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YURTAO, la voie de la yourte.
12 janvier 2015

Escapade bucolique

 

Pour accompagner mes vœux d'une année paisible et lucide, je vous propose une petite vadrouille buissonnière.

Voici donc un nouvel album de photos regroupées de façon aléatoire,

http://yurtao.canalblog.com/albums/barbesse_land_art_nature/index.html

par lequel j'espère transmettre et partager le bonheur du geste créatif, mouvement parfois à peine ébauché, d'autres fois plus achevé, qui surgit lors de moments de communion avec les éléments naturels les plus anodins.

Je me régale partout où la nature m'accueille, en découvrant couleurs, consistances, formes insoupçonnées, souvent mystérieuses et magiques, et si j'ai appris à ne plus toucher sans respect, si j'ai découvert la dévotion à tant de profusion et de complexité, j'ai osé ajouter, lors d'inspirations hasardeuses, une légère contribution aux matériaux offerts généreusement par la terre.

Il est si difficile à l'humain de ne pas laisser de traces, il est si commun de chercher à surseoir à la conscience de sa finitude, de poser sa marque en espérant qu'elle dure au delà du présent. Mais ici, le geste de récolte et de composition qui me vient à la rencontre d'êtres vivant une autre vie que la mienne, n'a d'autre prétention esthétique que la pure gratuité d'un élan d'adoration envers la beauté de la forêt, de la campagne, de la plage...

Land-art, art environnemental, bio-art, art naturel, art naïf, art fugace, art premier, art brut, architecture ou sculpture sauvage, sont des dénominations imparfaites pour qualifier l'immersion douce et précautionneuse dans le végétal, le minéral, les éléments, favorisée par un habitat perméable aux moindres variations saisonnières et climatiques.

Le fait que la yourte elle-même, par sa structure légère en faisceau, soit déjà une œuvre en nature à mi-chemin entre artisanat domestique et art vernaculaire, non seulement rompt le confinement habituel de l'artiste dans son atelier, mais aussi, grâce à la fluidité générée par la porosité du dehors et du dedans, décloisonne et désectorise la vie quotidienne. Cette harmonisation permet à la pensée de s'absorber dans la continuité d'un présent plus intense.

Une œuvre peut surgir au milieu d'une vaisselle, quand, en train de gratter une casserole avec une botte de fougères, les gouttes et les brindilles qui tombent au sol forment un dessin où soudain se devinent un aigle, un ours ou une étoile. La défragmentation des disciplines que favorise l'holisme de la yourte est un puissant agent de réunification de soi, d'où ce sentiment d'intégrité couronnant une libation accomplie.

Évidement, mes modifications sur le paysage sont minimes et procèdent de la proximité sensuelle avec la nature, elles n'ont rien à voir avec celles de ces artistes mégalos sponsorisés par des actionnaires repus, qui culbutent tout devant eux à coups de bulldozer pour remodeler entièrement un pan de géographie.

La plupart du temps, je récupère des matériaux en abondance ou en décomposition, auxquels j'octroie un sursit de vie en révélant un versant caché, réveillant une texture, une polychromie, une géométrie secrète, par un voisinage complémentaire ou une affinité insolite.

Il m'est arrivé, avant de les éliminer définitivement de mes habitudes, d'ajouter des capsules aux cailloux et du plastique aux branches mortes, expérimentant une forme ludique de recyclage des déchets industriels, tout en prenant conscience de l'impact destructeur des comportements consuméristes les plus banals. Qu'il s'agisse de rejets de manufacture humaine ou de déchets biodégradables, la réflexion sur tout ce qui passe entre les mains et sous les yeux à l'aune de l'empreinte écologique, permet de soupeser les conséquences à long terme de nos prédations et de mieux se situer dans l'écosystème.

