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YURTAO, la voie de la yourte.
13 août 2013

Royalement bucolique

 

Au bout de la plage de sable, vient la plage de galets.

Au bout des galets, viennent la vase et les joncs.

Au bout des joncs viennent les rochers.

Au bout des rochers s'amassent les bois flottés,

enchevêtrements agglutinés hérissés de branches orphelines.

Au bout des bois flottés s'embroussaillent les ronces.

Et au bout des ronces, une tache orange illumine le sous-bois.

Des fleurs sauvages.

Ça ne peut être que des lys, je ne connais rien d'autre en cette saison qui puisse jeter tant de flammes.

Les lys sauvages affectionnent ces espaces vierges où s'abriter entre falaise et rivage, à distance des roches chauffées à blanc qui conviennent à l'ail des ours et la saponaire. Une grande tache orange vif dans la pénombre, c'est toute une colonie. Quand je les atteins, je n'en reviens pas. Jamais je n'ai rencontré cette espèce là. Ces lys sont si magnifiques qu'un long cri d'admiration m'échappe, me paralysant de joie. Ils ne ressemblent pas à ceux que je connais,

 

lys sur la yourte yurtao

répandus sur les bordures des faïsses Cévenoles,

corolles oranges fuselées, au lustré plastique,

se balançant sur leur haute tige encadrée de longues feuilles lancéolées.

 

lys orange à la yourte yurtao

Ceux là me sautent aux yeux avec la même violence que les orchidées sauvages. Une violence qui signe une espèce vivace et particulièrement précieuse et originale, dont la seule existence est un cri de rébellion à la prédation.

Comment oser les déranger ?

M'approchant timidement, j'inspecte ce trésor, mon cadeau du jour.

Les pétales discrètement nervurés, piquetés de petites taches oblongues, se cambrent en arrière avec une volupté indécente, en boucles parfaites se refermant sur elles-mêmes. Le criblage de points noirs sur la chair lustrée octroie à la plante l'aura vénéneux d'une toxique, mâtiné d'un relent félin. Autant le pétale jaune citron de l'onagre, abondant sur la rive en face, est un modèle de fragilité, prompt à se dégrader au soleil, autant ces six pétales là respirent une sève d'acier, une majestueuse vigueur. Du milieu de la corolle à la fierté farouche gerbent des étamines de feu aux anthères purpurines, jaillissantes comme six langues avides, entourant un pistil tout aussi érigé. L'élégance léonine, la splendeur sanguine et flamboyante des lys tranchent avec l'aspect négligé et monotone de la verdure alentour. Fascinée, conquise, j'en tremble d'émotion.

Une claque de grâce impromptue m'est ainsi offerte sous le boisseau, au large vertueux de ces touristes contentés de canots pneumatiques, de sodas et de biscuits industriels.

Je ne peux résister à l'envie d'honorer ce lys étrange au charme sorcier


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en sacrifiant quelques spécimens à mon culte de l'éphémère et de la beauté.


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Sans toucher aux bulbilles, sanctuaires de futurs clones.

Armée d'un bouquet comme du butin d'une pêche miraculeuse,

je traverse la rivière pour gagner la plage où planter


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un autel, un totem, un ciboire,

toute antre ou érection sacrée apte à célébrer le lys enchanteur.

A première vue, pauvre de couleurs chaudes est le paysage,


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il n'y a ici, autour de l'eau, que décrochement minéral et végétal inextricable.

Pourtant, dés l'arrivée, en quelques coups d'œil, j'ai lu l'environnement comme un peintre prépare sa palette. Et constaté une étonnante diversité des plantes modestes, éparpillées par petites touches au milieu des cailloux et sur les berges. L'onagre bien sûr, au bout de sa maturité, la douce amère avec ses minuscules clochettes violettes, le mélilot blanc, très ramifié et géant par endroits, le plantain monté en graines, l'armoise argentée, quelques hampes de salicaires, les jolies inflorescences à cinq pétales de la lysimaque, dont l'or lui a valu le surnom d'herbe aux écus, un délicieux bosquet de délicates épilobes hirsutes aux stigmates en croix blanches,


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dont j'arrange quelques fragiles corolles à la durée de vie n'exédant pas la journée,


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et malheureusement la méchante ambroisie, mon cauchemar, et bien d'autres qui m'échappent...

De cette abondance pudique, je ne sais jamais ce qui va advenir, quels mélanges, quels arrangements de couleurs périssables, de bois solides et de pierres immuables vont surgir dans ce court laps de lumière où je vais les danser sur la rive. Mais je sais de suite que les simples et les lys ne se concurrenceront pas.

Qu'aux lys échoit la royauté, la solitude de la souveraineté.


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Ancrés sur un trône robuste d'humble facture, arrachés à la glèbe pour la gloire,

élevés entre ciel et terre comme un monarchique nid d'aigle, ils régneront.

Entre les racines des bocages enserrant la grève, je dégage fébrilement branches tortueuses blanchies à la friction des eaux, buches râpées et dénudées, fragments de bois tordus et poncés, les jette en fagots sur l'aire dédiée par décret de l'instant aux lys magnétiques. Et, soleil de plein été avançant imperceptiblement du midi au couchant, décalant lentement les ombres sur le cercle de galets, la sculpture aérienne, posée sur un trépied de fourches, se monte d'elle-même.


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Entrecroisements, enchevêtrements, imbrications, emboitements, contrebalancements, sans liens, sans attaches et sans poids, à la recherche de l'équilibre. Alors, dés qu'une cavité offre une anse d'ombre, s'immiscent, dans les interstices, les pédoncules des lys.

Et fouette l'orange ardent, l'orange resplendissant, hélianthine du royaume,

brandon d'amour immolé sur une plage déserte frappée de lumière.


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Pour que la contemplation soit.

Pour l'extase de la cueilleuse, de la sculptrice, du passant, pécheur, campeur ou randonneur fuyant les attroupements, flâneur ou poète libéré des pressions. Loin de la route d'où ma précédente sculpture de land-art a attiré les convoitises.

Là, on n'emportera rien que cette image fugace.


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Ce n'est pas le fil de laine qui entoure le nid comme une ceinture de chasteté


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qui protège l'œuvre aux lys de l'accaparement cupide, c'est seulement que les morceaux de bois ne peuvent être désenchassés du nid sans le détruire. Et je sais sur quelle branche tirer, un seul petit geste d'une seconde, pour que tout s'effondre. Pour qu'il ne reste rien ni des lys ni du dallage de galets,


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rien de la citadelle utopique se consumant au soleil de la création,


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comme nature le fera de toutes façons en quelques heures, quelques jours,

(les lys sont incroyablement résistants à la dessication)


lis tigré en dessication yurtao

dans sa sagesse féconde, pour qu'advienne sans cesse, sur la vague du temps,

l'inépuisable foisonnement de Vie.

land art yurtao royal buco

 

Ce « Lilium lancifolium » ou "Lys tigré", originaire d'Asie,

s'est visiblement naturalisé ici pour notre plus grand bonheur.

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Commentaires
G
On dirait un nid d'oiseaux, un nid pour lys tigrés. Je dirais plutôt léopard.
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A
je crois que c'est la 1ere fois que je vois un lys orange. tes compositions sont magnifiques !<br /> <br /> Bisous, Sylvie !
Répondre
G
merci...Ganesh....
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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