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YURTAO, la voie de la yourte.
18 novembre 2013

Du trop: limites de l'abondance

la belle vie en vélo sur yurtao

La contrainte principale de l'auto-construction de la yourte,

de l'art en nature et de la relocalisation décroissante,

hutte ronde sur yurtao

est de ne prélever ses ressources que là où on se trouve, dans les conditions restreintes du quotidien.

Ne pas aller chercher la matière première dans d'autres contrées, ne rien faire voyager.

dans le tronc de la vie

Ne déplacer ses récoltes que dans l'orbe des capacités physiques du transporteur, sans recours aux énergies fossiles. Se débrouiller dans la proximité, avec la lenteur et la pesanteur naturelle. Approcher avec respect et gratitude le monde végétal et minéral qui partage la même terre nourricière, avant de pénétrer et fouiller son immobilité, son apparente passivité.

arbre tout seul sur l'eau

En s'éloignant de chez soi pour prélever sur d'autres horizons, on s'imagine foisonnant ce qui existe ailleurs, on croit que plus de propositions garantira un meilleur choix.

La plupart des chercheurs, de vérité, de développement, d'enrichissement, de réussite, croient que l'accumulation d'opportunités est la solution du mieux et l'assurance de l'optimum. Le corollaire virtuel de cette croyance serait que plus le mental dispose d'images, plus il approfondit sa vision. Comme si la distance, la quantité et le volume conquis, l'étirement du champ d'action et de prédation, la prolifération des formes, pouvaient entraîner logiquement l'élargissement de la conscience et l'épanouissement dans la réalisation. C'est souvent une illusion, renforcée par les sirènes de la globalisation.

Un tel élargissement se trouve en réalité dans la seule conscience sans objet, sans image, celle qu'on peut découvrir dans l'espace intérieur de la matière et de l'esprit, au milieu du silence et de la méditation. Ce qui n'a rien à voir avec cette conscience désabusée par la généralisation de la disposition libre et de la transparence, qui croit avoir tout compris parce qu'elle a réussi à piéger la totalité de la connaissance en une succession de clics domestiques.

Quand le mental sature d'informations et cherche instinctivement à se décharger de la profusion, il confond trop souvent vomissement et soulagement avec renaissance et éveil, décongestion avec illumination.

Quand on pousse ses limites spatiales, on découvre surtout beaucoup de surfaces. Les moyens de circulation et la multiplication de la vitesse ayant envahi l'espace et standardisé l'expansion, ces surfaces ne sont plus que des paysages sans terroirs, des agglomérations décentrées, distendues, noyées sous des clignotements incessants, saturées de ronds-points et d'échangeurs chauffés à blanc,

des grouillements où s'agitent et scintillent foules et machines.

 

 

Partout où circulent les masses entre parcs aseptisés balisés vers buvettes et bazars, un foisonnement trépidant brasse de gros volumes d'air d'où rien de signifiant ne se détache, sauf parfois un caddie déboussolé, bourré à raz bord, qui ressemble plus à une poubelle qu'à la hotte du Père-Noël.

 

 

 

 

 

 

 

La vastitude de l'offre dilue la vue dans un grand flou.

L'immensité piégée compresse et ratatine le cerveau.

 L'étendue saisie au grand angle n'est plus qu'un puzzle assemblé au scotch, lissé et laqué au laser, et le monde un show-business qu'on mate en feuilletons. L'important étant qu'on passe à la caisse et que le toujours plus qui fonde le capitalisme soit validé sans discuter. Mais alors, ainsi déballé, le vaste monde devient comme un miroir exposé en plein soleil : il aveugle.

En colonisant l'espace, en multipliant potentiel, conquêtes, acquisitions et innovations, on croit s'affranchir du train-train, de la mesquinerie, des ornières, des liens décevants de sa petite vie qu'on finit par juger étriquée, minable ou médiocre,

long voyage sur la terre

parce qu'il est plus facile de se fier à l'opinion manipulée par les nantis méprisant tout ce qui ne brille pas, et qu'il s'avère difficile d'écouter comment la simplicité du cœur peut procurer du bonheur.

