Nous sommes tous en yourte contemporaine!
« La yourte représente une des constructions architectoniques les plus grandioses et les plus durables dans la culture de l’habitat de l’humanité »
Tschingis Aitmatow, écrivain kirghize
Toute tentative de normalisation et de privatisation de la yourte, objet d'art sacré issu de l'histoire profonde des peuples, par des certifications, des brevets, des marques, ou quoi que ce soit d'accaparant centré sur le profit et la récupération vénale, participe du piratage et de la prédation mortifère sur la nature et la culture par le système patriarco-capitaliste.
Nos boites à lettres sont pleines des harcèlements de ces voyageurs de commerce qui mentent effrontément à coups d'intox bio-éco-durable, bandits et spoliateurs travestis en entrepreneurs innovants pour dilapider incognito le patrimoine universel en « sauvant la planète ».
Les yourtes industrielles de Mongolie détournées de leur nature sont des pastiches copiés au moule de la yourte archétype traditionnelle. Il a fallu anéantir l'âme vernaculaire dans l'économie de marché dérégulée, spécialité des impérialistes, pour réduire la yourte à un vulgaire objet dénué de sens.
Les seules yourtes traditionnelles qui restent actuellement sont celles qui, fabriquées par les familles qui y habitent, abritent les derniers nomades de l'Asie centrale. Elles luttent contre leur extinction, ultimes bulles d'une culture aux prises avec les ravages que notre niveau de vie indécent inflige à tout ce qui vit.
La yourte, chef-d’œuvre du génie créateur et archétype sacré d'établissement humain traditionnel, patrimoine mondial, reste un bien culturel de la Mongolie.
En tant que telle, elle devrait bénéficier d'une protection interdisant et empêchant l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites. Cette protection dépend de la bonne volonté de l’État concerné, de sa capacité à faire respecter des règles conformes à des principes éthiques. Or, le marché des pastiches de la yourte, s'il procure à une poignée de mongols et une grosse poignée d'occidentaux reçus à bras ouverts, un enrichissement rapide, entraine l'appauvrissement du patrimoine culturel national et de ses autochtones.
Quand aux yourtes fabriquées en Occident, même quand elles imitent l'originale, elles restent des répliques contemporaines.
Et là aussi, les abus abondent. Le pillage est toujours précédé par une corruption du langage.
Le simple mot de yourte ne nous appartient pas.
Il désigne l'espace où s'installe la demeure nomade.
Il désigne par extension la modeste tente de feutre qu'ont inventé les Mongols pour habiter leurs steppes.
Il désigne le symbole d'une culture ancestrale, un art de vivre né à un endroit précis du globe.
Quand ce mot de yourte est employé en Occident pour des structures rondes en bois qui n'ont plus rien d'une tente, car, outre leurs matériaux industrialisés, normés et sophistiqués, elles nécessitent, pour être installées, un gros appareillage subordonné à la civilisation du pétrole, c'est un abus et un détournement de langage.
Cette perversion du vocabulaire est utilisée par des vendeurs de bâtiments à ossature bois qui revendiquent l'appellation « yourte contemporaine. »
Le pire exemple en est le chef d'entreprise ultra-libéral Thierry Rouelle, répertorié comme commerçant en gros, qui vend des chalets ronds en plastique à armature bois qu'il fait fabriquer aux États-Unis, sous soi-disant label bio, alors que le simple coût énergétique du transport disqualifie complètement toute écologie.
S'il s'était contenté de dénommer ses marchandises pour ce qu'elles sont, je ne me serais jamais intéressée à ce marchand.
Mais celui-ci revendique la primeur et l'exclusivité de ce qu'il qualifie « son concept » de « Yourte contemporaine » en attaquant les fabricants et artisans français.
Bien qu'on ait jamais vu de yourtes en Mongolie reposant sur des doubles planchers isolés, ni une seule yourte palissée de PVC, encore moins affublée de cuisine intégrée et mezzanine rétractable, et que jamais une telle yourte ( 80 000 Euros tout de même) ne puisse endetter à vie un autochtone, il affirme, avec cette présomption doublée d'un aplomb dont les plus pervers forfaiteurs du capitalisme sont doués, qu'il est le créateur et le propriétaire « intellectuel et industriel » de toute « yourte contemporaine ».
C'est-à-dire, en plus de la yourte originale, de toutes structures coniques, habitations circulaires à charpente bois et autres cabanes rondes issues des ateliers de menuiserie.
