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YURTAO, la voie de la yourte.
24 mai 2009

Femme en yourte, femme en lutte.

Femme en lutte sous la yourte.

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Ceux qui mettent la honte sur les sans emplois, les rmistes, les différents bénéficiaires de prestations sociales, les emplois très précaires et partiels, en traitant ces gens de paresseux et en voulant les concentrer dans des structures répressives de travail forcé, ignorent totalement, semble t'il, que parmi ces chômeurs, les trois quarts sont des femmes isolées avec enfants.

Or si on regarde les enquêtes et statistiques internationales, on se rendra compte de deux faits:

1) que les femmes abattent largement plus de travail que les hommes, et ce n'est pas nouveau,

2) qu'elles sont beaucoup moins payées que les hommes, quand elles le sont, et constituent la majorité écrasante des pauvres du monde.

Ces mêmes suppôts du capital et de la croissance ignorent et méprisent une forme d'économie qui a permis aux peuples dépouillés par notre ethnocentrisme impérialiste de survivre à notre façon de les « aider »: il s'agit de l'économie informelle, qui n'est pas l'autre versant du libéralisme, un soi-disant alter développement, mais bien une économie sociale parallèle qui échappe aux paradigmes du progrès illimité.

Fondée sur la débrouille et le bricolage quotidien, les échanges marchands de proximité et les liens de solidarité,

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sur le don et la palabre, cette forme d'économie repose
avant tout et surtout sur le travail gratuit des femmes.

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« Ici, on est ingénieux sans être ingénieur, entreprenant sans être entrepreneur, industrieux sans être industriel» comme dit Serge Latouche en rappelant comment des Africains sur-diplômés dans nos universités occidentales échouent dans leur pays là où des femmes aux pieds nus illétrées réussissent des  affaires florissantes, enchâssées dans le tissu ménager, social et néo-clanique.

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Aujourd'hui femme de maturité, je constate objectivement que j'ai du payé très cher  la reconstruction de l'estime de soi qui conduit à l'émancipation et donc à ma liberté.

Bien que je n'ai eu que de très brèves périodes de salariat, j'ai toujours travaillé, que ça soit à la maison, en ayant élevé trois enfants,


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ou à l'extérieur dans des projets collectifs et des taches sociales. J'ai donc œuvré le plus souvent dans la gratuité domestique, la production ménagère  qui consiste à transformer soi-même bien des denrées et produits de base, ajoutant de la qualité de vie en rendant belles les choses simples du quotidien, mais aussi j'ai œuvré dans la sphère associative, dans l'expérimentation hors norme, la créativité, le travail manuel non rentable, car non mécanisé ou non concurrentiel avec les longues heures sous payées de mes pauvres sœurs du tiers monde, la fondation collective de solidarités, le bricolage, l'invention et la formation permanente sur le tas, bref une panoplie d'activités pour lesquelles je me suis donnée passionnément sans jamais compter mes efforts.

Or le constat effarant de ce jour, si je me réfère aux normes de cette société de croissance dont je ne cesse de dénoncer l'imposture, c'est que

plus j'ai travaillé, plus je me suis appauvrie.

Car si je suis objectivement pauvre matériellement, je le suis devenue.

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Par exemple, j'avais le même niveau social et universitaire que mon ex-mari, mais dépouillée par mon divorce, j'ai perdu tout ce qui aurait pu constituer stabilité et sécurité propres à se consacrer à la poursuite de l'accumulation prônée par la société capitaliste.
Séparations, ruptures, affaiblissements par des accidents de vie, des maladies, jettent inévitablement une femme isolée dans la fragilité économique.
Si en plus, on se met à réfléchir sur sa vie privée à l'aune psychanalytique, spirituelle, historique et politique, le pas est vite franchi d'accorder moins d'attention aux normes de la réussite professionnelle ou familiale, au profit d'une exigence intérieure de mise à nu de sa vérité personnelle, et de se retrouver ainsi dans la plus grande précarité matérielle.

Le mari lui est  devenu objectivement riche, bien que j'estime qu'il n'ait pas travaillé plus que moi, loin de là. Grâce à notre mariage et au fait que je sois restée à la maison, il a pu obtenir l'intégration, les avantages matériels, les propriétés foncières et immobilières dont il jouit maintenant.