 

du bonheur sous toile

 

Rencontrer beaucoup de gens, dit-on, c'est s'enrichir. Beaucoup voyager, dit-on, c'est s'enrichir. Beaucoup étudier, dit-on, acquérir beaucoup de connaissances, c'est s'enrichir. Sortir de chez soi, de son bourg, de sa ville, de son pays, consommer tout azimut, goûter à tout, c'est aller, dit-on, à la rencontre de l'autre, s'enrichir de ses différences, qu'on se dépêche de normaliser et rentabiliser. Ainsi, plus on est ouvert, disponible à toutes les occasions, plus on devient riche et plus le statut social s'améliore. Dit-on. Et tous les gourous de l'abondance de vanter l'ouverture, prenant les courants d'air pour le souffle divin.

Mais l'ouverture spirituelle n'a vraiment rien à voir avec l'ouverture des marchés.

 distractions

Ce qu'on voit en réalité, c'est l'inflation de la séduction pour exciter des besoins factices exponentiels, beaucoup de gens « en relation » qui ne savent plus ce qui les relie, beaucoup de rencontres et peu d'amour, beaucoup de désirs et peu de satisfaction, beaucoup de kilomètres avalés et peu d'évolution, pléthore de techniques révolutionnaires mais plus de sens critique et encore moins de bon sens, des pressés qui n'ont plus le temps de rien et se contentent d'allonger leurs listes d'amis virtuels et de fichiers multimédias, des foules d'individus « libérés et autonomes » moulant leurs identités sur les tendances psychologiques du conformisme culturel de masse, et la rationalisation desséchante des émotions.

 Si on quitte son aire de vie parce qu'on s'ennuie avec soi-même et ses proches, il est probable que le même processus recommencera ailleurs, un peu plus loin,

changer

dans un autre décor, passés les quelques moments à s'ajuster aux nouvelles contingences. Après l'éphémère exaltation produite par le coup de fouet du changement, le même comportement d'enfant gâté qui croit que tout est toujours mieux chez le voisin reviendra très vite. S'il suffit de bouger pour obtenir tout ce qu'on veut, peu importe les conséquences de ses actes. Inutile de se croire responsable du présent puisque demain ne m'y trouvera plus. Épuiser l'endroit où l'on habite de ses sources d'excitation et déménager (le plus souvent en s'appropriant des territoires déjà habités) dès que la tension retombe, c'est la politique de la terre brûlée. L’extrême inverse du nomadisme traditionnel, où le déplacement garantit le non épuisement des ressources.

 curieux l'ours

Alors que dans le peu, le petit, le pauvre, parfois le piteux,

avec trois fois rien

le regard se resserre, la conscience se focalise, la concentration s'approfondit, l'intuition décode reliefs et hiérarchies, permettant au détail d'organiser l'épaisseur, qui s'avère profondément radiculaire.

grossesse arboricole

Attentif au battement d'aile du papillon capable de déclencher une catastrophe à l'autre bout de la planète,(métaphore de l'impact terrible des POP, Polluants Organiques Persistants, organochlorés et autres poisons dont la toxicité infinitésimale dans l'air contamine le plancton et se transforme en bombe à chaque échelon de la chaîne alimentaire ), curieux de la façon dont l'univers tout entier se cristallise au fin fond d'une feuille ou d'un moustique,

 

leçon de différence sur yurtao

 

convaincu que la danse des molécules qui transpercent le ciel bleu sont le fondement de la matière, alors chaque pas de l'indigène se sacralise.

C'est pourquoi les interconnexions de l'écosystème se saisissent au préalable dans l'immersion circonscrite à un territoire limité.

 à mes pieds

En matière de quête, qu'il s'agisse d'un motif artistique, d'une personne, d'un lieu ou d'une filière, trop de possibles paralysent la volonté. La conscience aiguë que se décider à choisir parmi la multitude fera perdre tout le reste, loin de l'orienter, fige le désir. Personne ne peut être absolument certain, malgré de longues cogitations, qu'il a joué le bon coup dans une partie qui rebondit sans cesse. L'abondance fait ruminer, spéculer, chiffrer, délibérer, mais repousse sans cesse la décision, jusqu'à ce que les supputations finissent par tourner à vide.

