Les ennuis de Gaby
Gaby m'avait confié ses projets en 2007, voir là:
http://yurtao.canalblog.com/archives/2007/05/21/5025239.html
et voici qu'il les a réalisé!
Il pratique le jardinage biologique, a obtenu le label bio certifié par Ecocert pour ses légumes et sa culture de plantes médicinales.
Il cueille aussi des plantes sauvages autour de chez lui sur les terres de paysans biologiques, et vend le résultat de son travail sur deux marchés hebdomadaires.
Mais son mode d'habitat lui vaut quelques ennuis.
Pourtant,
Gaby est un enfant du pays, un Ardéchois de souche,
et le terrain sur lequel il vit et travaille appartient à sa famille.
Ou
l'on va voir que malgré tout ça,
malgré qu'il cumule les atouts
les plus favorables de l'installation en yourte,
il n'est pas exempt de soucis......
Adhérent de CHEYEN,
il m'a raconté ses dernières péripéties.
En
2007, sur la commune de Montéléger, dans le département de la
Drôme,
Gaby installe une yourte blanche de six mètres de diamètre,
des toilettes sèches et des panneaux solaires, en bout de champs, à la lisière d’un bois, sur un terrain agricole en friche appartenant à sa tante.
Il a informé sa parente de la situation juridique des yourtes, c'est à dire l'éventualité d' une déclaration signalant l’installation d’une tente. La tante fait remarquer qu'à 200m, la voisine adjointe à la mairie ne manquera pas d'en informer le conseil municipal.
En Février 2008, suite aux démarches à la chambre d’agriculture et à la MSA, Gaby acquiert le statut d'exploitant agricole.
En
Juin, il signe une convention avec l’IME des Colombes, un institut
pour des jeunes handicapés, pour la mise à disposition d’un point
d’eau.
Il enterre les tuyaux et installe un compteur et un robinet à 20m des yourtes, respectant ainsi le cadre juridique qui stipule qu'une yourte qui n'a pas d'installations sanitaires à l'intérieur dépend de la législation du camping.
Grâce
à l'arrivée d'eau, Gaby peut enfin faire venir son âne âgé de 3
ans et demi, pour travailler la terre.
En
Mars 2009, il installe une deuxième yourte, dite yourte verte,
afin de pouvoir loger des personnes susceptibles de venir l’aider.
La
yourte blanche est munie d’un poêle qui lui permet de se chauffer
l’hiver,
ainsi que de préserver de la pourriture les plantes médicinales et comestibles issues de ses cueillettes.
Le
Vendredi 12 Mars 2010, Gaby installe une éolienne, fruit de sa
frugalité et d'une laborieuse épargne. D'une puissance de 200watts,
haute de douze mètres et d'un mètre vingt d’envergure, elle est
située sur le point le plus haut de son terrain, à cinq mètres du
chemin de la voisine.
Le
Jeudi 18, il enterre un deuxième piquet de sureté à chaque attache
et vérifie scrupuleusement la sécurité de son installation.
Le
22, la tante est invitée à venir s’entretenir avec la mairesse,
qui convoque Gaby deux jours plus tard, sous prétexte d'installation illégale.
Des
gens du voisinage se seraient plaints à la gendarmerie,
insinuant qu'une carcasse de voiture et tout un barda feraient désordre.
Par
ailleurs, la voisine râle à cause de l'éolienne,
prétextant que Gaby ne lui a pas demandé d'autorisation.....
La
mairesse sermonne donc Gaby sur ses désordres
et le gratifie d'un rappel à la loi.
Elle refuse le dossier qu'il lui a apporté,
contenant les textes juridiques concernant la législation des
yourtes et des éoliennes.
L'adjoint à l'urbanisme, retraité de la DDE,
insiste sur l'interdiction
d’habiter en tente toute l’année,
mais évidement sans fournir le moindre texte de référence.
La
mairesse avertit Gaby qu'elle veut régler rapidement cette affaire
en transmettant le dossier à la DDE.
Aussitôt,
le jeune homme répare son fourgon, fait un voyage à la déchetterie
et découpe la veille bagnole pour en extraire la calèche prévue.
Mais sa clôture électrique, le long du chemin de sa voisine, disparait!
La voisine nie et Gaby dépose une main courante à la mairie.
Quelques
jours plus tard, il lui apporte de l’hysope, une tisane de ses
cueillettes,
histoire d'arranger leurs relations,
mais elle répond
qu’il doit faire une déclaration
car il se trouve en parfaite
illégalité sur un terrain classé zone naturelle,
sur lequel toutes
constructions seraient interdites.
Le jeune homme réplique que ses
tentes sont
des installations et non des constructions,
et la voisine répond qu'il joue avec les mots !
Toujours
pour rétablir de bonnes relations, le 6 Avril,
il va donc faire une déclaration en mairie signifiant la présence de ses yourtes.
Le
29, Gaby veut peindre son éolienne, en bleu, préférence de sa voisine.