Je ne l'ai jamais envié, car j'ai toujours su que mon engagement dans l'aventure de la vie ne pouvait s'enfermer entre quatre murs, et parce que le labeur de construire son bonheur en prenant les risques de se rencontrer soi-même dans une humanité authentique n'a pas de prix.
Je peux donc avancer, après avoir franchi des étapes périlleuses avec succès, en ne m'attachant pas au jugement commun qui décrète avec arrogance la validité d'une vie sur sa carrière et ses rendements extérieurs, que je n'ai jamais été aussi bien dans ma peau que maintenant. Aussi libre.

Mais il reste qu'à vingt ans, je voulais déjà prendre du large de cette société pour  créer un autre monde et qu'il m'a fallu plusieurs décennies pour réaliser mon utopie. Utopie qui s'avère n'être au fond qu'un retour au bon sens, à la simplicité et à l'intégrité.

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Il reste que pour une femme, l'exigence intérieure d'assumer un rêve de justice et de liberté est la tâche la plus engageante et la plus éprouvante qui puisse être accomplie.

Il est inutile et déplacé de chercher à quantifier ce labeur, ça serait aussi vain que de vouloir mesurer la dose d'amour dont son cœur est capable.

Il restera toujours des choses qui échapperont à la comptabilité du PIB et du PNB, des choses intrinsèquement subversives et incontrôlables, un socle imperturbable de valeurs humaines qui donneront à la vie ce goût d'aventure et d'inattendu qui fait qu'on a envie de se lever le matin:
la libération des femmes en est une composante majeure.

njuy 

Actuellement en  état d'expulsion du terrain sur lequel je suis installée avec mes yourtes depuis cinq ans, j'ai toujours l'impression de devoir sans cesse redémarrer à zéro. Accusée de squatter, trainée devant les tribunaux comme une délinquante, alors que je ne veux qu'habiter et continuer à travailler, j'ai compris que le simple fait d'exister dans l'intégrité de sa dimension humaine fait de toute femme engagée une dissidente.

De la petite fille sage et comblée

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à la femme accusée et expulsée,

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quel degré de perversion d'une société faut-il  pour en arriver à tant de méprise et d'exclusion!

Mon aventure avec le Cantoyourte est un exemple de ce à quoi doivent s'attendre les femmes qui ont quitté le joug conjugal et entamé un chemin de dépollution psychique: les hommes de pouvoir et les hommes qui n'en ont pas, qui pullulent sur la place publique ou derrière leurs volets entrouverts, ne supportent pas qu'une femme puisse leur résister

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et sont bien prompts à se liguer entre eux pour éliminer cette impertinence.

Résumé de l'histoire du Cantoyourte:

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Fabricante autodidacte de yourtes, après m'être reconvertie d'une activité d'artisane en couture d'art, j'ai obtenu un accord oral pour m'installer sur un terrain abandonné par son propriétaire, une association de réinsertion ayant déménagé. Le maire de mon village m'avait proposé un terrain en bord de rivière, qui s'est avéré impropre à mon projet, donc je l'ai prévenu de mon installation sur un terrain plus proche de mon atelier de fabrication .

En effet, il est courant qu'en milieu rural, des accords à l'amiable fondés sur des droits d'usage coutumiers se contractent pour l'occupation de terres en échange de leur entretien.

Après avoir défriché ce terrain pendant tout un hiver avec des jeunes et des habitants du quartier de mon village, le Cantoyourte a vu le jour au début de 2005, avec ses trois yourtes en patchwork, gérées par l'association Demeures Nomades.

Le camp est devenu un lieu d' animation pour le quartier, une ressource pour d'autres associations locales, un lieu d'expérimentation de la vie en plein air sous habitats modestes et légers dans un but de simplification volontaire, et un lieu de militantisme alternatif.

Suite à la liquidation de l'association propriétaire, le terrain a été revendu fin 2005 aux enchères à un cartel de marchands de biens, qui ont délibérément enfreint les réglementations, en particulier sur le droit de préemption, et profité de la cécité opportune d'un huissier qui jure n'avoir vu aucun « bâtiment » sur les parcelles expertisées pour le cahier des charges des enchères.

Bien qu'ayant obtenu la promesse d'un des marchands de biens de me revendre le terrain s'il restait inconstructible, après que le PLU en révision ait classé ce terrain en zone industrielle définitivement inconstructible, le cartel immobilier a décidé de me faire payer sa frustration spéculative en me faisant expulser, avec l'aide d'un sénateur voisin, ex maire de Bessèges, en 2008.