L'attention et l'exigence de respect grandissent à mesure que les matériaux les plus ordinaires, souvent méprisés, livrent leurs trésors intimes, s'alliant les uns aux autres en combinaisons simples ou arbitraires, qui agissent comme des balises par lesquelles l'humain dispersé, désorienté, revient aux sources du Vivant.

Les formes délicates de la flore, des racines, des arborescences, révèle une harmonie extraordinaire dans les verticilles végétales, qui résonne profondément avec l'unicité de l'univers, cohésion que l'humain perceptif tente de reproduire en créant des mandalas. Là, gousses, grains et grappes s'ordonnent en une ronde tellurique comme un reflet du miroir des astres.

Aux moments sombres de décadence, de guerre, de souffrance occasionnée par la corrosion d'un système, qu'il soit personnel ou collectif, il est difficile d'envisager le renouveau qui surgira d'une mouture en ébullition. C'est pourquoi, par un phénomène compensatoire contre l'éparpillement individuel ou la menace d'éclatement d'une société, des figures concentriques apparaissent spontanément dans les rêves et dans l'art, comme pour surseoir aux tensions des conflits, au délitement des énergies et au démembrement des valeurs. Dans cette désagrégation nécessaire aux transformations se manifestent des symboles de recentrage qui sont la voix du Soi ou du Sens remontant de l'hiver de l'âme. L'ordre sous-jacent au chaos n'est jamais aboli car, au plus fort de l'obscurité et de la décomposition déjà s'activent des bulles d'atomes pulsant de nouvelles énergies dans l'atmosphère, afin de réorganiser, selon l'alchimie cellulaire, la génération suivante.

C'est pourquoi la simple observation, poétique et non scientifique, des processus vitaux, une contemplation ouverte et disponible, réveille au sein de la psyché des échos de nos origines, de nos liens à l'univers, de nos attaches utérines et fraternelles à toute forme de vie.

Cette immersion permet de développer une complicité, et parfois une synchronicité, avec les mutations perpétuelles qui sont le moteur du Tao.

En ceci, l'artiste en nature se rapproche beaucoup du chaman dont le pouvoir de guérison émane d'une fusion spirituelle avec les esprits de la nature. De même que le méditant œuvre à la paix en cessant d'ajouter au carnage, le poète en nature, foncièrement désintéressé de tout retour marchand, œuvre à un discret équilibre entre sensible et intelligible, entre nature et culture.

Culte léger aux charmes du monde naturel, fiançailles amoureuses de l'artiste, du promeneur et d'une palette en perpétuelle métamorphose, acupuncture poétique sur la peau de notre mère la terre, l'art en nature, quand il ne laisse d'autre trace de lui-même qu'un regain de grâce, ouvre, en accompagnant paradoxalement la vie en train de s'éterniser, un chemin praticable, soutenable, à la création personnelle.

Album land-art nature, photos de Sylvie Barbe.

 

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Commentaires
L
Bonjour Sylvie<br /> <br /> <br /> <br /> Je m'appelle Lison et la lecture de votre espace m'a apporté grand'faim. Et grand soutien à la décision que j'ai prise de ne plus vivre comme une esclave. Mourir comme une esclave serait plus juste d'ailleurs.<br /> <br /> <br /> <br /> La yourte me semble le seul habitat satisfaisant à un petit modèle de femme comme moi, seule, qui ne veut plus entendre parler de travail salarié, juste le chant des oiseaux. Bien sûr, je pressens de passionnantes difficultés. Mais maintenant je sais que c'est possible.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci !<br /> <br /> <br /> <br /> Et merci d'avance pour les couleurs et la poésie à venir.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Lison
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G
Tu aurais méritée de naître indienne Achuar...mais peut-être l'as-tu été dans une vie antérieure !
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C
J'ai déjà beaucoup abusé....mais merci pour ce grand moment de sérénité que tu nous offre.
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C
Sylvie, tu es une belle grande fabuleuse Fée ou sorcière comme tu préfères<br /> <br /> soi "bénie"<br /> <br /> bisou, <3 <3 <3
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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