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YURTAO, la voie de la yourte.
30 mai 2013

Ga-Ja. Du commencement à la fin.

Au début, il n'y avait personne.

de rien

Je ne sais pas si j'étais la première, parce que s'il y en avait d'autres, ils se cachaient.

cache

On nous ignorait parce qu'on choisissait des endroits reculés.

On bricolait nos vies.

On ne le criait pas sur les toits,

hutte tranquille

personne ne nous talonnait, c'était une démarche personnelle intime et mûrie.

Pas une orientation professionnelle ou une vocation, plutôt une inspiration.

Une solution parfois à une situation compliquée, à trop d'embarras et d'absurdités, une réponse limpide comme un haïku qui s'impose lors d'un voyage à pied, loin des tracas de ce qui ne correspondait plus à rien.

Je ne connaissais personne d'autre avec ce genre de dispositions, cette ligne d'horizon.

femme elephant

La solitude de démarrer quelque chose qui n'a jamais existé avant, dans cette culture où je suis née, je sais maintenant qu'elle germait comme une touffe de crocus en sortie d'hiver, la même variété dans des jardins séparés, aux quatre coins des campagnes d'Occident.

Je n'ai rien demandé, puisqu'il fallait tout inventer.

Personne ne m'a aidé parce que personne n'y connaissait rien. Je n'ai pas cherché chez les gens, seulement dans les rares livres où se décrivent les belles mœurs, et dans ma tête, où s'imaginent les bonnes histoires. Je voulais trouver quelque chose de nouveau avec de grosses racines ancrées dans le passé,

elephant chandelle

quelque chose de très éprouvé chez les anciens mais inédit ici,

tipi 1900

une veille sagesse capable d'irriguer l'insipidité de l'impérialisme technologique.

contraste

Je n'ai pas cherché de maître, de toutes façons il n'y en avait pas, même chez les spécialistes du domaine pour qui c'était l'ignorance totale.

Alors je l'ai réalisé sans mesures, au pif, au jugé, à l'intuition.

P1080375

J'ai cru accoucher d'un escargot, ou d'une tortue, mais en vrai,

c'est un éléphant.

éléphant sacré  A cause de la prudence et de la sagesse.

A cause de l'immuabilité, et toute cette fragilité et cette pudeur forgée en stabilité.

A cause de l'assise que ça a donné à ma vie et de la force qui m'est venue.

assise sur l'éléphant

 Si je me suis cachée, c'est pour des raisons privées, pour fuir du trop plein, pour survivre, pas parce que j'étais illégale et encore moins parce que c'était interdit. Ça ne pouvait pas être interdit puisque ça n'existait pas dans ce pays, les gens ne savaient même pas ce que c'était. Et jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais été illégale, malgré qu'ils ont plusieurs fois essayé en s'y mettant à plusieurs dans les hautes sphères du pouvoir. Je me cachais pour ne plus les subir, mais ça n'a duré que quelques années de havre, jusqu'à ces hordes d'hélicos partout pour débusquer et piéger.

attaque©Johan_Opperman

Cette ère de l'inconnu, de l'invisible, d'habiter dans l'inconnu incognito,

c'était vraiment la meilleure.804347

On ne pouvait savourer ce défrichage consciemment que si on était déjà habitué à prendre son temps.

Quand je montais mon barda tout en haut sur un pic isolé,

intouchable

j'en entendais glousser :

cette femme est dingue, elle a une énergie de dingue.

Certains qui fumaient beaucoup sans doute.

elephant en l'air

Je ne prenais pas de photos, je ne publiais rien sur Internet qui était encore confidentiel, je n'en parlais qu'aux intimes qui côtoyaient ma concentration, à ma famille du bout des lèvres, et je n'invitais personne. Je voulais seulement la tranquillité. Je n'allais en faire ni de l'argent ni un métier, ça ne m'est jamais passé par la tête que ça puisse être autre chose qu'un art de vivre heureux, comme l'enchantement de retrouvailles d'amoureux.

Au début, on n'en voyait nulle part.

Même pas à la télé, que je n'ai jamais eu. Seulement dans des livres d'explorateurs. Ça venait de loin, de très loin, des confins, et pourtant c'était déjà comme infusé dans mes mains. C'était une incongruité et une évidence en même temps, un vase magique pour contenir sa vie qu'on pouvait fabriquer soi-même.

