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YURTAO, la voie de la yourte.
26 décembre 2009

Yourtes et spiritualité : éco-ermitages sur le pré.

Témoignage d'un auto-constructeur

du peuple des yourtes.

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Rv (Phonétique simplifiée d’Hervé) dévoile ici la continuité de fond, jalonnée de ruptures, du parcours de sa vie, qui l’a mené à fabriquer sa yourte, puis installer une écoasis en pleine nature, où il offre le partage de son expérience à d’autres auto-constructeurs.

Grandi à la campagne dans une HLM improbable, au milieu des prés, Rv côtoie durant sa jeunesse des enfants de toutes les immigrations, bande de gamins constituant spontanément une sorte de communauté des années 70.

C’est là sans doute qu’il acquiert son goût de la liberté, de la vie sauvage, du respect des différences et du partage multiculturel.

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Issu d’une famille moyenne, ses parents fonctionnaires rêvent d'un fils ingénieur gravissant l’ascenseur social. Très curieux de connaissances et de science, il poursuit avec plus ou moins d’ennui ses études, jusqu’en « Maths sup ».

Parallèlement, son éducation catholique lui offre la chaleureuse rencontre avec un prêtre remarquable et le sentiment d’appartenance à une communauté.

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Mais sa soif de pratique et de compréhension en profondeur bute sur le dogmatisme religieux, frustrant une quête intérieure de plus en plus exigeante.

Aimanté par un besoin de spiritualité plus authentique, Rv quitte « Maths sup » pour s’inscrire en philo et se consacrer à la recherche de sens et de transcendance, choix difficilement compris mais finalement accepté par ses parents.

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Recherches personnelles, lectures assidues et systématiques aux rayons des bibliothèques, découverte des Evangiles apocryphes, et… à la lettre Z, rencontre formidable avec le zen, le dernier bouquin de l’étagère, et là, immédiatement, la révélation ! Le jeune homme trouve écrit noir sur blanc son ressenti le plus profond. Il fréquente les «Beaux Arts» suite à une rencontre intense avec l'esthétique, et décide que, plutôt que de penser l'art, il vaut mieux le pratiquer.

Il part donc expérimenter la méditation un week-end dans un centre d'études tibétaines,

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et… il y reste trois ans et demi!

Il arrête tout pour étudier et pratiquer le Dharma dans ce centre bouddhiste laïque, apprend la philosophie, la psychologie bouddhiques et pratique la méditation assise, marchée et active, prend du temps pour la contemplation au milieu des paysages féeriques des montagnes savoyardes et découvre qu’on ne meurt pas du végétarisme.

La formation est intense: cet électron libre qui suit opiniâtrement son maître intérieur découvre les aléas et les joies de la vie en communauté, se ressource en retraites solitaires dans des refuges perdus dans les neiges. Mais lors de la préparation à la fameuse retraite de trois ans, la vive perception d’un fort décalage d’avec sa propre tradition culturelle l’amène à renoncer à s’engager définitivement dans une voie trop exotique.

Le besoin d’une maturation se fait sentir, d’éprouver sa pratique spirituelle en retournant sur « la place du marché » dans la vie active en société.

Il a d’ailleurs appris un vrai métier dans le centre, puisqu’il y était en charge de la communication, et rencontré une compagne, engagée dans des études qui aboutiront à une thèse passionnante mais exigeante. Ils voyagent plusieurs années vers les grandes universités européennes et plus particulièrement un an en Inde.

Néanmoins Rv continue de se ménager des temps de retraite et d’étude, jusqu'à ce qu' au bout de six ans, où il accepte la proposition d'un CDI d'une association pour la création d’une agence de communication employant des personnes handicapées. Cependant, l’investissement en temps et énergie est trop important, Rv refuse de s'enfermer dans un bureau donnant sur une zone industrielle, alors qu’il préférerait voir par la fenêtre un ermitage dans la montagne...

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Il décide donc de poursuivre son chemin en solitaire, après séparation amicale d'avec sa compagne:

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ils laissent derrière eux une maison et un jardin dans la campagne vendéenne,

une certaine sécurité matérielle et affective…

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Rv choisit à nouveau la méditation en allant expérimenter la voie monastique, cette fois au village des Pruniers, dirigé par le maître Vietnamien Tich Nath Hanh, dont il suit l’enseignement pendant deux ans. Découverte de la Sangha, la dynamique de l’assemblée des méditants, de la douceur et la bienveillance de la pratique communautaire, sentiment de correspondance à ses besoins les plus importants mais aussi et encore d’un décalage culturel au milieu d’une majorité de monastiques d’origine asiatique.

