Nous ne sommes pas voilées mais le 8 Mars si.
Je me souviens d'une manifestation il y a quelques années à Paris, une manifestation féministe où en battant le pavé, je tenais une grande banderole qui traversait le boulevard de la République, avec des copines passablement hystériques qui hurlaient contre le voile.
J'étais au bout du bandeau, au bord du trottoir, et des journalistes brandissaient leurs micros. L'un d'eux m'a crié:
« Vous êtes pour ou contre le voile?!»
Je lui ai répondu sans réfléchir, mais très lentement, d'une voix très posée:
« Je suis pour la liberté.»
Le type m'a regardé décontenancé, pas du tout content, puis il a répété la même question, et j'ai répondu la même chose, parce que, franchement, je n'ai rien trouvé d'autre.
Alors, il a tendu le micro aux copines, qui se sont jetées dessus.
Et là, le journaliste, je l'ai vu sourire, soulagé, car oui, la liberté, c'est très bien, mais c'est pas rentable, alors que la guerre et la terreur, oui, à fond.
Si les gens commencent à s'écouter et arrêtent de gueuler, il risque d'y avoir la paix, c'est pas ça qui fera vendre nos armes...
Si les gens sont libres et heureux, on pourra plus leur inculquer de faux besoins, c'en est fini de plein de boulots, dont le journalisme, qui, sans bruits, sans disputes et sans casses, fertilisés par une multitude d'embrouilles très productives, ne serviront plus à rien.....
Je ne suis pas voilée et si je me voile, ça sera un déguisement.
Ou un acte politique militant.
Mais de toutes façons, un acte d'amour.
Je ne suis pas voilée, mais j'ai très envie de m'approcher d'une femme voilée, qu'elle accepte de ne pas me considérer comme son ennemie, de m'assoir à ses cotés, d'attendre en silence qu'elle veuille bien me parler,
que je ne lui fasse pas peur, qu'elle m'accorde un peu de sa confiance, que je puisse doucement apprivoiser la différence de nos langues, de nos habitudes, de nos croyances, de nos apparences,
et que nous puissions commencer à tisser un lien ouvert,
et peut-être même, si elle le désire, une amitié.
Je ne suis pas voilée, mais j'aimerais rentrer dans la peau d'une femme voilée pour tenter de comprendre ce qu'elle est en train de vivre et d'exprimer, toute seule, dans son grand silence assourdissant.
Car je me dis que pour choisir une telle réclusion, il faut que l'environnement soit véritablement affreux et qu'il n'y ait plus aucun autre moyen d'exister. Je pense à ces recluses volontaires du Moyen Age, qui choisissaient une forme de suicide sacré plutôt que le viol ou l'esclavage marital, je pense à tous ceux qui se retirent du monde en protestation silencieuse, religieux ou pas.
Et je ne crois pas du tout que cet environnement si terrible soit plus la culture ou la religion musulmane que la nôtre, notre si belle civilisation athéiste républicaine qui, pour tout inonder de sa lumière, balaye l'ADN de nos cellules, équipe tous les espaces publics de grandes inquisitions biométriques et dénude ses femmes dans des positions grotesques sur tous les supports possibles.
De préférence maintenant sur fond vert.
Je ne suis pas voilée car dans mon pays, les intégristes très laïques des lumières dévoilent tout, contrôlent tout, ne laissent aucune place pour un peu d'ombre, un peu de fraicheur à l'abri de leur brasier, un peu de lune derrière leur soleil, un peu d'irrationnel dans leurs prévisions technologiques, un peu d'émotion dans leurs expertises...
Je ne suis pas voilée parce que dans ma nation d'origine,
les fondamentalistes de l'intellect identitaire rentable et raisonnable,
les savants scientifiquement informatisés au recensement analytique ne veulent rien laisser au hasard, tout ce qui s'écarte de leurs normes légitimées par le microscope est décrété tabou.
Je ne suis pas voilée car pour être estampillée de souche,
je dois me farcir des faschos de souche,
prête à être consommée en série sur leurs tables de bouchers.
Je ne suis pas voilée parce que les spécialistes qui dictent aux masses sans cesse enquêtées ce qu'il faut faire et acheter, à grands renforts d'oxymores et d'exposés historiques bien pédants, préfèrent me voir toute nue, étalée et décortiquée en morceaux partout sur les panneaux urbains. Ou, à la rigueur, décharnée et vidée de toute substance comme ces épouvantails-mannequins placardés ostensiblement comme modèle féminin.