Comme il n'y en avait pas d'autres autour, créer de rien, de zéro, du vide, coulait de source. Pas moyen de copier, de voler des infos, d'acheter des plans, de solliciter des conseils, de surfer sur forums spécialisés. Pas d'experts, pas de tuyaux sous la manche. Personne ne savait. Je me consultais moi-même, dans la débrouille, ne pouvant grappiller de ressources qu'en soi. Je traduisais dans le vif de la matière, avec mes dix doigts, des formes surgies de visions hypnagogiques et de rêves éveillés.

Mais s'il était facile de projeter le rêve dans la texture du vivant, jamais je n'aurais pu imaginer à ce moment là ce qui arrive aujourd'hui, comment tout est en train de dégénérer.

dormir dans les ruines

Même si mon troisième oeil s'est ouvert depuis, je n'avais pas l'intuition extra-fine des éléphants qui, le 26 décembre 2004, à l'approche du raz-de-marée, se sont libérés de leurs chaînes pour charier leurs dresseurs dans les forêts hautes de l'île de Pucket...

Et je ne voulais pas supputer cette violence et cette guerre qui fait couler désormais l'encre des médias, au détriment de gens simples déshabillés dans les tribunaux pour avoir oser la différence.

Je ne me suis sentie menacée du viol de mon dernier refuge que lors du déballage sans décence dans un prétoire, et à chaque fois que j'ai consolé les rictus épuisés des accusés que j'accompagnais. Les premières années non, heureusement, car si absorbée que je ne voulais pas savoir comment le système, dés qu'il détecte un fuyard, déploie ses tentacules ; ni de quelle pression impitoyable il est capable pour broyer cette petite chose que j'ai trouvé si pure et si belle il y a presque vingt ans.

yourte en couleur

Il y a eu à peu prés cinq années de grâce.

au desert

Après, en seulement quinze années, l'escalade vers le pourrissement.

Quinze années pour que le dévoilement attire les marchands et que tout soit corrompu jusqu'à la moelle.

éléphants à vendre

Quinze années pour orchestrer le sabotage de ce qui aurait pu nous sauver.

J'ai vécu toutes les étapes.

D'abord les étonnés, puis les curieux, puis les charmés, puis les conquis, puis les copieurs, puis les calculateurs, puis les récupérateurs, puis les jaloux, puis les empoisonneurs, puis les procureurs, puis les expulseurs, puis les législateurs à la solde des lobbies et bientôt, la terreur, qui fait déjà retourner les justes profondément dans des tanières dissimulées le plus loin possible des journalistes.

introuvable

Un cycle court, très court par rapport aux trois mille ans d'histoire derrière.

yurt avant

Maintenant, tout le monde sait ce que c'est, il y en a partout.

elephant en série

Les justes qui pratiquaient la discrétion se replient plus loin,

on se casse

mais les vendus s'étalent sans vergogne pour capter le plus offrant.

farniente

C'est l'effet de la mondialisation, ce que le mensonge nomme démocratisation.

C'est à dire confisquer aux pauvres ce qu'ils ont inventé de mieux pour continuer sur terre,

Nomada_Pamir1_16g

le raréfier pour en faire un objet de luxe excitant les convoitises,

éléphant paré

puis l'industrialiser et le revendre standardisé et aseptisé aux bourgeois,

toutes pareilles

à la classe moyenne salivante et suante.

On ne pourra pas revenir en arrière.

Au temps de la paix et de la liberté, des terres ouvertes.

yourtes dans la brume

Cette toute petite paix et cette toute petite liberté arrachées quelques toutes petites années au fanatisme des prescripteurs de démolition, qu'on s'est offert loin d'eux en cachette, quand ils étaient tellement occupés à saturer le peuple disséminé devant une foule d'écrans neufs plein de clignotants lumineux.

 On ne pourra pas recommencer comme au temps de la découverte et de l'enthousiasme.

On va devoir, comme d'habitude, constater les dégâts.

elephant cirque

Et la façon toujours aussi perverse dont les gros s'y prennent pour briser la vie des sans-.

Et comment, par le règne contaminatoire de la quantité et de l'avidité,

leur cancer gangrène le corps social.