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Quand il se sent assez fort pour partir à la recherche d'une communauté laïque occidentale, intégrant la simplicité, l’écologie et des références culturelles et cultuelles pas trop marquées, il chemine pendant un an en moine gyrovague de monastères en communautés religieuses, d’éco-villages en éco-hameaux, hébergé ici ou là, ou dormant dans son véhicule.

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Une nouvelle fois, une rencontre féminine est déterminante : une fabricante de yourtes qui lui propose de l’initier à l’auto-construction, lui ouvre des possibles inimaginables jusqu’alors.

La réalisation de sa propre yourte

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lui apparaît vite comme la solution parfaite pour disposer au minimum d’une base, d’un pivot dans son errance : il apprend pendant neuf mois la menuiserie, la couture et la vie en collectif auto-organisé. Cependant, il se trouve vite confronté aux limites engendrées par l’absence d’une vision commune et le manque d’une certaine structuration. D’ailleurs, l'éco-village a aujourd'hui disparu.

Or c'est pendant cette période qu’Rv rencontre dans une Assemblée générale du mouvement des « Oasis en tous lieux » (initié par Pierre Rabhi, l’auteur entre autres du livre « Du Sahara aux Cévennes » devenu célèbre pour son approche humaniste, ses prises de position pour la décroissance, son expérience de l’agriculture biodynamique en France et en Afrique) un couple de retraités écologistes, qui deviendront de grands amis et des partenaires indéfectibles. Le couple propose de mettre à disposition de volontaires courageux une dizaine d'hectares au Nord de l’Ardèche pour la création d'une Oasis.

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De façon extraordinaire et synchronistique, cette vallée se trouve être le berceau de la famille du père d’Rv depuis des siècles ! Cette troublante coïncidence correspond à une possibilité de retour aux sources, et dès lors Rv se donne les moyens de créer ce dont il rêve depuis longtemps.

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Il visite l’endroit en plein hiver, quelques hectares perdus dans les hauteurs et environs d'Annonay, mais se sent arrivé à bon port.

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La première fois, la neige lui empêche l’accès, mais le lieu lui plait pour la vue magnifique, sa situation de nid d'aigle surplombant la plaine, l’espace, la beauté sauvage. L’exposition n’est pas la meilleure, en hiver le soleil est absent de l’ubac, les conditions montagnardes sont rudes, on est à huit cent mètres. Aucune certitude de ne pas devoir déménager manu militari… L’ami qui voulait s'associer au projet part en courant, mais Rv, suffisamment bien dans sa peau, avec un fort potentiel d’acquis, est conquis par la présence d’eau de source et l'espace vierge.

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Certain qu’enfin il va pouvoir réaliser là le projet qu’il tient au chaud dans son cœur, il signe un bail agricole en bonne et due forme avec les propriétaires.

Il déménage alors des Pyrénées et commence sa communauté d'ermites tout seul en s'installant en hiver 2005 sous sa yourte.

L’hiver est très rigoureux  4030152941_85dc476c5f_m

mais exaltant, notre brave dans le meilleur de sa force, dans l’enthousiasme d’un accomplissement enfin à portée de mains; il possède assez d'énergie pour travailler sans faiblesse par moins dix dehors! Il plante ses pilotis, pose sa yourte et installe son poêle le 24 Décembre. Il fête le réveillon de Noël avec les propriétaires du terrain dans une yourte vide de 6 mètres de diamètre et la simplicité totale….Avec pour toute richesse une source qui coule, un peu de bois pour chauffer, un matelas par terre. Son régime végétalien, qui deviendra plus tard essentiellement crudivore, réduit ses besoins et sa vaisselle au minimum. Ces conditions de vie spartiates intensifient la découverte du lieu dans la neige, la solitude et le silence.

Cette période d’investissement d’un espace naturel est particulièrement joyeuse, optimiste, et rares sont les moments de doute devant l’ampleur de la tache, considérée comme un cadeau, avec un profond sentiment de reconnaissance, d’évidence et de plénitude.