Poursuivie au pénal sous le chef d'accusation « d'installation en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d'y habiter », j'ai été menacée de six mois de prison, confiscation des véhicules et du permis de conduire et grosse amende pécuniaire.

Mes adversaires spéculateurs et oligarques locaux ont tenté d'utiliser à mon encontre la loi de sécurité intérieure promulguée par Sarkozy en 2003, particulièrement répressive et discriminante pour purifier nos campagnes et banlieues des gitans et autres nomades « intempestifs ».

Ils ont été déboutés et j'ai été relaxée, suite à un procès retentissant qui a mobilisé de nombreuses personnes indignées, ainsi que les associations de défense du droit au logement et les organisations politiques de la gauche alternative.

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Les spéculateurs ont répliqué en m'assignant en référé expulsion au tribunal d'Alès, procédure normalement réservée aux urgences, alors que mon affaire aurait du être jugée sur le fond par une autre instance.
Ma défense remettant en cause la légalité de la vente aux enchères,  je n'avais aucune chance de gagner, puisque ces ventes sont  organisées par le microcosme corporatif  afférant à chaque tribunal de province.
Mon expulsion a donc été prononcée, mais avec un délai de quatorze mois, pour cause de santé, puisque je suis en convalescence d'un cancer.
Acculée, j'ai alors capitulé devant mes principes anti-propriétaires:
un ami m'a alors revendu à bas prix un terrain voisin totalement en friche sur lequel nous déplacerons le camp de yourtes pour y continuer nos œuvres sociales et écologiques.

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Des chantiers collectifs de défrichage et aménagements du nouveau terrain ont donc de nouveau lieu régulièrement. Il est possible d'être hébergé au Cantoyourte pendant encore une année et d'expérimenter la vie sous yourte en échange d'un peu de travail.

Nous avons demandé à la mairie de Bessèges de préempter le terrain du Cantoyourte lorsqu'il sera vendu par les marchands de bien, afin qu'il reste un espace collectif pour les gens du quartier, avec terrain de boules, bancs publics, espaces verts etc, ce qui manque cruellement à nos petits vieux qui sont obligés de se coincer entre poubelles et voitures pour prendre le frais les soirs d'été.....

Nous espérons que la lutte que nous avons mené pour faire de ce lieu une bouffée d'oxygène dans un village livré aux affres d'une reconversion difficile bénéficiera à tous.
Nous espérons que l'économie de survie que nous avons transformé en aventure de quartier, et maintenant, avec la notoriété du camp, en aventure communale et nationale, puisse continuer à montrer que le soin qu'on apporte aux endroits les plus blessés du territoire ne sont pas vains et contribuent à revaloriser toute une communauté villageoise.

En attendant, je suis frappée de constater combien les hommes qui n'aiment pas les femmes sont prompts à se liguer contre celles qui osent afficher leur liberté.

Frappée c'est le cas de le dire, puisque je viens d'être physiquement agressée par un voisin en furie qui me dénie avec une violence aveugle tout droit d'habiter là où je suis. En l'occurrence, ce monsieur très énervé, alors que je ne lui ai jamais porté tort, m'a frappé avec sa pelle de jardin en pleine figure.

coulantes

Désignée par la justice à l'ire populaire comme une féroce voleuse de terres, je fournis désormais aux pires frustrés du village la cible facile où décocher la haine accumulée d'une pauvre vie étriquée.

Mon illusion de croire naïvement que ma force de travail et mon honnêteté suffiraient à apaiser les septiques et les belliqueux est définitivement détruite. L'introduction de la loi quand la violence surgit est plus que jamais nécessaire, mais une loi qui soit au service de la vie collective et non pas au service des riches et des exploiteurs.

Les femmes sont parfaitement conscientes, dans notre beau pays de France, que leur célibat, leur divorce ou leur indépendance ne les mettra pas plus en sécurité que dans leur foyer, où déjà une sur dix se fait tabasser.
Mais lorsqu'elles quittent un compagnon violent, après un petit tour pas drôle du tout par la violence institutionnelle, et qu'elles reconstruisent leur vie sans la menace permanente du coup et du chantage, beaucoup découvrent que tôt ou tard, se passer délibérément de la protection d'un homme leur coutera encore plus cher que leur émancipation.

