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YURTAO, la voie de la yourte.
10 août 2021

Des sorcières braillardes tordent le cou au Miaou

Critique du colonialisme urbain sur notre ruralité Bessegeoise.

Parfois un touriste profère un OH ! ou un AH ! devant les murs de notre village depuis trois ans pris d’assaut par de gigantesques peintures, on croirait que tout le monde trouve ça beau, que tout le monde est content.

Mais en tendant l’oreille, on entend suinter les « Berk » de ceux qui chuchotent que ça suffit, et ça va gonfler parce qu’il y en a de plus en plus.

Parce que, un peu ça va, beaucoup, ça suffit, et trop, c’est trop.

De plus en plus de nos murs pris en otage, de plus en plus de « Berk », de plus en plus de grognements, qui hésitent entre rejet massif et critique gentillette. Parce que c’est une invasion. Et qu’au bout d’un moment, quand on vous impose quelque chose de gros auquel on ne peut échapper, le « Berk » augmente jusqu’à ce qu’une rébellion s’affirme.

A Besseges, on a des artistes.

A Besseges, on a des murs. Vieux c’est vrai, mais les vieux murs, ça peut avoir du charme et ça raconte toujours des histoires.

A Besseges, on a des gens qui ont besoin de liens humains et de faire des choses sympas ensemble.

Au lieu d’introniser un gang publicitaire de peintres urbains étalant miasmes et macérations directement importés de la ville pour renflouer la vitrine commerciale de la mairie, on aurait pu offrir quelques murs à nos artistes locaux, et aussi au peuple, tout simplement.

A cette demande, refus catégorique. Ils nous prennent pour des ignares abrutis à qui il faut apprendre ce qu’est le vrai art des vrais artistes, des bourrins balourds à qui il faut plaquer de force la démonstration de la supériorité atavique de la ville sur la campagne.

Donc, à Besseges, au lieu de laisser les habitants improviser ensemble des fresques sur nos murs, de permettre l’expression des braves gens, on fait venir des barbouilleurs externes issus d’une culture urbaine de bruit, de vitesse et de fric à cent lieues de notre bourg heureusement abandonné où coule une rivière entre collines et forêts.

Tous des mecs. Sauf une femme. Qui, pour se faire accepter dans ce milieu viril et macho, se trimballe en permanence avec une fausse moustache sur la lèvre supérieure.

Personne n’a demandé l’avis, et encore moins la contribution, de la population de Besseges.

Le seul endroit où des femmes ont pu s’exprimer sur des murs, c’est au centre social, grâce à une douce fée humble et douée, et là franchement, c’est nettement plus joli et assorti à notre univers.

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A Besseges, les artistes locaux n’ont pas accès à leurs propres murs. La mairie a préféré privilégier les jeunes mâles qui ont déjà saturé les murs des grandes villes et des banlieues, des types qui ont besoin d’exister en nous en foutant plein la vue.

Ici on est des bouseux, pas des artistes et on a pas besoin d’exister.

A la grande ville, ils savent peindre leurs tourments et leurs délires citadins en dégueulant en couleurs tonitruantes sur les murs, et nous, nos tourments et nos délires ruraux, on a qu’à se les macérer profond et se faire matraquer de dédains excluants si on proteste.

Car ce sont bien les mâles qui dominent agressivement l’espace public, nous écrasant d' horreurs pétardes totalement conditionnées par le vomi télévisuel,

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les males qui s’approprient l'espace public par le harcèlement de rue, au point qu’en ville les femmes n’osent pas sortir seules sous peine d’emmerdements en cascade. Les architectes étant surtout des hommes, rien n’est prévu dans l’agencement des villes pour les femmes. Idem pour le street-art: encore de la domination masculine patriarcale se vautrant partout avec, désormais, la bénédiction servile de quelques élus ruraux aux ordres des nouveaux venus qui veulent qu'à la campagne, où ils viennent en masse se déconfiner, tout soit comme en ville, avec une antenne 5G à coté de leur mas, alors que nous on en veut pas.

On doit subir un colonialisme arrogant déployé en technicolor dans toutes nos rues. Énormes images dénuées de sens, plaquées sous nos yeux, nous infligeant l’esthétique cubique du fonctionnalisme de la métropole contemporaine.

Ça n’a plus rien d’une critique sociale par une prise d’expression spontanée,

c’est un marteau de modélisation asséné sans discussion.

Comme tout art récupéré par le système.

Au centre social, on devait peindre une fresque populaire avec les braves du coin, mais dans la cour, à l’intérieur, pour pas que ça se voit, parce que cachez moi ces gueux plus que nuls.

C’est vrai qu’on aurait dessiné des fleurs, des nuages, des papillons ae98b85ebf050a029adbd7ca519f8006

et des salamandres,

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qu’on se serait lâché dans les volutes et les arabesques, alors que la mode des vrais artistes, les vrais de vrais des villes, c’est le tout mécanique qui prévaut, avec des lignes bien phalliques partout, des couleurs pétardes ignorant la nuance, émanations des carcans techno-capitalistes bien citadins.

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( ici un visage de femme décapité dans un fouillis schizophrénique...)

