Un peu de Zen dans un monde de brutes
Ils branchent des fils partout, allument des lampes, des moteurs, des bécanes et des tas de mécaniques, des circuits intégrés de tous gabarits, éructent des tensions, des watts, des joules, des ampères, sans cesse, dehors, dedans, dessus, dessous.
Pour tous les gestes de la vie quotidienne,
ils pressent sur des boutons et des accélérateurs, jamais sur le frein, sauf en cas extrême pour repousser jusqu'à l'arrivée des caméras une collision mortelle,
ils enfilent leurs cartes et leurs puces dans des tourniquets à dynamo increvable, ils rechargent leurs abonnements, leurs piles, leurs coffres, leurs frigos, leurs gros bides, ils entassent de la casse dans leur antre, l'entrechoquent sur des étagères croulantes, broient la pléthore de matière vomie à la centrifugeuse de leur cerveau.
Et toutes ces cervelles barattées dans le bureau des filiales bancaires, ils courent en fabriquer des clones sur des machines qui hurlent, qui vrombissent, qui pétaradent, ils extraient le feu de la terre pour le dilapider dans une grande crise de jalousie envers le soleil, ils roulent de plus en plus vite avec des engins de plus en plus blindés, produisent de plus en plus de décibels et d'ondes de chocs, agglutinent des embouteillages monstrueux, des montagnes de déchets qui fument, se causent avec des klaxons, des fanfares et des armes ....
Et ils sont incapables de se rendre compte que plus une masse s'agite, plus elle chauffe, et que plus elle chauffe, plus elle risque d'exploser.
Incapables de voir qu'à un moment, la seule solution, c'est de s'arrêter totalement et de plus bouger, de plus rien toucher.
D'attendre que la température baisse.
Pourtant ils se sont fabriqués des machines pour surveiller ce qui se passe ailleurs que sous leur nez, ils ont des réveils, des sonards, des cornes de brume, des écrans géants, des canons, des GPS, des satellites, des fusées et des avions qui crèvent le mur du son.
Ils comptent que le voisin et le lointain soient désormais comme eux, standardisés, robotisés et motorisés, ou qu'ils le seront tôt ou tard, de gré ou de force, comme eux sur le fil du rasoir, transpercés d'électro-magnétisme et de micro-ondes, scannés dans leur intimité, avec leur ADN affiché au poignet.
Ils peuvent communiquer entre eux pour se prévenir, constater que l'entropie est atteinte et que la faillite est imminente, ils pourraient s'avertir qu'il suffit maintenant d'une toute petite quantité de chaleur en déplacement pour tout faire basculer, et que, cette petite quantité, ils en sont responsables...
Mais non, dés qu'il y en a un qui sonne l'alerte, ils augmentent le débit, ils poussent le son, ils enfoncent la manette, ils libèrent les gaz, repassent à la pompe, commandent plus de packs promotionnels et de forfaits illimités, saturent les réseaux, ils ne veulent rien savoir, ils gesticulent plus fort, plus haut, allument plus fort et plus souvent leurs engins, se trémoussent encore plus vite sur la piste de danse surchauffée!
Ils veulent continuer à s'intoxiquer extatiquement tous ensemble,
s'immoler dans les vapeurs délétères, à se transfuser du sang contaminé, avaler des fibres cancérigènes, ils préfèrent se laisser porter dans les chariots industriels de la sur-consommation et de l'aberration, sanglés sur des roulettes informatisées qu'ils ont huilé au karsher pour symbiotiser au système total,
ils veulent bourrer leurs tympans de vacarme pour s'ankyloser, s'hypnotiser, se shooter à donf.
Parce que tous ces moteurs qui ronronnent et qui giclent, ces micros qui dégorgent, ces détonations qui crépitent, ces villes en fusion, ces déchirures dans la couche d'ozone, ces pluies de fer et de foudre qu'ils provoquent,
quelle puissance ça leur renvoie!
Toutes ces lumières allumées, tous ces appareils en veille,
tous ces voyants qui clignotent,
quel aveuglement ça leur procure!
Heureusement, il existe une solution pour calmer tout ça:
le Zen.
Qu'on peut pratiquer n'importe où,
pas seulement dans la yourte.
Pour les débutants, je conseille « Zen pour les nulles ».
Extraits:
« Les moutons, çà ne se déplace qu’à la vitesse du mouton le plus lent.
Ce qui veut dire que quand ils sont pourchassés, ce sont les plus lents et les plus faibles qui sont attaqués les premiers. Autrement dit, au fur et à mesure que les plus lents sont éliminés, la vitesse du troupeau augmente.
C’est mathématique.
C’est pareil pour le cerveau humain.
Il ne peut fonctionner plus vite que ses cellules les plus lentes. Or, on le sait maintenant, l’alcool détruit les cellules du cerveau. Ce sont donc les plus lentes qui sont bousillées en premier.
Seulement moi je ne bois pas.
Donc rien ne me détruit les cellules de la cervelle. Je sais pas si ya de quoi se réjouir, mais les faits sont là. Par conséquent, mes cellules lentes restent aux premières loges, mon cerveau rame, et moi je plane.
C’est comme çà que je me suis assise.
Partagée entre l’envie de rembobiner le temps et celle d'aller loin devant en regardant fixement rien du tout
C’est là que les problèmes ont commencé.
Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, jamais je n’avais eu de problème pour respirer.
La preuve : je respire depuis ma naissance.
Assise face à moi-même, je me suis dit :
« Bon, de deux choses l’une, ou tu continues à faire n’importe quoi, et on voit ce que çà donne, ou tu réfléchis, et tu vas avoir mal à la tête.
J'ai réfléchi.
J'ai imaginé un homme en train de réfléchir.
Un homme qui a faim.
Va-t-il se jeter sur le pauvre petit lapin qui traverse la route ?
Pas du tout.
Il réfléchit.
Il sait qu’en rentrant, il va trouver un bon repas préparé par Madame.
Alors il se calme, et laisse le lapin tranquille."