Puis, dès les premiers rayons de soleil, des amis et des curieux commencent à pointer leur nez.

Un ami du monastère, convaincu, se décide à venir rejoindre l’ermite, et les deux hommes construisent ensemble, sur place, la yourte du nouveau résident. Puis, dans une belle orchestration fusionnelle, se mettent à la fabrication d’une grande yourte destinée à recevoir les visiteurs, développer des activités, servir d’atelier.

Ils creusent une nouvelle source pour obtenir un débit suffisant,

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posent des tuyaux, aménagent une cave, et échangent régulièrement sur une vision du lieu cohérente. Le compagnon ermite est totalement autonome, mais régulièrement les deux hommes se retrouvent pour partager en toute sobriété les matinées en silence, à pratiquer l’assise, le Chi Kong, la marche méditative et le chant. Ils créeront ainsi le petit cœur de la Pinsole qui interprétera de la musique sacrée avec une douzaine d’amis. L’ami reprendra sa route un an plus tard, après de rudes et enrichissantes épreuves.

Rv, perfectionniste, doué de facilités pour la mise en œuvre du bois et des toiles, chercheur, inventeur, bricoleur, tombé amoureux de son habitat rond, apaisant, perméable aux sons de la nature, adapte le concept traditionnel aux besoins post-modernes, ouvre de grandes baies lumineuses, mathématise la structure, introduit des matériaux et techniques contemporains.

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Il s’applique aussi à pratiquer le travail à la façon Zen, en méditation active, l’attention accordée au geste juste, aux détails, à chaque instant. Il met là réellement en pratique cet équilibre entre réflexion, action et contemplation, qui est l’essentiel de sa quête, le fil rouge de sa vie. Quoi de plus heureux et de plus émouvant que cette réalisation de son rêve, pouvoir le poser, le sculpter dans la matière, et se sentir en même temps, socialement, politiquement, en pleine cohérence avec le mouvement de la décroissance, l'écologie, le respect de la nature, de la planète, sans jamais refouler la communion spirituelle avec son intériorité.

Dès le printemps de la première année, une vingtaine de visiteurs par week-end viennent en curieux s’émerveiller de cet habitat sous tentes dans un pays si rude, inquiets du froid... Rv rassure en ouvrant son nid douillet, les gens sont alors étonnés de la chaleur, diffusée par un bon poêle. Ces visites guidées sont pour lui non seulement une reconnaissance de son travail et de son engagement, mais surtout une occasion d'ouvrir les consciences, de démontrer comment on peut vivre, très simplement, avec juste l’essentiel, tout en ayant un moindre impact sur la planète....

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Au fur et à mesure des saisons, de l'aide et des échangent arrivent par des personnes qui amènent leur abondance, permettant l’installation de panneaux solaires

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et d’une éolienne, l’achat d’une pompe solaire et de cuves de stockage pour l’eau, la construction d’un hangar en bois, coupé dans la foret du voisin et débardé avec les chevaux, la fabrication d’une yourte de bain, d’une hutte à sudation,

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Parallèlement, Rv renoue avec le tissu social et alternatif militant de la région, quittée depuis plus de dix ans. Il participe aux forums sociaux locaux en témoignant de son expérience de décroissance heureuse, s’investit dans la création d’associations pour le recyclage des huiles de friture en carburant automobile et briques de chauffage, pour le co-voiturage, pour la formation à l’auto-construction de concentrateurs solaires dont il ira faire un exemplaire au Mali, pour le développement de groupements d’achats locaux, etc.

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Friands de son aventure, les médias l’interpellent, il parle à la radio, est filmé, communique généreusement sur ses valeurs, verbalise le foisonnant partage d’expériences qui s’amplifie «au pré aux yourtes.», propose des journées portes ouvertes.

Rv est convaincu qu'il ne faut pas se cacher pour vivre heureux, il pressent que s'exposer au regard de tous avec une visée pédagogique permet de se protéger.

Mais cette prospérité correspond aussi avec le début des tracas administratifs, en particulier avec les officiels de la DDE. Il semble que des pressions locales remontent et que la protection tacite par l’ancrage du propriétaire ne soit pas garante de l’absence d’ennuis.

