le navet rouge

Tout le monde veut le navet rouge que personne ne peut s’accaparer.

Ce n’est pas une pierre précieuse, un champignon rare, une plante psychédélique ou un médicament révolutionnaire, quoique sa fonction métaphorique y ressemble.

C’est un simple légume, une racine qui a enflé de suc et de sève dans un humus fécond, un navet commun à part sa couleur extraordinaire qui évoque le sang et le feu mêlés.

Un navet biologique pas maltraité.

Tel que je l’ai déniché, ce primeur pas périssable est un trésor qu’on a tous besoin, aussi indispensable et rond que nos cellules. Mais, bien qu’il voisine avec les lombrics, ces vers qui font respirer la terre, il ne se mange pas avec les dents, vu qu’il est un symbole.

Il surgit dans les ténèbres psychiques où il nourrit la vie intérieure.

Le navet rouge pousse dans la terre du fond de l’âme, de là où s’élance la vitalité.

C’est une sorte de navet alchimique, une radicelle archétypique. Qui a des pouvoirs secrets. C’est pourquoi tout le monde en veut sans savoir ni sa forme, ni son goût ni son apparence, juste qu’il est comme un sein nourricier intarissable, qui transforme le quotidien en ferveur. On ne le récolte pas, il est incandescent, insaisissable.

Il arrive que ma main jette des traits vivaces sur le papier, ce qui parfois révèle des trucs enfouis. Après j’y accroche des êtres avec mes crayons de couleurs et mon encre, le plus souvent des vivants au soma pas très déterminé, des êtres imaginaires qui surgissent sous ma plume quand je n’ai plus de mots. Je ne sais pas dessiner mais il y a toujours quelque chose qui veut sortir et qui finit par s’épancher. Cette fois, sans que je creuse ni ne déterre, c’est le navet rouge qui est apparu, manifestant une vie souterraine qui le plus souvent nous échappe. Une vie essentielle mais cachée.

Alors j’ai su qu’il me restait assez de force pour continuer.