générale, rigoler grassement
avec le ventripotent cravaté bien de chez nous,
engoncé dans son costard Cardin,
flanqué de sa maîtresse mannequin filiforme,
en jean délavé et effiloché acheté 1000 Euros à Paris,
et se gausser de tant de bienfaisance.
Signer un « contrat de travail » avec ces élues
de l'industrialisation et de la standardisation des yourtes,
titubantes de reconnaissance.
Se laisser gagner par la contagion émotionnelle
en mouillant son oeil avec une goutte de champagne.
Décerner en grande pompe la qualification de « pionnières »
à ces quelques esclaves femelles extirpées charitablement
des bidons villes mongols
et enchainées consentantes dans des gourbis d'Asie centrale.
Offrir une promotion aux « pionnières » en leur octroyant
gratuitement le droit, en plus
de la production acharnée de yourtes à l'huile de coude,
de former les « pionnières » suivantes.
Et pour finir, afin de s'affilier une clientèle indéfectible,
« éthique » et « loyale », promettre
qu'on va faire planter cinq arbres pour chaque yourte vendue.
Ignorer délibérement cette escroquerie détestable qui consiste
à refouler l'idée subversive de calculer
combien revient vraiment une yourte,
en prenant au minimum en compte
la facture énergétique du transport,
car alors ce ne sont pas quelques arbres qu'il faudrait planter,
mais des forêts entières!
Hélas! Il y a plus pauvre et plus démuni, et donc plus corvéable,
que les filles du quartier d'Uliastaï à Oulan-Bator!
Par bonheur, en ex régime communiste,
les jeunes filles en état de nécessité qui ont faim
et qui se font prendre à voler un pomme sur le marché
écopent de dix ans de prison ferme.
C'est ce qui est arrivé à l'une d'elle, enceinte de cinq mois.
Heureusement, grâce à la mondialisation,
cette jeune « délinquante » a eu la chance inouïe
d'être libérée avant terme par notre grand protecteur
humanitaire exportateur de yourtes,
qui a juré au président de la République Mongole
qu'il avait les moyens les plus efficaces pour la « réinsérer ».
Entre le président de la Mongolie et le chef d'entreprise,
l'entente est parfaite.
Le bétail humain sera tranféré de la prison à l'atelier,
consentement assuré à vie
et encensement de toute la presse locale.
La machine à coudre au lieu des menottes,
de la prison à la yourte,
voilà comment on endette et aliéne à vie
une pauvre jeune fille de 18 ans enceinte et affamée.
Donc personnellement, face à cette dure réalité économique,
moi, tout ce que j'y vois de « durable », dans ce business,
ce mot qui accompagne souvent « commerce équitable »,
c'est l'exploitation durable de la femme par l'homme.
Que ceux qui supportent de couvrir leur têtes
avec ces yourtes perverties et continuent à défendre
et acheter des yourtes mongoles
parce qu'elles sont moins chères que les Françaises,
se débrouillent avec leurs consciences,
ils ne pourront plus dire, aprés être passés sur ce blog,
qu'ils ne savaient pas.
A bon entendeur, salut.
Pour lire l'article "acheter pas cher ou construire sa yourte",
cliquez sur le lien suivant:
http://yurtao.canalblog.com/archives/2008/03/11/8284117.html
Pour lire l'article "Contre les pirates de la yourte"
http://yurtao.canalblog.com/archives/2007/05/15/4957897.html
Pour lire l'article "Yourtes mongoles et catastrophe écologique"
http://yurtao.canalblog.com/archives/2011/10/04/22230168.html