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Dès le début, Rv à préféré jouer la transparence de ses intentions et de ses pratiques. Il prépare un dossier de projet agricole complémenté d’une activité d’accueil en camping à la ferme. Il explique avec conviction et arguments chiffrés à l’appui qu’il va installer six yourtes pour développer l'accueil, qu’il ne demande aucune servitude à la commune, préférant être indépendant des réseaux. Il démontre qu’il est capable de produire son énergie et sa nourriture, et qu’il gère proprement ses déchets par toilettes sèches et lagunage. L’épais dossier qu’il fait parvenir au maire, contenant des parties techniques approfondies, démontre un projet sérieux et réalisable, avec une empreinte écologique quasi nulle.

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La confrontation avec le maire et les adjoints se déroule en présence des propriétaires, comme personnes ressources et partenaires pour le projet d'éco-hameau. Rv se rend compte rapidement que personne n’a lu son dossier. Il le défend donc oralement et insiste sur le fait qu’il vit dans sa camionnette par -15°C en attendant un feu vert. Finalement, un des adjoints admet qu’il est plus humain de le laisser s’installer avant que les températures chutent lourdement.... Cet atermoiement correspond à un consentement officieux, mais non officiel.

Six mois plus tard, sous la pression de voisinage, le maire contacte la DDE, qui répond de suite par le bâton. Ces fonctionnaires ignorent, volontairement ou pas, le statut de tente de la yourte, qui, n’étant pas un bâtiment, n’est pas soumise aux règles qu’ils ont l’habitude de faire appliquer. D’après eux, qui ne connaissent que le code de l’urbanisme et les demandes conventionnelles de permis de construire, il y aurait délit. Donc, ils menacent Rv et son coéquipier, par l’entremise du maire, d'un procès verbal de constatation. Le maire embêté convoque tout le monde.

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La confrontation s'avère difficile au début, car les fonctionnaires de la DDE jouent l'intimidation pure, genre Robocop « la loi c'est nous, on va vous faire partir », tout en se gardant bien de présenter le moindre texte de loi adéquat. Le maire essaie d’arrondir les angles, mais avoue son incompétence en matière d’urbanisme.

Heureusement, Rv, fort de contacts avec des associations spécialisées, fait valoir le vide juridique qui entoure le statut des yourtes.

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La DDE, constatant, sans doute, qu'elle a affaire à quelqu'un qui connait la loi, s'adoucit un peu, prétextant de la bonne volonté démontrée d'Rv sur son projet agricole, et, d'un ton plus onctueux, revient à la charge en exigeant l'exécution des démarches pour l'obtention d'un permis de construire. En tant qu'agriculteur, Rv peut installer sa maison sur son terrain par nécessité d'être présent sur les lieux de l'exploitation, en l'occurrence un élevage de moutons. Il s'engage donc par écrit à entamer les démarches exigées. La promesse calme le jeu, mais quand Rv retire les papiers du dossier administratif à la mairie, il (re)découvre un monceau d'implications qui va totalement à l'encontre de ses convictions : fosse sceptique, normes pour l'accueil, traitement de l'eau, engagements à des frais exorbitants pour études de sols. Il ne dispose de toutes façons d'aucune somme financière pour tant d'investissements inutiles.

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En outre, la justification à la DDASS de normes de potabilité de l'eau pour un camping à la ferme est équivalent à celle d'une commune ! La DASS a imposé à un ami Drômois, Michel Marchand, qui a déclaré un camping à la ferme pour ses yourtes, une obligation de filtres à UV, des cadenas sur sa source à cause du plan Vigipirate pour empêcher un groupe terroriste d'empoisonner l'eau (!...), des analyses récurrentes plusieurs fois par an qui coutent très cher, un captage aux normes, des blocs sanitaires obligatoires et des prises et du chauffage électrique partout !

Il enterre les papiers et se positionne sur une sorte de statut quo, renforcé dans sa conviction qu'il ne rentrera jamais dans ce système dilapideur de ressources et en conclu sereinement qu'il ne peut plus jouer ce jeu. Il poursuit donc son chemin expérimental en rajoutant discrètement une yourte par an, comme prévu et annoncé...