On a cette vision,

 regard d'éléphant

on voit la mécanique en jeu, les épouvantails en action, on comprend le processus de désossement de la carcasse, mais on ne tient ni le marteau, ni le couteau, on n'accompagne pas le chaos. Pas par réaction, ni même par rébellion. Par simple penchant atavique à la salade sauvage au bord d'un sentier embroussaillé. Penchant non négociable.

Ensuite, on peut regarder un peu plus loin que cette corruption et deviner qu'après la défaite,

piégé

quand seront prostitués les restes d'innocences et d'espoirs dans les tripots du matérialisme, viendra l'heure de prendre soin du travail accompli dehors et de le replier, de le soustraire au visible, afin que sa dimension cosmique puisse se déployer à partir du dedans.

Yurtedach

Dans le secret du cœur, là où personne n'ira débusquer son trésor pour en faire une hache de discorde. Contre l'acharnement à écrabouiller toute forme émergente repérée, à rendre illégales toutes résiliences populaires, à interdire tout ce qui ne peut être emballé dans une boite numérotée, il restera la fidélité aux débuts : un rêve de liberté très profond que rien n'empêchera, car sa source vient de loin, très loin, des confins.

Ces confins là, ce n'est pas l'envers de la mappemonde, c'est le tréfonds immuable de l'humain.

Un endroit où le mandala fondamental est son propre abri, qui surgit comme un soleil dans les ténèbres de la psyché quand tout doit être guéri. Un endroit où personne ne pénètre sans que l'être ne s'ouvre.

Un creuset où est nichée la yourte intérieure,

l'inviolable espace qui sert à respirer et à rire.

Un diamant dans le front de l'éléphant,

qui éclaire la Voie quand je suis sur son dos,

délivrée de l'angoisse des temps.

Eléphant devant un temple

 

