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YURTAO, la voie de la yourte.
24 août 2012

Du jeûne

 On dit que le jeûne est un acte spirituel.

Ça me fait bien rigoler.

DSCN3003 (copie)

Pendant le jeune, je ne pense plus qu'à manger. C'est une obsession.

J'ai faim, profondément faim. C'est une épreuve très prosaïque.

Je me sens minable, tellement dans mon ventre, et rien dans la tête.

Ce n'est pas vrai que c'est le bon moment pour prendre de la hauteur, régler sa vie.

DSCN3001 (copie)

On rampe. On cherche un brin d'herbe comestible.

Les odeurs, les parfums deviennent une torture raffinée très cruelle.

On salive devant tout ce qu'on peut pas toucher, avaler, gloutonner.

On est frustré, nerveux, irascible, jaloux de ceux qui déjeunent, goutent, dinent, soupent …

On a le ventre dans les talons et on est prêt à talocher tous ceux qui déglutissent.

Alors, quand c'est fini, quand on se remet à table,

c'est le bonheur, le grand bonheur!

DSCN3000 (copie)

On a attendu ça pendant des jours, on a tenu, bigre, on a le droit de se rattraper!

On se relâche, mais on est pas très fier de soi, car au fond,

on sait pertinemment, humblement et assez ironiquement,

que cette extase n'est pas du tout spirituelle.

Elle est triviale, même si on a la révélation de goûts décuplés.

Par contre, après, quand on reprend le cours normal de la vie,

qu'on a compris quelle chance on a d'avoir tous les jours de quoi remplir son assiette et sa panse,

il se produit un grand blanc, comme avant un nouveau film.

Et quand on replonge dans le cours des choses, alors là, c'est une explosion de lumière.

Pas du tout comme si on avait compris une énigme, gagné un test d'intelligence,

ou retrouvé un objet perdu longtemps cherché.

Ce n'est pas une réponse à un problème, une prière, un désir.

C'est une trêve. Une actualisation.

DSCN3005 (copie)

L'ajustement par le réel des scénarios compliqués de la vie.

Il ne reste que la lumière des projecteurs.

On a perdu l'habitude de réfléchir, l'appel du ventre a éliminé toute autre préoccupation,

tout s'est décrispé, désincrusté.

Le nettoyage intestinal a désengorgé, lubrifié et purifié l'intestin psychique.

DSCN3004

De ce vide, l'action n'a plus besoin de nous, qui s'origine d'elle-même.

Le geste coule de source, pas besoin de préméditation,

les plans et les logiciels de calculs sont aux chiots,

les bilans et les grilles de prévision au compost.

Tout est prêt et propre comme après une grande lessive de printemps.

DSCN3008

Tout ce dont on a besoin est là, rutilant.

Les casseroles brillent au soleil,

les draps blancs, les débardeurs, les culottes et les chaussettes claquent dans l'air vif,

les gens qu'on voulait pas voir ont disparu,

ceux qu'on aime se pointent gentiment avec le sourire,

et on a plus qu'à tendre la main, tout est là, disponible, qui s'offre naturellement.

On a plus en retour qu'à donner son corps aux actes,

et les choses s'enchainent toutes seules.

On est ébahi par cette fluidité, cette légèreté.

DSCN3007

Et c'est là, à ce moment là seulement,

qu'on comprend spirituellement l'expérience du jeûne qu'on a vécu.

Et on découvre que le jeûne, ce n'est pas une tactique. Pas une posture.

DSCN3002

 

Pas une technique de jouvence, pas une méthode, pas une pratique spirituelle.

C'est simplement, seulement, un rééquilibrage.

On est allé trop loin, on a passé des limites, on est gavé, on a exagéré,

on se croit au-dessus de tout, on est orgueilleux, vaniteux, imbus de sa vie.

Ou alors au contraire, on est dépassé, frustré, dévalorisé, dégouté,

on accepte pas son incapacité, sa faiblesse et on en fait une dépression.

Dans les deux cas, on frise l'indigestion de soi.

HPIM4983 (copie)

On a un besoin viscéral d'un contact avec ce qui n'est pas soi, l'anti-ego.

Et si on n'est pas complètement cloué au pilori par la machine qu'on est devenu

en laissant sa direction à la volonté de puissance, on prend la décision de jeûner,

d'arrêter d'en rajouter, de philosopher sur tout le dominé, le compressé et l'étouffé

qui se vérole à l'intérieur de soi comme un poison.

La méditation est une forme de jeûne.

S'assoir sans rien faire, un peu tous les jours, ne plus être occupé,

c'est vider les poids de la balance pour abandonner l'aiguillage au souffle.

Dans le silence du Moi, l'inutile perd de sa substance et s'évacue de lui-même.

HPIM4823

C'est pourquoi ont dit que le Zen est au delà des mots.

Que le Zen, ce n'est que Zazen, l'assise.

Mais même là, on peut encore jeûner, encore diminuer.

Supprimer l'ascèse, le vouloir, la bonne posture.

Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus qu'à ne rien faire, qu'à laisser passer.

HPIM4811

Les histoires accrochées à nos cheveux et nos basques s'affadissent et succombent,

comme un jardin qui n'est plus arrosé.