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Puis Rv reçoit la visite du SPANC, syndicat pour l'assainissement non collectif, qui découvre ce qu'est une gestion écologique de l'eau, les toilettes sèches. Il leur fournit gracieusement des documents techniques et se fend d'explications très pédagogiques. Ce sérieux et cette conviction lui seront favorables : les documents lui seront restitués avec une autorisation à titre exceptionnel et expérimental, ce qui entraine un vif soulagement et un espoir pour tous les candidats à l’installation.

Le maire, en visite au pré avant les élections municipales, admet, en sirotant un thé convivial dans la yourte, que l'habitat est démontable et ne présente pas de danger (les yourtes sont toutes équipées d’extincteurs). Il fait simplement remarquer que l'équipe suivante aux commandes de la commune risque d'être moins tolérante et qu'il faudrait quand même déposer les permis de construire.

Notre pionnier concocte ensuite un beau dossier pour le ministre Boorlo sur un projet de prise en compte de « terrains de vie», en démontrant l'antécédent des pratiques expérimentales en habitat léger, et propose un cahier des charges précis et contraignant ainsi que l'ébauche d'une charte, comportant des points clefs comme la réversibilité et la non artificialisation du sol, la gestion écologique des déchets, l'autonomie aux réseaux.

Il demande que ce genre de projet écologique puisse bénéficier de soutiens financiers pour investir dans le solaire et les énergies renouvelables. Malheureusement, il ne reçoit jamais de réponse, les élections arrivent au milieu, les ministères sont chamboulés, le dossier s'évapore.

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Incrédulité et ignorance sont encore maitres de la situation lors de la commission d'insertion : Rv est exclu du RMI car son projet agricole basé sur la permaculture est jugé non viable par un technicien sensé l’accompagner dans son projet hors normes. Tout en reconnaissant ne rien y connaitre, ce fonctionnaire social ne veut rien savoir, il pense tout bonnement impossible l'absence de labours et d'arrosage. Ce faisant, l'homme offre à Rv la libération des chaines et du boulet des aides sociales, mais aussi la fin de l’illusion de sécurité d’un minimum vital.

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Rv démontre pourtant aujourd'hui que ses objectifs sont relativement atteints. Il ne vit pas encore sur ses modestes récoltes mais assure sa survie matérielle par l’échange d'accueil et de troc ainsi que par l'accompagnement à la construction de yourtes.

Quelques semaines plus tard, le maire conciliant est réélu, et la DDE ne revient plus à la charge. N'étant plus directement menacé, sans opposition formelle des officiels, le yourteur n'a pourtant pas de reconnaissance légale.

Sans statut, avec la sensation pas très rassurante de se trouver sur un siège éjectable,

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disposant d'une relative liberté d'action, la situation d'Rv, avec ses cinq yourtes et un hangar, le confronte aux limites du projet, ce qui l'empêche de développer plus avant l'éco-hameau.

Il passe pourtant sur le lieu beaucoup de personnes souhaitant s'installer sur une parcelle de ces huit hectares !

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Il est clair que si la situation de l'écoasis de la Pinsole était officiellement reconnue, si Rv était libre d'accueillir ces postulants à la vie en yourte,

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sans crainte de risquer de mettre tout le projet en péril face aux autorités, ce serait au minimum vingt yourtes qui fleuriraient sur les prés !

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Il est témoin de première ligne que cet habitat correspond à un vrai besoin, une réalité économique, sociale et spirituelle. De plus en plus de personnes veulent s'échapper du système aliénant, du locatif, de l'esclavage du crédit, et se déclarent prêtes à tenter le retour à la nature, à reconquérir leur l'autonomie, leur dignité et leur liberté, prêtes à se donner du temps pour s'harmoniser avec l'environnement. Vu le flot de demandes, un vrai village de yourtes, d'auto-constructeurs et de méditants, pourrait voir le jour sur ce lieu : l'espace est suffisant pour que chacun dispose d'assez de place pour son autonomie, tout en partageant des structures collectives.

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Mais il n'y a pas que l'impossibilité sociétale et les obstacles administratifs qui limitent ce genre de projet hors normes, il existe d'importants défis humains à relever, en particulier pour tout ce qui concerne la gestion des relations humaines, car tout collectif génère des difficultés internes.