Les techniciens ont donc descendu
l'éolienne et aussitôt, les voisins rouspètent qu'ils n'aiment pas
son « machin » (l'éolienne).
Il répond qu'il n’aime pas les centrales nucléaires ….
Il se rappelle, quand même, que
c'est grâce à sa tante, propriétaire du terrain, qui leur a vendu
la terre pour leur chemin, qu'ils ont pu construire leur maison en
bout de crête!
Que quand ils ont fait venir une piscine par hélicoptère, celui-ci s'est posé dans le champ de la tante sans prévenir, après avoir survolé très bas l'IME et tous les enfants dans la cour....
Samedi 15 mai, de retour d'une soirée entre copains où Gaby s'est fait chambrer sur son nom de famille comme quand il était à l'école du village, il découvre avec stupeur devant son entrée, un panneau:
« Rorh, ( son nom de famille esquinté par des moqueurs) Vente à la ferme bio, parking 30m » !!!!
Coïncidence
qui le cloue sur place et l'empêche de dormir,
tant il voit défiler des thrillers dans sa tête.
Il se demande avec une inquiétude
grandissante
s'il n'est pas observé par des gens malveillants,
ce surnom, datant de 17 ans en arrière, étant inconnu de ses copains d'aujourd'hui.
Le lendemain, il trouve deux autres pancartes à chacune des intersections jusqu'à la route principale.
Plus tard dans l'après-midi, après s'être assuré que ce n'est pas une plaisanterie de ses copains, il trouve encore une nouvelle pancarte à la place de la première, cette fois en carton, toujours avec la même écriture !!
Il se demande s'il ne devient pas fou tant sa tête explose!
Le 8 Juin, un employé de la mairie lui apporte une convocation à un entretien pour le lendemain.
Le
9 juin, en compagnie de son père et de Mr Lombard, l'ex
fonctionnaire zélé de la DDE, il prend acte d’un avis de
réception par la DDT, de sa déclaration. Y sont jointes des photos
de son installation prises à son insu.
Il a fallu forcement pénétrer dans ses terres pour prendre ces photos......
La DDT déclare qu'au vu des panneaux solaires et des cheminées, ainsi que du POS du 24 octobre 1986 situant la parcelle en zone naturelle protégée, les tentes sont des HLL, donc des habitations interdites!
Gaby conteste et la mairesse répond que le procureur devra statuer,
et qu'il ne pourra voir les photos, qu'il réclame en vain, qu'avec son dossier juridique..
Dans la semaine suivante, après avoir constaté des traces de pneus dans son champ jusqu'à la première planche de blé, il rédige une lettre de contestation à la DDT.
Le 20 juin, jour de très grand vent, plus de 100km heure, Gaby s'apprête a partir chez sa sœur pour la fête des Pères, et va vérifier les piquets de l’éolienne, qui tiennent bon.
De retour vers 21h, il s'occupe des animaux et à la nuit tombante, voit de loin l'éolienne tanguer.
Il court vérifier et constate que le
hauban Est flotte dans le vide.
Il retrouve le tendeur plus loin dans l'herbe.
Comme
ça ne peut être le vent, mais une main humaine,
c’en est trop!
Cette éolienne, c’est trois ans d’économie !
Alors
la colère monte et Gaby disjoncte!
Il
prépare sa carabine à plomb, c’en est trop,
s'il faut se battre,
il peut sortir les armes !
Le
lendemain matin, à l’aurore,
sachant que le voisin part en voiture chercher son pain,
il décide de l’attendre au niveau de l’éolienne.
Il pose une petite herse pour âne par terre et
s’enveloppe dans une couverture,
laissant dépasser le canon de la carabine.
Le voisin arrive, ouvre sa fenêtre et Gaby, laissant ostensiblement le canon du fusil visible, lui dit:
« On a saboté mon éolienne! J’avais dit à votre femme que s'il se passait quoi que se soit sur mon éolienne, je porterais plainte. Il faut donc qu'on discute! »
Le voisin se débine:
« J’ai pas le temps, je suis pressé!»,
esquive la herse et s'enfuit!
Gaby va sonner à son interphone, l'homme se terre.
Alors il retourne se poster sur le chemin.
Une femme qui porte un courrier pour la voisine veut savoir ce qui se passe.
Comme
elle fait partie du conseil municipal, il lui demande si son
installation la dérange.
Ni l'éolienne, ni le campement ne la dérange*****************
Il lui montre en souriant sa carabine à plomb qui, bien
qu'inoffensive,
va surement faire son effet au conseil municipal!
Et donc les obliger à réagir!
Il repart chez les voisins pour tenter une explication.
La
voisine sort enfin de chez elle, en robe de chambre, très énervée,
criant que l’on est pas chez les Cow-boys et les Indiens !
Tant bien que mal, le jeune homme tente de justifier son pétage de plombs.