Héros ou ratés s'évanouissent comme des succubes.

On laisse passer, on est plus obstrué, et alors on entend.

On entend le flux de la vie.

DSCN2993

On contemple, on se fond dans le flux, et alors,

on devient juste content.

 

DSCN2996

 

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Commentaires
C
Le jeune c'est dans la tête, je suis gourmande et je parviens à faire le ramadan, c'est dire !
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N
Vraiment très beaux !<br /> <br /> [cartouche compatible->http://univ-cartouche.fr/]
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R
un grand merci, Poétiste. Vous dites tout cela si bien !<br /> <br /> (et un autre grand merci à Barbesse qui a initié ce dialogue passionnant)
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P
OK pour le petit bémol sur le jeûne qui doit rester un fardeau léger excepté quand il est protestation pour une cause précise.<br /> <br /> Petite "info scénario" que j'ai mise sur le "Journal de Personne":<br /> <br /> <br /> <br /> Du vol, du viol et de la violence.<br /> <br /> <br /> <br /> A : Toi qui a voyagé, parle-nous de la violence<br /> <br /> B : La violence est un boomerang dont on veut ignorer le retour car elle s’adresse en priorité à nous-même et notre insu, à ce titre, est ce que nous ne voulons pas savoir.<br /> <br /> A : La violence n’est-elle pas, en définitive, l’argument de la victoire finale pour ceux qui en font usage, voire, qui la professent ?<br /> <br /> B : Ceux-là sont toujours comme les casseurs d’un coffre, ils vont au plus court, ils frappent, ils spéculent, tout ce qu’ils obtiennent l’est par effraction, sans conscience aucune.<br /> <br /> A : Est-il un moyen d’arrêter ces usuriers dont la force fait loi quand une éthique universelle ne semble pas se faire jour ?<br /> <br /> B : Tu viens de signifier par cette question, qu’il n’y a pas de victimes sans bourreaux et pas de bourreaux sans victimes : l’humanité est un tout.<br /> <br /> Quel est ton désir ? Est-il prédateur ou tient-il compte de l’autre ? Tu sers ou tu dessers à prendre le nécessaire et le dessert de l’autre ? <br /> <br /> A : Voudrais-tu me dire que je suis responsable, me culpabiliser de ce qui se passe dans le monde entier ?<br /> <br /> B : Si je te dis que tu es coupable, ça va te conforter dans le rôle de victime que tu te donnes. Si je te dis que tu es responsable, ce sera le compliment pour le réalisme d’une humilité salutaire.<br /> <br /> A : Que penses-tu des règlements de comptes à Marseille qui défrayent la chronique ?<br /> <br /> B : Règlements de comptes à Marseille, n’est-ce pas le signe de l’aberration de vouloir gagner de vitesse pour prendre mais d’une manière moins fine et moins perverse que les banquiers spéculateurs et traders qui banalisent le crime. Ces meurtres de Marseille, c’est le boomerang qu’ils ne veulent plus recevoir après l’avoir lancé.<br /> <br /> A : Toutes les banques acceptent l’argent sale, tu ne penses quand même pas qu’elles vont se doter d’une déontologie qui le refuserait, elles fermeraient leur porte. On ne parle seulement que de « régulation », ce qui est un doux rêve.<br /> <br /> B : L’argent n’est pas sale, il est trompeur, il ne devient violent que selon le désir obsessionnel qu’on en a et l’usage qu’on en fait. A Marseille, on casse et on enfume, on dit aussi que la vie est plus belle.<br /> <br /> A : Maintenant, parle-nous du viol.<br /> <br /> B : Le viol découle de cette prédation à court terme sorte de casse sur le corps de l’autre, corps animal, certes, mais qui supporte l’âme et qui a donc le droit à tous les soins et tous les égards. L’homme se distingue aussi de l’animal parce qu’il peut ne plus être homme, aller à l’extrême, au pire.<br /> <br /> A : Tu me parles d’un sous-homme qui aurait cédé, par faiblesse, à ses tentations les plus obscures. Quel est cet homme ?<br /> <br /> B : Cet homme est celui d’aujourd’hui, l’homme d’affaires affairé, le désoeuvré, le rêveur, toutes sortes d’ego inégaux qui ne prennent pas le temps de vivre, de méditer, de prévoir.<br /> <br /> A : Je te vois venir, tu vas me parler de la croissance zéro.<br /> <br /> B : C’est bien là le problème qui ne peut se résoudre que hors de l’activisme, la compétition, la vitesse. La ruée vers l’or des valeurs spirituelles va-t-elle renverser l’idolâtrie du veau d’or qui semble être le facteur commun à l’échelle mondiale.<br /> <br /> A : Comment faire pencher la balance en ce sens ?<br /> <br /> B : Listen my friend, the answer is blowing in the wind.<br /> <br /> A : to be or not to be, en quelque sorte?<br /> <br /> Yes Sir !
Répondre
M
Je dirais que dans ton texte il manque la notion de partage, la rupture du jeune est un moment de partage où on se retrouve et échange. Le jeune est plus qu'une privation à mon sens c'est une fenêtre vers l'ouverture aux autres et a la bienveillance.
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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