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Commentaires
F
J'ai adoré cet article, et les images ont été judicieusement choisies pour ajouter une touche d'ironie pour évoquer une tragédie.<br /> <br /> Flo
Répondre
C
MAGNIFIQUEMENT DIT ET LUCIDE COMME TOUJOURS.<br /> <br /> NOSTALGIQUE....
Répondre
K
Beaucoup de connivences. Beaucoup de résonances. A travers tes textes que j’ai tout récemment découverts. Beaucoup de sympathie. Evidemment simples projections. Et reflets de soi-même. Mais je t’aime aussi de cet espace impersonnel que tu habites toi aussi parfois. A tes heures. Quand tu renonces au combat. Que tu abdiques. Que tu baisses les armes pour reposer nue et vulnérable. Seule et misérable. Et pourtant si riche, si forte et si pleine de cette joie insaisissable. Oui, je t’aime comme une sœur de solitude et de misère, toi qui sais habiter ta pauvreté et ta frugalité avec tant de force et de bravoure. Et même – disons-le – de panache. Pourtant je ne vis pas en yourte. Et je n’ai, comme toi, ce goût pour le combat. Je ne milite pas. Pour rien ni personne. Et si peu pour moi-même. Non, je n’ai comme toi ce goût pour la convivialité et les grands banquets où l’on rêve entre amis d’un autre monde. J’ai ce goût pour la solitude. Et même si ma fraternité ne s’est pas tarie… elle s’est heurtée à bien des murs… et bien des barbelés m’ont laissé exsangue et sans vie… j’ai renoncé. Consacrant l’essentiel de mes forces à cette joie impersonnelle. Non, je n’adhère à rien. Simple passant. Mais de tout cœur je suis avec toi. Non, je ne te rendrai pas visite. Je te laisserai en paix. A ta paix. Pour qu’elle soigne tes blessures encore parfois à vif. Et cette révolte - si compréhensible face à la folle absurdité d’un monde qui marche sur la tête - qu’on sent frémir sous ta peau. Et dans ton cœur. Et qu’elle t’offre l’apaisement. Cette souveraine tranquillité qu’aucun évènement ne pourra plus jamais meurtrir…<br /> <br /> Bien à toi, sœur de solitude. Et que le vent emporte tes soupirs…<br /> <br /> Un frère inconnu
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P
L’embrouille.<br /> <br /> <br /> <br /> Grosso modo, quand le pauvre est un riche qui n’a pas eu de chance, il reste riche dans l’âme et soutient le riche au cas où il pourrait le devenir lui-même. Le pauvre aime jouer à la loterie, au PMU ou à l’UMP, quand la cohésion entre pauvres lui échappe.<br /> <br /> Le pauvre est un riche en impuissance quand il bave devant le riche gros plein de sous, l’envie, et ne ferait rien pour un plus juste partage des biens.<br /> <br /> Moralité : Le pauvre est toujours doublement pauvre, s’il n’est pas riche de transcendance, de soif de justice et de dignité pour l’homo sapiens, s’il n’est pas prêt à universaliser sa pensée en une religion planétaire commune.<br /> <br /> La croissance économique est la carotte qui fait oublier le bâton, l’échappatoire, l’argument fallacieux qui inverse la cause et l’effet. C’est la croissance aveugle qui crée la crise et le bâton qui va avec. La pauvreté est la dope de la croissance.<br /> <br /> Le pauvre en pays riche est plus désespéré que révolutionnaire, plus enclin au système D qu’à la solidarité. Il est bien simpliste de dire que la richesse crée de la pauvreté uniquement chez les pauvres ; elle crée de la pauvreté d’esprit chez tous, et cochon qui s’en dédie.<br /> <br /> Hé ! La richesse, globalement, appauvrit ; le confort rend fort con, c’est un constat, c’est l’observation de l’expérimentation. Et en guise de remède, on pousse à la croissance, c’est à douter des sciences humaines une telle réaction paradoxale ! <br /> <br /> C‘est méconnaître la nature instinctive du singe nu que de proposer qu’il puisse sortir du n’importe quoi de préférence sans une étoile pour le guider.<br /> <br /> Dénoncer le conformisme et proposer en guise de remède le conformisme, c’est être noyé dedans et ne plus jamais en sortir. Le poisson reste dans son bocal d’eau trouble ; la grenouille s’en échappe car elle en a les moyens.<br /> <br /> A qui profite la croissance ? Hein ! A qui ? Si croître en « biens », c’est croître en mal, en mots et en maux, le problème mérite d’être posé et résolu. Il est vrai que l’on parle plus de problèmes que de solutions en un pays riche, n’est-ce pas ?<br /> <br /> Parler de ses « problèmes », et en dévoyer les solutions et de l’ordre de l’attachement à son mal quand on a le sentiment qu’il est de notre identité, problème psychologique et sociologique ; les deux mon général !<br /> <br /> Ah, ce que les experts perdraient si notre société résolvait ses problèmes ; il ne pourraient plus en faire de doctorales thèses et la pauvreté les atteindrait. Bad romance,(Lady Gaga) : I want your horror, I want your desease. Elle est le parfait produit d’une société où les uns s’enrichissent du dysfonctionnement des autres.<br /> <br /> Les riches croissent et décroissent, les grenouilles coassent, les corbeaux croassent et les hommes croissent pour décroître et aller s’écraser contre un mur.<br /> <br /> Le singe nu serait-il l’animal le plus doctement stupide de la création ? Que les démagogues fassent silence, la question n’est pas pour eux, ils ne peuvent l’entendre.
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F
Que dire Sylvie,<br /> <br /> Sinon que je suis toujours contente de lire tes messages. Je pense toujours à ces tracas grotesques qu'on vous fait, qui épuisent, découragent et fragilisent par l'insécurité et la peur.<br /> <br /> Je pense trés souvent à toi, à vous les vrais, qui inventez d'improbables et fructueuses<br /> <br /> solutions.<br /> <br /> J'espère qu'il ne fait pas trop froid dans les Cévennes. Toutes ces choses qui m'importent quand il s'agit de toi. Oui. .<br /> <br /> Pour nous non plus ça n'est pas facile de tenir debout et jusqu'à quand?<br /> <br /> Une nostalgie, apaisée, lucide sur notre genre humain parfois si mauvais et d'autres fois si génial et ouvert sur des horizons spacieux, m'envahit " jusqu' apercevoir " la plénitude de l'instant qui se vit.Rien d'autre que l' instant qui glisse vers un autre instant. <br /> <br /> J'ai lu ton livre, bien sûr. C'est vrai qu'elle est tombée la foudre , juste devant ta yourte,<br /> <br /> ce fut si court, un trait, une fulgurance, lumineux crépitement, le trait aseptisant d'un celeste chirurgien.<br /> <br /> Belle fin de semaine. Fanny.
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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