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Les gens ne sont pas forcement aussi prêts qu'ils le veulent, parce qu'assumer de vivre différemment des autres, de recréer du collectif en pionniers, demande un véritable travail sur soi. Beaucoup de candeur et d'idéalisme se heurte vite à la difficulté de se réinventer des règles de vie commune, de construire des relations harmonieuse, d'assumer des engagements. Une part importante de ce genre de projet doit donc reposer sur la volonté de consacrer de l'attention à ses co-résidents, d'accepter de se donner les moyens de régler les conflits éventuels aussi petits soit-ils, ce qui implique vigilance, investissement en temps, énergie, patience, écoute. Certains outils comme une formation à la communication non violente, pratique du renouveau, apparaissent fort souhaitables.

L'enthousiasme fusionnel des débuts, l'arrivée ou le départ de conjoints, peuvent entrainer des sentiments d'abandon ou de rejet, des crispations qui s'ajoutent aux facteurs psychologiques personnels, à base de veilles casseroles qu'on se traine, des blessures qui se réactivent. Il faut savoir qu'une pratique spirituelle ne règle pas tout, que des conflits peuvent déboucher sur des départs, des ruptures. Il surgit toujours des moments de crise, d'étapes et d'obstacles à surmonter. L'enjeu étant de pouvoir transformer cette énergie très intense.

Rv qui a vécu une dizaine d'année en communauté continue à apprendre tous les jours: ce n'est parce qu'on médite tous les matins ensemble en pratiquant la voie du milieu que tous les besoins et les désirs s'équilibrent dans une harmonie parfaite. Il faut donc savoir gérer ses frustrations et ne pas projeter ses problèmes sur les autres, savoir se remettre en question et négocier.

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C'est pourquoi une ouverture permanente du lieu ne serait plus nourrissante, mais épuisante. Les quatre ou cinq mois d'hiver pendant lesquels s'essoufflent les visites, périodes de désert relationnel, permettent le ressourcement dans le silence et la solitude.

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La détermination d'Rv à s'observer honnêtement dans ses propres difficultés lui fait comprendre combien il est difficile de guérir de ses limitations et donc d'accueillir vraiment celles des autres.

La fondation d'un éco-village repose souvent sur une sorte de croyance candide style conte de fée, un fantasme qu'il suffit d'avoir les conditions matérielles pour obtenir un bonheur sans nuages, du genre « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ...» La réalité, pour certaines personnes en recherche mais sans expérience, c'est qu'à la première difficulté, tout s'effondre.

C'est pourquoi Rv préconise d'être capable d'arriver à une certaine complétude personnelle avant de s'engager dans des collectifs, de ne pas avoir besoin des autres pour son équilibre, d'essayer d'être vraiment autonome à tous points de vue, la communauté n'ayant pas pour fonction d' être une béquille.

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C'est ce que contient cette appellation paradoxale « d'ermitages communautaires ».

C’est pour lui le sens d’une véritable écologie : environnementale, sociétale, politique, relationnelle, psychologique, spirituelle, bref : holistique.

Actuellement, un jeune couple, depuis deux années sur le lieu, qui a pu se construire une yourte et s’autonomiser, va s'émanciper. Ils ont entrevu dans cette vie simple la possibilité de s’affranchir de certaines dépendances et de guérir de maladies chroniques par une alimentation et un rythme plus sains. Une autre personne va arriver pour investir l'emplacement qui dispose d'une cave sous le plancher.

Rv se trouve être le pivot du lieu alors qu'il n'était pas dans son objectif d'être indispensable. La vie d'ermite est exigeante et peu nombreux sont les candidats qui franchissent les tempêtes et les hivers.

Il est donc en train de se remettre en question.

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Est-ce qu'il prend le risque d'exploser le statu quo en risquant de provoquer des poursuites judiciaires et remettre en cause la pérennité du projet, ou est-ce qu'il se recentre sur le coté spirituel, mettant un frein à ses activités militantes, écologiques, décroissantes ?

La relève semble assurée par des jeunes porteurs de projets, pour le développement de l'agriculture vivrière, des micro-communautés. Sa pédagogie par l'exemple : « C'est parce qu'ils ne savaient pas que c'était impossible qu'ils l'ont fait», a porté ses fruits, catalysé des déclics libérateurs.

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Désormais, il ne ressent plus le besoin d’agir sur du matériel et du législatif. Il ne croit plus au combat frontal et pense qu'une certaine forme de résistance renforce ce à quoi on résiste.