Je ne dois pas me voiler car j'ai la chance d'avoir le choix, entre me squelletiser pour correspondre aux fantasmes de ceux qui utilisent mon corps pour faire vendre leurs camelotes, et grossir pour garder celui avec qui je couche parce qu'en alcôve, il préfère les rebondis. Je devrais même remercier qu'une panoplie de commissaires priseurs me livrant aux enchères me fournissent les recettes pour perdre mes kilos facilement après m'être baffrée.
Je ne suis pas voilée car si je ne change pas de tenue chaque jour, je serais hors jeu, accusée de ne pas soutenir le programme économique du pays, d'être la cause du chômage et du krash de la bourse, une dangereuse cause de désordre, une délinquante, une.... terroriste.
Surtout si en plus j'habite dans une yourte que j'ai moi-même bricolé dans les Cevennes.....
Je ne suis pas voilée parce que je dois m'allonger jambes en l'air
et me laisser monnayer sans pudeur et sans protester, comme ces cadavres ambulants réduits à l'état de porte-manteaux blafards, vampirisés par les couturiers, les industriels du textile, des cosmétiques, du soin, de l'électro-ménager et tant d'autres, pour qui je ne suis rien, à peine un paillasson entre les couloirs de la grande consommation, et finalement, un déchet à larguer en douce à la mer au milieu d' une flaque de pétrole.
Je ne suis pas voilée, car je dois faire semblant de croire qu'en grimpant les marches de l'ascension sociale, en aguichant le chaland, en formatant mes propos, je serais acceptée, reconnue, complimentée et qu'enfin, j'aurais une valeur.
Je ne suis pas voilée parce que je dois faire semblant de croire que je ne peux vivre sans le regard des autres, sans donner corps à leurs projections et leur concupiscence, en concurrence acharnée contre toutes mes sœurs.
Je ne suis pas voilée parce que, sous le dictat de la transparence, je dois prouver ma bonne foi, et tant mieux si je suis vide comme un désert brulé, ils me rempliront à leur sauce, et je reproduirais sans discuter leurs schémas colonialistes, pour que mes enfants ne fréquentent que des gens biens, des blancs évidement, laïques évidement, dont on voit le visage évidement, mais aussi les intentions et la génétique.
Je ne suis pas voilée parce que des personnages très éclairés s'occupent de mes droits, prétexte opportuniste pour m'allonger 24 heures sur 24 sous leurs lampes allumées, expertisée, documentée, auscultée, vaccinée, commentée, contre mon gré, ce n'est pas une option, c'est une obligation,
et si j'attrape un coup de soleil sous les spots et les miradors, c'est un prétexte sournois, comme le mal de tête quand je veux pas baiser, et si je ne me mets pas à poil promptement sous les caméras avec un sourire Hollywoodien, c'est forcement que je cache quelque chose.
Je ne suis pas voilée parce que je dois chanter et danser sur tous les tons très lascivement la religion "des-droits-de-l'homme-conquis-de-haute-lutte", me mettre en chœur au diapason avec son armée d'humanitaires qui savent comment vivre, la preuve, ils ont gagné, par leurs mérites, du temps de loisirs pour aller aider ces pauvres ignares qui n'ont rien compris à la modernité, dans laquelle il est interdit d'avoir faim, d'habiter en bidonville et de s'habiller décemment.
Je ne suis pas voilée, et pourtant, moi la féministe libérée, qui ai connu tant de déceptions sur mon chemin de libération, je suis extrêmement intéressée par la façon totalement autre dont les femmes d'une culture autre bricolent leur chemin d'émancipation.
Car contrairement à la majorité bien pensante et arrogante de ma culture, je suis sure que les femmes, même et surtout les plus pauvres, même et surtout les plus opprimées, se battent partout pour la liberté, pour la dignité.
Et pas seulement pour elles.
Et je sais, les boules dans la gorge, combien ça leur coute cher,
très cher,
beaucoup plus cher qu'aux hommes.
Entre autres exemples, sait-on que le nombre de femmes tuées dans les violences domestiques, à travers le monde, dépasse largement le nombre d'hommes tués à la guerre?!
Et en Occident, après la Russie, c'est la France qui court dans le peloton de tête....
Je suis certaine que non seulement nous n'avons pas le droit de juger ces femmes, encore moins de les rejeter, mais que l'admiration qui souvent me vient devant ces calvaires, ces abnégations, mais aussi ces liens joyeux et pudiques d'organisations sociales que nous méprisons, est légitime.
Par contre, force m'est de constater que les femmes dites affranchies, encensées, diplômées, reconnues, applaudies par les Occidentaux, creusent sans état d'âme le fossé causé par la fracture sociale et le mépris des traditions.
