Yourtes: Manifeste de salubrité publique.
Salubrité: qui est favorable à la santé.
L'association Cheyen a signé le communiqué initié par le DAL, mais a demandé à être entendue et prise en considération sur un point qui fait divergence avec les revendications traditionnelles du DAL:
la notion de décence, de dignité et de salubrité.
En effet, ces notions sont des valeurs subjectives, et en tant que telles, peuvent largement varier selon les individus, les peuples, les cultures, les sociétés et les régimes politiques.
Elles ne sauraient dépendre de la normalisation d'une idéologie, en l'occurrence pour nous, l'assujettissement aux contraintes engendrées par le productivisme et la consommation, piliers de la croissance et du capitalisme.
Si les habitants en yourte sont solidaires des luttes contre l'insalubrité de logements pollués, non entretenus, dégradés et dangereux, loués par des propriétaires veules et irresponsables,
nous souhaitons introduire la revendication du droit à redéfinir
avec les usagers d'habitats plume et hors normes
la notion de décence.
Ceci afin que ne nous soient pas imposées
des prescriptions et des normes d'équipement
que nous ne jugeons ni utiles ni nécessaires,
voire superflues,
quand ce n'est pas néfastes et insoutenables.
Les logements spéculatifs loués ou vendus à but de rentabilité, logements sociaux compris, n'ont en effet pas grand chose à voir avec cette forme de logement vernaculaire et culturelle qu'est la yourte,
choisie en conscience
par de plus en plus de pratiquants occidentaux.
Logements hors de prix ou logements insalubres
sont les deux mamelles d'un système emballé
qui ne se soutient qu'en excluant de plus en plus de personnes,
où le meilleur est celui qui trompe le plus de monde possible
pour s'accaparer le plus de richesses possibles.
Les perdants systémiques de ce non-sens structurel
n'ont qu'à se loger dans des rebuts pourris,
ou vagabonder jusqu'à épuisement des forces,
tandis que les gardes- chiourme du meilleur des mondes
édictent des lois pour les criminaliser.
Souvent eux-mêmes victimes du racket immobilier,
devenus méfiants ou désabusés par les exclusions et les aliénations subies,
les habitants en yourte ont pris leurs distances
de cette guerre contre les pauvres.
Ne comptant plus sur l'État ni sur le marché
pour pourvoir à leurs besoins et leurs aspirations,
ils cherchent à se débrouiller par eux-même,
se tournent vers des solidarités de proximité,
réfléchissent à de nouveaux modes de vivre ensemble,
expérimentent des solutions simples et gratuites,
se débarrassent de leur voiture,
retrouvent le lien avec la nature
et le bon sens lié au respect de son environnement.
Ils inaugurent ainsi une nouvelle sobriété
dans leur mode d'exister et d'habiter,
sobriété venant compenser des décennies de course au progrès,
au confort et à l'automatisation,
de gâchis en gadgets et plastiques,
d'artificialisation dévorante des sols,
d'urbanisation mégalomaniaque et de décharges monstrueuses.
Ils offrent,
par leurs établissements humains modestes et légers,
leur parcimonie
accordant valeur à toutes choses usagées ou dépareillées,
leur faculté de récupération et de défrichage
du délaissé et de l'abimé,
par leurs pratiques douces, leur artisanat,
leur agriculture biologique de subsistance, leur bricolage,
leurs réparations exercées à l'encontre du tout jetable de l'industrialisation,
des réponses viables, salubres et responsables à la crise du logement,
mais aussi à la crise écologique et sociale.
Au contraire des millions de Français au libre arbitre anéanti
par des pharmacodépendances profondes,
ils ne tremblent plus sous les dictats institutionnels
dont ils ont débusqués les doubles contraintes psychogènes.
Ils commencent par prendre soin d'eux-même,
en s'écoutant, en ralentissant, en se respectant.
Ils découvrent ainsi,
loin des manipulations médiatiques et de l'agitation parasitaire,
que l'équilibre et la guérison passent par
une disponibilité intérieure où puissent se reconnecter
les correspondances et les synchronicités
entre le monde vivant et l'être humain, l'extérieur et l'intérieur.
Se dévoile alors progressivement que la vraie richesse passe par
le réapprivoisement des voies de l'âme,
qu'elle ne dépend pas des murs qu'on dresse
autour de ce qu'on bloque et dont on exclue l'autre.
Se révèle finalement que la richesse des simples
et le contentement de peu
octroie la santé mentale et physique.
Ces nouveaux habitants en quête de sens et de cohérence
replacent ainsi le logement dans son originalité première:
habiter la terre en harmonie avec la nature,
les espèces végétales et animales,
en fraternité avec ses semblables.