Arrive le véhicule des techniciens de la commune,
pour enlever « une
herse au milieu du chemin » !
Gaby l'a poussé dans le bas
coté, mais en profite pour leur demander
qui a pris des photos de
chez lui à son insu.
Ils répondent comme la voisine, qu’il faut voir avec la mairie!
Mais l'un d'eux, que Gaby connait depuis tout petit,
lui rétorque que
s'il veut être tranquille, il faut qu'il dégage,
qu'il est illégal sur son propre terrain !
« Tu
vois mon habit de technicien, je l'enlève,
c’est de toi à moi!
Dégages, tu n’as rien a faire ici!
Et ne va pas dire que ton
éolienne, c’est moi,
parce que ce serait moi, je l’aurais fait
tomber, ton éolienne,
en la démontant entièrement,
ou alors
j'aurais égorgé ton âne et tes chèvres,
ou mis le feu à ta yourte ! »
Gaby en reste sur le cul!
L'autre
continue:
« Mme C...(la voisine), je ne l’ai jamais vue
comme ça, depuis que tu es ici,
elle va pas bien, tu n'arrêtes pas de les emmerder! »
Estomaqué, Gaby le remercie diplomatiquement pour sa franchise.
En
attendant, la voisine est allée porter plainte,
et le jeune homme
s'en réjouit parce qu'enfin, il pourra s'expliquer
et que ça fera peut-être avancer les choses!
Finalement,
il se dit qu'il vaut mieux qu'il soit très très sage
après avoir
été très très con avec cette carabine,
et se rend derechef à la gendarmerie.
Un
gendarme refuse la carabine et la herse et le rassure que,
n fait, la voisine n’a pas portée plainte et qu'une patrouille
va venir chez lui,
qu'il n'a pas à s'inquiéter.
Une
demi-heure plus tard, Gaby peut enfin raconter aux gendarmes
l'histoire de ses déboires depuis le début.
Ceux-ci admettent que, dans une situation pareille, n'importe qui aurait pu être déboussolé et disjoncter, et conseillent une réunion pour parler avec le conseil communal et le voisinage.
Ils ajoutent qu'ils n'ont rien
contre son installation agricole
et qu'ils le considèrent comme un citoyen lambda.
Et encore, que c’est la mairesse qui les a appelé pour savoir si son installation était légale et qu'ils ont répondu qu’il devait y avoir des textes et qu’elle regarde sur Internet !
Vers la fin de l'entretien, le pasteur arrive, conciliant, et il revient en fin d'après-midi voir Gaby, amical et compréhensif, ce qui permet à notre ami de relativiser son histoire et de se calmer.
Le sur- lendemain, il rédige une lettre pour le conseil municipal
et,
sur les conseils de sa mère,
se rend à la gendarmerie pour porter
plainte
et déposer des photos de toutes les preuves de son histoire.
Les gendarmes copient les photos sur leur ordinateur et lui expliquent qu'ils ont demandé une médiation avec la mairie et le voisinage, qu'il vaut donc mieux attendre la réponse.
Depuis, plus de nouvelles de personne!
Un journaliste du Dauphiné est prêt à écrire une demi-page sur l'histoire de Gaby, mais lui demande d'abord de contacter la chambre d’agriculture pour rencontrer un juriste, et aussi d'obtenir des textes de la DDA justifiant de son bon droit.....!
Gaby contacte donc la DDA, qui se dit incapable de lui répondre....
A la chambre d’agriculture, le fonctionnaire du foncier ne fait que confirmer la réglementation restrictive de la Zone ND et lui conseille de demander
s' il est interdit de camper sur sa commune!
Gaby
est prêt à lutter pour défendre
son mode de vie sobre et
écologique,
il sait qu'il pourra compter sur la moitié du village
pour signer une pétition de soutien,
les paysans sont avec lui.
Heureusement, il reste quelques paysans.
Mais pas ceux, maçons, spéculateurs immobiliers, gens proches de l'équipe municipale et bourgeois arrivés qui ont fait construire des lotissements et des maisons particulières en transformant des terrains agricoles ou protégés en terrains constructibles, par dérogation du PLU......
Ceux là, collabos patentés de la croissance qui tue la planète, ont tous les droits, puisqu'ils font marcher la machine productiviste, nerf de la guerre capitaliste.
Comme
quoi, il est clair ici que le simple fait de garder nature et bon sens
emporte illico une discrimination de fait sur le mode d'habitat.
D'être assuré qu'il doit bien y avoir une loi pour
stigmatiser n'importe qui
ne faisant pas comme tout le monde,
et que si cette loi n'existe pas encore,
il suffit de la demander à celui qui commande, permet
le rejet de quiconque s'éloigne un tant soit peu de la pensée unique,
la haine et la peur érigée en politique nationale,
et donc, l'anéantissement de toute diversité.
C'est
si grave que je comprends qu'il faille les vacances
pour nous empêcher de hurler tous ensemble.