Reprenant en pire le discours des féministes impérialistes, ségrégationnistes d'avec leur propre histoire, elles, les grandes sauveuses du monde, esclavagisent, sous couvert d'emploi émancipateur, leurs sœurs « attardées », ramassées humanitairement dans les caniveaux, ou sous les huttes vernaculaires des campagnes archaïques du bout du monde.....
Et de rabaisser, d'humilier toutes celles qui s'occupent avec amour de leurs enfants et des taches quotidiennes, par des accusations ricanantes de passéisme et de naturalisme....
Alors, comme je ne suis pas voilée, il m'arrive d'envier ces femmes qui choisissent leur propre voie au milieu de tous les dangers, même et surtout si je ne peux la comprendre.
Je ne suis pas voilée, et pourtant, je suis très en colère quand j'entends l'ensemble de la papauté politique pérorer, avec une condescendance dédaigneuse et malfaisante, sur la façon dont se couvrent les femmes.
Quand la politique devient l'empoignade et le chipotage sur le droit de porter un bout de tissu sur sa tête en classe, en cours de récré, à la poste ou dans les bus, c'est que vraiment, le grand pharisianisme aveugle, obtus et meurtrier, appliqué par les Ponce Pilate zélés et affairés de Sainte Laïcité, a supplanté les principes fondamentaux du bon sens et du savoir vivre ensemble.
Je ne suis pas voilée, mais si c'est une façon de dire combien j'ai honte de mon pays et de ce qu'il fait à la différence, à l'étranger, au corps des femmes, au traitement de l'expression des femmes et à la liberté,
si c'est une façon de me démarquer de l'attitude intolérante, insolente et obscène de mes congénères, et de clamer que je ne partage pas les principes d'un système où le soi-disant progressisme, sous couvert d'égalité,
consiste à promulguer des lois de stigmatisation et d'exclusion,
alors, à me voiler, je vais y songer sérieusement.
Et je ne me justifierais pas de la distance que je prends par rapport au discours belligérant de la société patriarcale qui s'emploie à me dominer, en éliminant toutes ses rivales.
J'essayerais de me mettre à l'abri de la violence structurelle d'un capitalisme donneur de leçon, mégalo, parano, pour prendre le temps de regarder les yeux de ces femmes qui brillent dans les ténèbres.
Il m'a été dévoilé qu'en ces voiles git un signe comme en un rêve, un grand rêve qui parle par allusions et déformations, par symptômes et par symboles, un rêve issu d'un morceau de lune qui tenterait, sinon de réconcilier, du moins d'équilibrer les races et les genres, le sombre et le lumineux.
Un rêve qui engendre des taches noires dans la vie quotidienne, des abris où cultiver son jardin précieux, où soigner son art d'aimer et son intimité, loin des brulures d'un soleil sans trêve, des zones d'ombre où se reposer et se ressourcer, hors aridité industrielle.
Pourquoi ne pas faire confiance aux femmes, pourquoi leur refuser que la prise de voile pourrait être une manière inédite de soigner la terre et les hommes, de dire stop à quelque chose qui n'est plus supportable?
Ne peut-on songer que là, comme partout ailleurs quand la nature est en danger, se manifeste une Nemesis, une compensation, une balance intérieure, qui susurre avec insistance comment faire contrepoids à l'ostentatoire des pédants qui chargent toutes leurs merdes sur les épaules des femmes et des pauvres....?
Une tache noire au milieu de tant de lumière du soleil occidental,
ça devrait questionner.
Pas forcluser.
Rien sur terre n'existe sans coté numineux.
N'est-ce pas le mystère de la vie que de chercher sans cesse l'équilibre?
Ah, mais si je parle de juste milieu, on va me reprocher une collusion sournoise à la boudhéité, encore un opium du peuple!
L'homme occidental si brillant, si maitrisé, quand il refoule l'inconnu, l'incompréhensible, l'aberrant, alimente sa névrose en créant un énorme trou d'où surgira, violemment et inopinément, le refoulé.
Le terrorisme n'est peut-être rien d'autre que cela, un retour du refoulé, un retour explosif de ce qui a été rejeté, comprimé, évacué, humilié.
L'être radicalisé n'exprime plus alors un choix mais l'instinct de survie, pour ne pas exploser n'importe où et n'importe quand.
Mais si le refoulement continue, comme avec ces lois répressives qu'on nous présente à coup de campagnes de peur de l'autre érigées en affaires de sécurité intérieure, on peut plusrevenir en arrière.
C'est ça l'aliénation,
pas un morceau de tissu sur la tête ou le corps d'une femme.
L'aliénation, c'est quand on est tellement ébloui par soi-même qu'on est plus capable de voir l'autre, encore moins de se remettre en question en présence d'altérité.
C'est quand on s'est trompé et qu'au lieu de le reconnaître, on en rajoute dans l'erreur.