Si l'on devait compter le nombre de femmes mortes sous les coups d'un homme, on dépasserait largement tous les cadavres masculins produits par les guerres.

Alors je le demande, quand donc cessera cette calamité et ce barbarisme qui fait qu'aucune femme n'ose aller camper en forêt dans ce pays, ni même se promener seule à la campagne, sans un molosse?

Alors je le demande, comment sortir vivante et entière de cette guerre mortelle d'un sexe contre l'autre?

Alors je le demande, où allons-nous nous réfugier, nous, les femmes, quand le mari, l'amant, le voisin, le collègue et le patron, le juge et le gendarme, sont tous devenus plus dangereux qu'un état de guerre?

J'espère avoir démontré ici à mes sœurs qui hésitent encore sur leur style de vie que, quitte à s'en prendre plein la figure, autant que ça soit en faisant ce que notre cœur nous dicte.
Que quitte à être détestée, incomprise, accusée, traitée de sorcière ou de folle, trainée devant les tribunaux pour avoir oser exister, autant vivre comme on l'entend, autant habiter dans les murs qu'on se choisit,
des murs par lesquels on entend les oiseaux
et l'esprit souffler où il veut.

Car ce ne sont pas les pierres ni les grillages qui les entourent

qui nous gardent de la violence du monde,

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mais notre courage, notre lucidité et notre amour.


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Commentaires
C
Ce commentaire n'est qu'un soutien affirmé de plus, en échange du soutien que m'apporte ton blog, sans que tu ne le sache vraiment. Merci de partager ta vie (et ton œuvre) avec nous, illustres inconnus. Aujourd'hui j'ai 25 ans, et j'arrive encore parfois à croire que l'amour existe vraiment et est une maladie contagieuse chez l'être humain. Plus souvent, le désespoir est là, et ma naïveté m'apparait comme un fardeau. Mais est-il vraiment plus facile de vivre dans la haine et le mépris? On ne choisit pas qui on est, et je te remercie car tu m'aides à assumer qui je suis, le mode de vie que j'ai choisi, et l'amour que j'ai besoin de donner à n'importe qui, même à ceux qui peut-être un jour me chasseront de ma yourte.
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K
La femme est forte : n'en es-tu pas la démonstration ? La nature t'accompapagne n'en doute pas. Face à ces petits êtres faibles la nature les écrases d'un coup de vent. Ne t'abaisse pas devant cette tapette en lui faisant le cadeau d'être sa victime. Tu es la nature sauvage et indomptable. Je suis avec toi.
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M
Je découvre ce jour par l'entremise d'une amie Pascale, qui fait un blog Créabracadabra,vos combats pour avoir le droit d'habiter une yorte, alors qu'en allant sur Google certains n'éprouve aucun problèmes.( Tant mieux pour eux) Mais là n'y a t'il pas 2 poids 2 mesures Pourquoi l'un à le droit et d'autres sont constamment persécutés, alors que ces personnes ne demandent qu'un toit... Là Sincèrement je ne comprends pas....
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I
whaaaa quel homme que celui ci trop top. Il était quoi dans son jeune temps collabo, adepte du marché noir? <br /> <br /> Vraiment lamentable ce type de comportement,tu as bien résumé<br /> ""je fournis désormais aux pires frustrés du village la cible facile où décocher la haine accumulée d'une pauvre vie étriquée""<br /> <br /> Crois moi ce genre de personnage n'est pas isolé malheureusement, mais ceci dit tu peux également rencontrer cette haine chez les femmes, vies étriquées et frustrées font que.....cancans et coups bas.<br /> <br /> Bon courage vivi<br /> Bises<br /> Isa
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G
Chère Sylvie, <br /> <br /> Je viens de lire ton témoignage si émouvant et je voulais te témoigner mon soutien inconditionnel qui se manifestera déjà par les méditations et prières que je t'adresse. <br /> <br /> Je suis un homme qui se défini comme féministe et attéré mais malheureusement d'accord avec les constats que tu fais concernant ces hommes qui veulent tout maîtriser. <br /> Je veux simplement te dire (sans rien minimiser de ton vécu) qu'il existe des hommes qui n'ont pas cette volonté de domination.<br /> <br /> Courage il exite des êtres humains au delà de leur sexe qui te soutiennent. <br /> Tous les combats que tu portes sont justes, et sache que je t'admire profondément.<br /> <br /> om mani peme houng<br /> guillaume
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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