La « yourte » de Mr Rouelle nécessite un permis de construire, ce qui est exactement le contraire de ce pourquoi la grande majorité des yourteurs Français se battent: que la yourte reste une tente modeste comme à son origine, soumise seulement à la réglementation du camping.
L'affirmation de ce marchand: « La yourte contemporaine est un véritable bâtiment » détient en elle-même sa propre incompatibilité, sa duplicité machiavélique. C'est un bel oxymore, de la même veine pourrie que « développement durable ».
La yourte n'a jamais été un bâtiment, sauf depuis qu'elle a été récemment récupérée par des usurpateurs qui transforment cet habitat de liberté en avatar du marché de l'immobilier.
On n'y parle plus de perches, mais de chevrons, plus de ceinture mais de câble, plus de lanières mais de rivets, plus de feutre mais de bulles d'air entre deux feuilles d'aluminium. Pour monter ces « yourtes bâtiments », livrées clé en main, il faut casques, chaussures de sécurité, gants, échafaudages, rambardes, stabilisateurs et équipes de monteurs, plus une formation à une technicité impensable pour une simple yourte abritant des familles mongoles ou des occidentaux respectueux de nature.
Non seulement le terme de yourte est usurpé à la tente mongole, mais en plus le terme « contemporaine » est confisqué à tous ceux qui utilisent la yourte aujourd'hui pour se loger! Cette appropriation du fleuron de la culture centre-asiatique entraine un système défensif d'autant plus menaçant qu'il est illégitime.
C'est ainsi qu'on aboutit au plus complet délire: une mise en demeure envers les « concurrents », genre pseudo juridique censé masquer des méthodes de voyous.
Voici un extrait du torchon que reçoivent certains fabricants de yourtes dans la mire de Monsieur Rouelle qui n'est ni fabricant, ni habitant, mais exploitant motivé par son seul et unique profit:
« Nous avons constaté que des entreprises, des associations, des artisans ou encore des entreprises en nom propre utilisent pour leur besoin commerciaux notre nom «Yourte Contemporaine» sans respecter la propriété intellectuelle et industrielle de notre Société.
Aujourd'hui, nous entendons protéger et défendre nos droits, notre image et notre investissement. En conséquence, si votre entreprise utilise notre nom « yourte contemporaine » pour vendre des yourtes ou des produits associés, nous vous
demandons de cesser immédiatement l'utilisation de ce nom et de retirer ces termes de l'ensemble de vos documents commerciaux au plus tard dans les 15 jours de la réception de la présente.
Passé ce délai de 15 jours, nous entamerons les démarches nécessaires... etc !!!!! »
et toute la lettre là:
Marque_Yourte_Contemporaine_11102011
Étant donné que la yourte existait depuis des millénaires avant que cet importateur de yourtes américaines soit né, de quelle légitimité peut-il bien se réclamer?
Personne dans ce pays n'habite dans une yourte traditionnelle.
Les yourtes sous lesquelles nous vivons, nous habitants des tentes en Occident, sont forcement des yourtes contemporaines : ou fabriquées par un artisan local, ou auto-construites, ou importées en série pour le business.
Aussi, quand, face à un monument de l'histoire des peuples, un Occidental se targue de primauté sur la yourte, quelle qu'elle soit, c'est tout simplement une grossière arnaque, une escroquerie.
Monsieur Rouelle, en revendiquant la propriété de la marque « Yourte contemporaine », veut tatouer et aliéner à sa botte non seulement les indigènes mongols, mais aussi tout ce qu'il considère comme ses ennemis, ses concurrents, c'est à dire tous les fabricants de yourtes modernes. Cette attitude néo-colonialiste est tout simplement l'apanage des tyrans et des despotes.
C'est pourquoi je propose de rappeler gentiment à ce Monsieur, avant qu'il s'enfonce, que, par respect de la vérité, nous, peuple des yourtes contemporaines en Occident, ne pouvons laisser passer l'imposture.
J'incite donc chaque yourteur, qu'il soit fabricant, auto-constructeur, habitant, usager ou porteur de projet, ainsi que toute personne désireuse de soutenir notre cause, à envoyer à ce Monsieur une réplique collective avant l'écoulement des quinze jours d'ultimatum:
« Nous sommes tous en yourte contemporaine ! ».
« Non à la privatisation de la yourte! »
Coordonnées de Mr Rouelle : t.rouelle@yourte-contemporaine.fr
20, avenue de la Plage
85800 Saint-Gilles-Croix-de-Vie