Conscients que depuis cinquante ans,
les dégâts causés par l’humanité dépassent
ceux occasionnés depuis le début des temps,
ils considèrent les humains non comme des ayant-droits implicites,
des héritiers nobiliaires,
encore moins des propriétaires féodaux férocement prédateurs,
mais comme des locataires temporaires, provisoires,
soucieux de la santé de la planète et de ses occupants,
imputables de l'équilibre de l'éco-système.
La dignité de ces occupants par milliards,
peuples et mondes du vivant,
a été bafouée par l'arrogance méprisante du monde moderne,
qui a substitué les rituels décadents de l'ostentation concurrentielle
à la frugalité du partage.
Occupants par milliards
dont les droits, les titres et les ressources ont été volés,
expropriés et confisqués par une poignée de bandits cravatés et armés
détenant le pouvoir des images et de la persuasion,
installés aux commandes des États, des multinationales et des banques.
Pour nous contraindre
à ramper dans leurs termitières de béton aseptisées,
pour nous empoisonner par gavage pétrochimique,
pour nous désincarner en automates productivistes,
ils nous coupent de nos racines en déclarant insalubres
des millénaires d'histoire d'auto-guérison des tribus,
des indigènes, des ethnies, notre souche ancestrale.
Là où de simples cabanes suffisaient à abriter des familles entières,
ils ont débarqué nos virus mortels et leurs fouets,
décimant ou aliénant des peuples auto-suffisants
aux dictats de la civilisation des lumières.
Ces lumières incendiaires qu'ils ne maitrisent plus,
qui ont divisé jusqu'à l'infiniment petit en tuant l'objet d'observation,
sont en train de transformer leurs conquêtes en désert.
Pourtant, ils continuent à plastronner comme des singes
débordés par leur montée d'hormones,
en se croyant les maitres du monde pour l'éternité.
Et effectivement, ils ont plombé l'avenir,
mais seulement parce que nous avons collaboré.
Heureusement aujourd'hui,
de plus en plus de résistants se réveillent.
De plus en plus exercent leur conscience.
C'est pourtant bien dans ce passé atavique,
ce génie archaïque,
patrimoine de l'humanité,
dans notre âme collective universelle
que nous puisons la source de nos innovations et de l'essentiel,
ainsi que la vivification et l'authenticité
d'une exigeante quête anthropologique
sur le sens de notre évolution.
Besoin de se situer qui est le propre de l'homme.
Ce mouvement vers la yourte,
qui fait surgir dans nos paysages
ravagés par un goudronnage pétrolifère délirant,
un mandala en volume,
comme un « Crop Circle » en plein champ,
est en même temps tentative de lien
vers un modèle intemporel, archétypique, de structure sociétale,
et le symbole de l'élaboration d'une redéfinition par la base
de notre place dans l'univers.
Alors NON, la salubrité n'est pas le confort
ni la richesse matérielle obligatoire!
La salubrité n'est pas
l'accumulation d'objets et de techniques onéreuses
addictant le quotidien et le domestique
au piège du crédit et de la dette.
La salubrité, la sécurité, c'est le partage des ressources avec tous.
La salubrité, c'est de moins obéir aux ordres,
de moins travailler
et de prendre le temps de considérer en profondeur
la portée de ses gestes.
La santé publique, c'est la vérité, pas le mensonge
et la perversion des mots érigés en politique nationale.
La salubrité, c'est l'auto-détermination des peuples,
la diversité, le droit à la différence, le respect,
la coopération et la solidarité.
La salubrité, c'est la capacité des peuples et des individus
à choisir librement leur mode de vie
en harmonie avec ce qui les entoure et les nourrit.
Il faudra donc que le DAL intègre, s'il le peut,
que la pauvreté aujourd'hui, dans les sociétés occidentales,
peut être désormais un choix assumé:
nous voulons, par notre empreinte énergétique très réduite,
être solidaires des milliards de pauvres du monde,
victimes d'un système dilapidatoire qui glorifie le vol
par la normalisation de la propriété privée et de l'abondance matérielle.
Nous voulons, en cessant le gâchis
et la collaboration à la destruction,
partager ce qu'il reste avec tous. S'il n'est pas trop tard.
C'est pourquoi, de même que nos habitats sont hautement durables,
voir là: l'article " yourte éternelle et immortelle"
nous, peuple des yourtes, peuple en alerte, peuple inclassable,
déclarons nos habitats méprisés, dits« hors normes »,
hautement salubres
pour la survie de notre planète terre et de ses occupants.