Devant une montagne de gâteaux dégoulinant de crème, soit on perd l'appétit, tanné par la nausée, soit on s'empiffre jusqu'à l'indigestion. L'abondance attire les goulus qui, dans les vernissages mondains, se jettent sur les petits fours. C'est gratuit, il y en a beaucoup, alors on avale pour remplir, se gaver, pas pour savourer et certainement pas par faim.

Rares sont les tempérants sachant résister à la séduction de l'abondance, à l'extension sans fin du désir. Devant l'abondance, le désir s'étiole dans une complexité inextricable, fatigué de ses vaines tentatives de symboliser des objets qui ne sont plus significatifs mais uniquement cumulatifs.

 

accumulation l

 

C'est pourquoi, il suffit souvent, pour retrouver un certain bon sens basé sur un équilibre avec soi et son environnement, de s'extraire des fictions assénées par le consumérisme totalitaire, ainsi que des contestations systématiques purement réactionnelles, afin de cesser de réclamer toujours plus, de quémander insatiablement, pour simplement essayer de se contenter de là où on est et de ce que l'on a.

Et c'est seulement à partir de là qu'il est possible de desceller dans les petites choses familières qui tissent nos plus simples journées, le merveilleux du quotidien.

le contentement sur yurtao

A partir de là qu'on peut décider de ses vraies valeurs, belle femme sur yurtao

de ce qui manque vraiment

et de ce qu'on peut raisonnablement mettre en œuvre

pour combler nos besoins sans dévaster le bien commun.

 sieste au renne

 

 

