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YURTAO, la voie de la yourte.
30 avril 2023

Flux et fric

Je suis pas sur Facebook ni sur Instagram ni sur Tiktok, j’ai pas Whatsapp, ni Skipe, ni Snapchat ou je sais pas quoi d’autre qui fait loi dans les foyers, je ponds pas des tweets percutants, des phrases et des images compressées pour résumer ma vie, c’est pas les algorithmes qui décident de ce que je dois penser ou consommer,

puisque j’ai pas de portable, de mobile, de smartphone, d’iphone, de tablette, de montre connectée, ni de capteurs implantés sous ma perruque, j’ai pas d’applications ni de QR code ni de bluetooth, d’ailleurs je sais même pas ce que c’est, mais il semble que c’est à cause de tous ces trucs techno-sociaux que j’ai pas, qui, paraît-il, font du lien entre les gens, que j’existe pas.

Quand je sors de ma yourte, je ne vois plus jamais des gens marcher le nez en l’air, heureux de se promener et de prendre le pouls du monde.

Je vois des robots pressés tirés par un fil invisible comme des marionnettes, plongés dans leur cage numérique à envoyer des vidéos, à tilter dans des jeux aléatoires manipulant à leur insu leur dopamine pour plomber toute velléité de décrochage.

On dirait des automates qui avancent sur le macadam incapables de sonder l’abîme en dedans d’eux et encore moins celui les autres où palpiterait ce qu’antan on nommait l’âme, on dirait des sortes des mânes dépersonnalisées s’agitant sur des circuits fermés, plombés. Inhabités d’eux-mêmes, ils acceptent sans sourciller la surveillance de masse qui les réduit à des données à exploiter, parce qu’ils n’ont rien à cacher, ne s’appartenant déjà plus.

Ils croient qu’en multipliant leurs identités et leurs logiciels, ils gagnent en liberté, peuvent franchir toutes les limites, mais plus ils se dédoublent, se divisent en morceaux, plus ils ressemblent à des cellules malignes, alors je leur donne pas long feu pour planter.

Le fonctionnement du Vivant complètement scanné, c’est très bien, mais quand on charcute une souris, un singe ou un insecte pour voir comment il marche, à la fin, le cobaye est mort. Et les cobayes, là, c’est nous. Pas grave, le mode d’emploi archivé à la place du cœur justifie qu’on a plus besoin de sauver la planète puisque nos scientifiques vont en fabriquer une autre.

J’ai même vu des mamans ne jamais regarder leurs petits.

C’est terrifiant ce qu’ils font à leurs enfants, à les abandonner aux machines, aux spécialistes du démembrement, aux martellements incessants d’ondes toxiques, à des images saturées, non fondées sur le réel, et au rétrécissement du langage. Ceux qui ont réussi à promouvoir la maltraitance généralisée décrètent pourtant que je suis attardée archaïque dépassée réactionnaire et, s’il me vient la nécessité de défendre le vivant, et ça me vient tout le temps, écoterroriste.

Les derniers qui vont en forêt, au lieu de contempler, de découvrir, ils crient dans leurs téléphones, on les entend jusqu’à l’autre bout de la vallée avancer hors sol tractés par leurs chiens, mais ils ne sont jamais là où sont leurs pieds, encore moins dans leur tête colonisée par les algorithmes où crament à petit feu leurs neurones irradiés.

Ils sont tout le temps ailleurs, leur cervelle à force de bouillir s’évapore en fumée pendant que leur viscères molles surchauffées fomentent leurs cancers. Ils ne font attention à rien, obnubilés par leurs écrans, sans se rendre compte que la vie leur file entre les doigts, complètement siphonnée.

Alors les arbres, évidement, et tous les êtres des bois, ils s’en foutent,

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parce que quand on ne prend plus soin de soi, qu’on a plus de vie intérieure, d’intimité, que sa singularité est broyée dans le flux et le fric, alors rencontrer l’altérité et respecter, s’émerveiller des différences devient tout simplement impossible.