Intérieurement, il s'est positionné dans une ouverture d'empathie avec les humains et leurs problématiques, et a donc envie de s'investir plus à ce niveau : c'est assez subtil, idéaliste et parait peu efficace concrètement, mais ce travail intérieur lui semble complémentaire avec celui des militants de la désobéissance civile et de la résistance active, dont il a suivi d'ailleurs les enseignements pratiques. Il préfère l'inclusivité plutôt que le combat, et tente de s'ajuster à la réalité : les institutions ont leur rôle à jouer et participent à une sorte d'harmonie, qu'il tente de dénicher et d'intégrer.

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L'insécurité par rapport au lendemain, difficile à vivre pour un occidental dans sa fausse sécurité matérielle, lui a permis de se libérer de beaucoup de craintes et d'attentes illusoires, de se dégager des peurs véhiculées par la société et les médias qui perpétuent un statut d'esclave courbé, et d'acquérir finalement une profonde confiance intérieure et une large ouverture au possible.

Maintenant, parce qu'il a réussi à réaliser la plupart de ses rêves, il n'a plus besoin de réfléchir,

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il laisse cette riche expérience l'habiter, et se trouve donc comme flottant dans la rivière de la vie, à la disposition de l'univers, «uni et vers », à se laisse guider, délivré d'intentions particulières. Il reste ainsi, en l'absence de toute préméditation, dans le flux de l'inconnu et l'aventure est totale !

Cette disponibilité, cette pleine écoute, entraine des synchronicités incroyables et des concours de circonstances spontanés.

Ouverture, confiance et paix intérieure sont désormais ses priorités, d'où découle tout le reste.

Texte rédigé par Sylvie suite aux propos d'Hervé, recueillis en Décembre 2009..

Vidéo de la conférence de presse de Francis Lalanne sous la yourte

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Images à voir : www.yourtes.supersite.fr

200807261716_573Contact : rvlhortolat@yahoo.fr

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Commentaires
S
quel est le tarif pour sejourner ds une yourte.<br /> quel est le nom de votre village merci
Répondre
Y
merci pour les aspects juridiques pour le développement de nouveaux espaces et des lieux sous le soleil, vous avez de grands projets et initiatives, il est intéressant échange d'expérience dans la production et l'exploitation des yourtes et des dômes dans les arts, en Russie, je ne yourtes d'origine en acier pour des spectacles de marionnettes.
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I
Bonjour !<br /> bien reçu votre annonce, elle est publiée sur le mur FaceBook d'Iris Pittaco :-)
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K
Quel parcours ! Respect ! Si bien raconté et imagé, merci pour ces instants de douceur.<br /> <br /> J'aime cette phrase : <br /> "...parce qu'il a réussi à réaliser la plupart de ses rêves, il n'a plus besoin de réfléchir, il laisse cette riche expérience l'habiter, et se trouve donc comme flottant dans la rivière de la vie, à la disposition de l'univers...".<br /> <br /> Amitiés xoxox
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D
Vivre selon ses critères,ses valeurs,ne pas céder à l'adversité, de belles leçons de vie que je trouve sur ce blog avec tous ces exemples . Celui ci est aussi fort et émouvant, et si bien écrit par ta plume Sylvie. Tu sais transmettre par tes mots et tes images des tranches de vie que je respecte. <br /> Et oui comme le dit Anne Laure,des technocrates qui n'ont assurèment jamais mis les pieds dans un pré, une bergerie, une cuisine de ferme, pondent des lois, des normes ridicules.....Tout doit être aseptisé, désinfecté, uniformisé, le goût disparait pour laisser place à l'insipide. Aujourd'hui on nous sert du bio à toutes les sauces, c'est à la mode.... Mais qu'en est-il vraiment? <br /> Aussi quand je rencontre et même virtuellement des personnes comme rv l'espoir en moi se réveille, car il montre comme toi Sylvie, comme tant de tes liens que des hommes, des femmes luttent avec douceur pour qu'un monde meilleur soit possible. <br /> Tous mes voeux pour 2010, que l'an neuf: siègue bon coume dou pan y san coume la saul ( que l'an neuf soit bon comme du pain et sain comme le sel: symbole de santé en Provence)
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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