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Commentaires
R
Je me reconnais tellement dans les travers décrits ici....Et j'ai tellement absorbe les messages de la société qui disent que le plus et le plus diversifie = le mieux, le plus riche (intérieurement). C'est complétement moi. C'est moi dans cette course folle derriere une chimère. Une course épuisante, qui ne connait pas de répit. Je suis un pur produit de notre société malade, je représente ce qu'elle a de détestable ( a part que je fais tres attention a mon prochain lorsque je le croise ^^).<br /> <br /> Comme Celine K c'est comme si tu m'avais écrit ce message...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai tellement désiré tout et n'importe quoi, j'ai tellement passe de temps a tout peser et tout analyser a vouloir tout et son contraire, que je ne veux plus rien. Je n'ai plus d'envie. J'ai pourtant envie d'avoir envie, mais ça ne vient plus. Chaque fois que je me suis lancée dans quelque chose et qu'il y a eu les obstacles j'ai pris peur et me suis dit que ce ne devait pas être la bonne route. L'envie me manquait. Alors j'abandonnais et entrais dans la spirale de l’échec. Je suis maintenant vide de toute confiance en moi car j'ai mené tous mes projets a l’échec même si j'en ai retire de nombreux enseignements. Mais a travers tous ces échecs, c'est comme si je m’étais maudite toute seule.J'ai toujours cherche le bonheur ailleurs, pensant qu'il était dans tel ou tel pays étranger et chaque fois c'est ce que tu décris qui s'est produit. Lorsqu'on fuit un endroit, en fait on se fuit soi-même. Il y a une différence entre changer d'endroit pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs et changer d'endroit pour changer totalement, en profondeur de mode de vie (le 2eme est très bien). Me voila, a a peine 30 ans, une femme qu'on a toujours dit brillante, "lumineuse" et créative, qui me retrouve depuis des années incapable de travailler dans une entreprise car j'ai l'impression physique d'y mourir, d'insulter la vie et incapable de travailler a mon compte car aucune confiance en moi...Rien devant moi que du noir, de l'impossibilite de vivre.<br /> <br /> Ma nature profondément contemplative depuis l'enfance, ayant besoin d’être connectée aux choses essentielles (= nature + conversations sur la condition humaine..), qui recherche la solitude tout comme la compagnie de personnes elles-mêmes en recherche (d'autres choses que de produits électroniques !!!) trouvera t-elle un jour le chemin a se tracer pour s’épanouir? Je continue d'y croire car c'est tout ce qu'il me reste. Un jour peut-être, vivrai-je comme toi, car mon impossibilité de vivre, ne vient-elle pas peut-être de cette vie que l'on mène en société et qui n'est qu'une mascarade? Comme une vie sous perfusion?<br /> <br /> Merci beaucoup pour ce texte qui permet de voir en soi et tous tes textes en général.
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C
C'est comme si tu m'avais écrit un message.<br /> <br /> Je suis d'accord et accepte tes paroles.<br /> <br /> Mais ne jamais partir implique aussi ne jamais réaliser son destin par peur de se casser la figure.
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D
Une petite phrase m'a sauté au yeux et au cœur...se contenter de là où l'on est et ce que l'on a.... <br /> <br /> Il y a quelques temps déjà que je me suis appropriée cette pensée...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai cherché longtemps à partir, trouver un autre endroit où vivre, c'était devenu obsessionnel... alors que j'ai tout pour être heureuse là où je suis....alors j'ai changé mon fusil d'épaule, j'ai arrangé la maison de façon à me sentir en harmonie avec moi même ...La cheminée me chauffe assez, je peux faire lever la pate de mon pain devant les braises, J'ai arrangé mon jardin à mon goût ( pas encore de potager car j'ai repris le travail, ce qui prend sur mon temps ) , j'ai planté du thym, du romarin, de la sauge, de la verveine, j'ai quelques fruitiers.... La campagne n'est pas loin, je peux y aller souvent...<br /> <br /> Et quand je veux me dépayser dans la nature profonde en Camargue ou ailleurs, il y a le covoiturage avec des amis(es) ou le train... <br /> <br /> oui, une petite vie qui me contente grandement.....
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J
J'ai pensé à toi, tout à l'heure Sylvie, car je prenais le bus -20h20- pour me rendre à Carrefour, acheter à manger pour ce soir et plus, surtout des fruits, bon ... et puis je m'inpatiente à l'arrêt de bus, me plaint aux autres gens qui patientent des retards constants de cette ligne, et puis je me dis, qu'est ce qu'a dit Sylvie tout à l'heure ?<br /> <br /> Qu'il fallait préférer échanger avec son environement immédiat, que d'aller chercher sa nourriture à une distance trop grande. ( j'ai bien compris ? reste à définir trop alors ) <br /> <br /> <br /> <br /> Bon toi c'est beaucoup plus poétique ; Ne pas aller chercher la matière première dans d'autres contrées, ne rien faire voyager.Ne déplacer ses récoltes que dans l'orbe des capacités physiques du transporteur, sans recours aux énergies fossiles. Se débrouiller dans la proximité, avec la lenteur et la pesanteur naturelle<br /> <br /> <br /> <br /> Le problème c'est que pour un mec de la ville comme moi "contrée" çà résonne pas du tout dans ma tête, "déplacer ses récoltes que dans l'orbe..." non plus, porter les sacs carrouf avec mes bras musclés tout au plus, "sans recours aux énergies fossiles" , j'ai vendu tous mes véhicules cette année, je n'en veux plus jamais, c'est trop envahissant, je préfère me débrouiller maintenant, " se débrouiller dans la proxi", je suis en ville, je vais checher ma nourriture à biocop ou carrouf, pas le choix encore.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce que je voulais dire à la base, c'est que je m'inpatientais et trouver très long et insoutenable l'attente du bus, et je me suis dit en fait, c'est car je vais trop loin de mon foyer, de mon lit par ex, ( le centre de son univers le lit ? ) et donc ne m'en rendant pas compte je m'énerve sur le bus qui n es pas là, mais en fait comme tu le dis , c'est parceque je vais trop loin de chez moi, çà ne peut pas fonctionner comme systeme, surtout que a carrouf les produits viennent de encore plus loin !<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis Sylvie, je voulais te dire, que la vie que tu vie, me semble t il , à force de lire chaque semaine tes messages, est probablement la même vie que je souhaite vivre, à quelques différences pres biensure, notamment sur le militantisme.<br /> <br /> Seulement j'ai besoin d un autre paysage ou climat que ce que j'ai vu en france, je veux du grand, du puissant, du reculé, de l'envergure , de l'hostilité, un lieu qui m'arrache les tripes tous les jours, là je pense à l'Island, puis l'Alaska, le nord Canadiens ce genre de truc quoi, pas les pyrénnées ...<br /> <br /> <br /> <br /> respects<br /> <br /> <br /> <br /> Sébastien
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C
Tellement fort et juste. Merci Sylvie. Avec toute mon affection et mes pensées fraternelles. Cat
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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