Personne me téléphone pour briser ma méditation, et bien que le silence soit interdit, j’aime la profondeur d’être connectée à ce qui reste de nature sans être interrompue, j’aime plonger au fond des choses où personne peut m’accompagner, car prendre des risques existentiels, construire son propre savoir et protéger son intégrité rendent substantiel.le, en symbiose avec la terre maternelle, et c’est là que je puise l’essence du Tao.

Les endroits où je suis sont des lieux un peu secrets, enfoncés, pas trop répertoriés ou pas encore, du moins tant qu’ils n’ont pas planqué de caméras dans les futaies ni dans mon ADN, ce qui ne sauraient tarder pour cause de sécurité et de rentabilité, comme d’hab. Des fonds de vallées, des impasses, des gourds, des boyaux effondrés et des grottes délaissées, où leurs drones me voient pas enfin j’espère, où ça passe pas, où ça sort des radars, ce qui devient de plus plus rare.

Même si c’est de plus en plus difficile de pas être trouvée, de pas être pistée, traquée, je privatise ma vie, mon cœur, mon corps, mes pensées, mes émotions, je veux pas qu’on me les confisque pour en faire du flux et du fric, je me laisse pas muter en processus, en OGM, en statistiques (j’ai pas été recensée parce que j’ai pas de portable) par les faschos-technos-scientos-schizos-génocidaires, je veux pas devenir une machine qu’on décarcasse en pièces détachées à jeter à la poubelle et finir en Bitcoin.

C’est bizarre cette petite prothèse qui paralyse tout le monde, qui me fait si mal à la tête et perdre la parole, étrange et effrayant ce petit rectangle où ils externalisent intelligence, mémoire et bon sens, s’affiliant consentants aux fanatiques du rapt de l’esprit,

c’est bizarre et terrifiant comme ça happe presque tous ceux que je connais, car quand j’arrive à choper quelqu’un dans les yeux, entre stages et spectacles urgents, je vois bien qu’il ou elle est pas là mais dans ses applications, ses alarmes, ses notifications et ses alertes, ses yeux sont vides, néant,

c’est comme un fantôme, quelqu’un de déjà mort qui le sait pas encore.

Alors je me demande dans quelle fosse commune les revenants errants dans le cimetière des cervelles vont-ils finir par entraîner les derniers Vivants ?

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« la NSA (services secrets USA) maintenait que dans la mesure où vous aviez déjà « partagé » les données contenues dans votre téléphone avec un « tiers » (votre opérateur téléphonique) vous aviez renoncé à tout droit constitutionnel à la vie privée... » Edward Snowden. « Mémoires vives. »

 

 

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Commentaires
M
Voilà, mis en mots, nos profonds ressentis. Merci pour ce texte criant de vérité, pour trop peu de monde en vérité. Vive les bois, le silence, l'intériorité l'être et la fuite de cette société, vive les THOREAU, EMERSON, RABHI et consors et vive les résistants.
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N
Malheureusement c'est tellement vrai tout ça...<br /> <br /> Merci de nous le rappeler Sylvie.<br /> <br /> Bises fraternelles
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F
Je vibre sur ce texte, tellement il me parle. La nature, le silence, être au lieu d'avoir...Merci
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N
Tellement vrai, Sylvie ! Quel pauvre monde ! <br /> <br /> Vive la Nature et ses beautés, son silence, sa sagesse et son réconfort. Les bois sont ma cathédrale, le vent dans les branches, c'est mon opéra et l'écoute et le calme qu'ils procurent ma religion ! Porte-toi bien, chère Sage inconnue !
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G
C'est vrai, on est devenus accros aux écrans et c'est encore plus grave quand ça touche de jeunes enfants, des études très sérieuses l'ont montré. Le hic c'est qu'il s'agit d'un énorme business et il a les moyens de faire sa pub. <br /> <br /> Mais il y a aussi des gens qui, comme vous, prennent conscience du problème et sonnent le tocsin, bravo !
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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