C'est quand on a blessé, et qu'au lieu de demander pardon, on achève.
C'est ce que veut le capitalisme occidental et ses machos ivres d'eux-mêmes et de leur culture de roi soleil, dont un sur dix, bien blanc et bien intégré, bat sa femme tranquillement dans la chambre à coucher.
C'est ça qu'ils veulent, eux et leurs bourgeoises arrivistes imbues de leurs études et des places qu'elles croient avoir gagné à la force du poignet, des marâtres en costard se servant de leurs petites sœurs, encore en train de ramer aux cuisines, pour nourrir leur féminisme de salon.
C'est ce qu'ils veulent, une déflagration qui détruise tout ce qui reste d'humain, pour sauver leur crise et leur argent.
L'extermination de l'étrange peut alors devenir
une idéologie de masse...
Puisqu'il faut bien plaire aux opinions...
Opinions qu'on dresse en tendant de très complaisants micros à ces racistes Occidentaux dissimulés
derrière des intellectuelles immigrées transfuges, exilées, récupérées, instrumentalisées à des postes où on les paye et les caresse dans le sens du poil, proies d'effigie efficace dans la diabolisation du Sud et du musulman.
Comme Wassyla Tamzali, ancienne directrice des droits des femmes à l'Unesco, qui prône l'interdiction du voile intégral, avec une haine ostentatoire qui en appelle à toute la gamme de la répression Française. En effet, l'heure est grave pour décréter trouble de l'ordre public un malheureux bout de tissu porté par celles qu'elle a abandonné aux dérives de ce qu'elle fuit, un voile décrété aberrant avec des arguments dignes du premier bistrot venu de machos blancs. De même que Djemila Benhabib, qui s'est exprimée au Palais du Luxembourg en 2009, avec la sage colère qu'attendaient sénateurs et députés pour continuer à stigmatiser et la religion et l'islam.
Mais on n'entend pas les femmes voilées évidement, et pour cause:
Chaîma, citée par Agnés de Féo pour le Monde Magazine:
« Je ne veux pas parler aux médias, ils nous ont tous trop manipulées, nos propos sont toujours déformés. On ne se retrouve pas dans les portraits qu'ils dressent des femmes en niqab. »
Tant qu'on peut faire payer à l'islam, en particulier aux femmes musulmanes, les comptes que notre civilisation a à régler avec ses pères Chrétiens, avec un passé religieux fanatique somme toute très récent, en particulier l'extermination de cinq millions de femmes sous prétexte de sorcellerie ou d'anathème hérétique, pourquoi se gêner....
Les boucs émissaires sont là, à portée de flashs, pour détourner l'attention du réel et pouvoir continuer à tenir sa place enviée au grand concours des marchands d'armes de la planète.
Toutes façons, les femmes continueront toujours à fabriquer gratuitement de la chair à canon, voilées ou pas......
Isabelle Stengers et Philippe Pignare
sur le blog De Raoul Marc Jennar sur cette question.
Sylvie.
En conséquence:
Un groupe de femmes en Cevennes lance cet appel!
Invitation
à une action pacifique et symbolique,
pour la journée des femmes,
le 8 Mars 2010,
à Alès, en Cevennes.
Nous donnons rendez-vous à toutes les femmes libres
le Lundi 8 Mars, journée internationale des femmes, à 14Heures,
devant le théâtre du Cratère à Alès, dans le Gard,
pour aller nous promener voilées
sur tous les espaces et lieux publics.
Cette joyeuse sortie collective
sera suivie à 18 heures par un rassemblement
sur le parvis du Cratère,
pour une déambulation de femmes en cercle.
Les femmes participantes seront voilées,
c'est à dire vêtues d'un voile ou de plusieurs voiles,
unicolores ou multicolores,
libres d'imagination et de décoration,
symbole de notre universelle sororité
avec toutes les femmes du monde,
symbole de la plus large diversité des cultures,
mais aussi en solidarité
avec toutes celles qui choisissent
de se taire, de s'exprimer, d'affirmer leur identité
ou de se protéger par un symbole vestimentaire.
La déambulation finale aura lieu d'abord en silence,
puis nous entonnerons le son FAM
dont nous ferons voguer les vibrations
de femmes en femmes.
Les femmes sont invitées
à tenir un bâton d'encens allumé entre les doigts,
symbolisant, par l'émanation d'odeurs parfumées,
une protestation silencieuse
au débat politique très nauséabond sur le voile.
Sylvie, Christine, Stéphanie, Marie-Hèlène, Cathy, Yorrinde....pour commencer....
PS: N'hésitez pas à initier d'autres promenades
joyeuses, laïques et voilées, partout où vous habitez.