Les vrais artistes, c’est forcement en ville qu’on va les chercher, et depuis qu’ils ont trouvé le bourg de Besseges et ses murs qui ont bon dos, c’est un déferlement. Aucun n’avait entendu parler de notre village avant, maintenant ils y courent comme une poule au râtelier, sauf qu’ils nous laissent pas d’œufs, juste des épines géantes et des amas de bizarreries cassées. Une baleine mécanique, ou comment se servir d’un animal en danger de mort pour annihiler tout message politique intrinsèque. Pauvre baleine, tellement bourrée de déchets de nos engins déglingués qu’elle ne peut plus servir qu’à décorer un mur….. Et le mec d'ajouter en bas de sa fresque:

DSCN6154 Pour mater cyniquement les dernières baleines échouées pleines de nos détritus en plastique ?

On assiste à Besseges à une caricature typique de la récupération capitaliste et mercantiliste de tout mouvement populaire spontané : le street-art était autrefois une pratique déviante, insurrectionnelle, contre publicitaire, une affirmation de la liberté personnelle contre le quadrillage contraint de la ville. Mais ici, avec ces peintures bien préparées à l’avance, bien encadrées, certaines directement issues de mangas hostiles d’ados scotchés aux écrans, placées assez haut pour être hors d’atteinte des vrais graffeurs ou de tout sabotage ( merci le monte-charge de la mairie), signées systématiquement et grossièrement par ses commanditaires, on est aux antipodes du mouvement clandestin et rebelle de l’art urbain dissident des origines.

pied de nez

A Besseges, il y a quelques années, on voyait encore, au détour d'une décharge ou cachées dans les friches industrielles, ce genre de peintures spontanées et illégales.

tournesol à la décharge

Maintnenant, il ne s’agit plus à Besseges de l’art de la rue, gratuit, accessible au peuple, un art fragile et éphémère qui s’invite dans la danse du temps en questionnant nos espaces publics et privés, mais d’un art élitiste, imposé, institutionnalisé, hégémonique, qui nie tout dialogue social, toute interaction avec les habitants. Symbole de la gentrification des villes, c’est ici un art colonialiste, impérialiste, qui nous écrase de sa massivité, un art affligeant qui n’invente plus rien, tournant à vide dans les hauteurs inaccessibles au peuple.

Un art dont le but est clairement défini, accroître l’attractivité économique de la ville, avec des visites et des circuits guidés pour attirer la chaland, est-ce encore un art ?

Non, c’est un outil de propagande commerciale, point barre.

Cette « galerie à ciel ouvert » défend tout bonnement l’idéologie consumériste et productiviste du pouvoir néolibéral qui a saccagé la planète, plus rien d’autre. Et toutes ces lignes brisées, ces cassures tranchantes, nous rapellent combien cette modernité finit par tout émietter. Les « artistes » qui y participent, poussés par un désir de reconnaissance, ne sont plus que complaisance et compromission envers le système de domination capitaliste et patriarcal, vecteurs d’une politique hautaine de dédain légalisé contre la population réduite au silence.

Adopté sans concertation démocratique par le management culturel communal, cet art prescrit où la subvention a remplacé la subversion agit comme une gifle pour les habitants qui se plaignent qu’à Besseges, il n’y a rien à faire. Si, il y a à faire, mais ce n’est toujours pas pour eux, pas pour nous, les oubliés, les méprisés, c’est toujours pour les mêmes, les inclus, les dominants, les affidés du consumérisme culturel, qui se nourrit même de la critique qui lui est portée.

Toi, demain, si tu dessines spontanément un graffitis sur le mur des chiots publics, tu te prends une amende.

Eux, aujourd’hui, quand ils défèquent leurs pots de peinture en haut de nos immeubles, on les encense.

Mais le plus révoltant, c’est quand le nouveau bailleur social des HLM de Besseges, la société Un Toit Pour Tous, s’arroge le droit d’attribuer à l’association Miaou, responsable de la confiscation des murs de notre ville, de peinturlurer nos bâtiments ( une mine de façades à saccager) sans demander du tout l’avis des habitants.

Je rappelle quand même qu’un collectif de locataires HLM de Besseges a du intenter un procès contre ce bailleur-voyou qui ose faire vivre les gens dans des appartements gravement insalubres, les rackettant sur des charges augmentant de trente pour cent en un an sans aucun service supplémentaire, et en exposant systématiquement leurs vies en n’intervenant sur aucune réparation urgente, style les balcons qui s’écroulent. Le procès, reporté quatre fois, aura lieu le 13 Septembre au tribunal d’Alès. Si du moins on peut rentrer dans le palais de justice pour défendre notre cause, car une partie de ces locataires courageux et persévérants n'a d' avocat, ni de pass sanitaire....

Or voici ce qu’ose déclarer sur Midi Libre Guillaume Tardieu, directeur de la communication d’Un toit pour tous : "L’art s’avère être un levier de partage, de cohésion, d’échange entre les locataires » !!! alors que personne n’a été consulté et que les locataires n’ont même pas le droit d’afficher un simple A4 pour commmuniquer entre eux dans leur propre couloir, leur hall d’entrée, leurs portes et leurs caves ! Suite à un fichier affiché dans notre couloir, nous avons reçu des menaces du bailleur puis une plainte pour dégradation!

Cette société UTPT s’est enfermée dans un bâtiment neuf fermé électroniquement sur la Rocade d’Alès, un siège social inatteignable en car, en bus ou à pied, ne répond jamais aux coups de téléphone exaspérés des locataires floués par des comptabilités sibyllines proches de l’escroquerie, mais envoie systématiquement les huissiers à tous ceux qui osent formuler une réclamation ! Oser affirmer que les fresques de peintres qu'on ne verra jamais plus, qui n'ont strictement aucune idée de ce qui se vit dans les murs, créeent du lien social, c'est se foutre de nous.

Le barbouilleur ABNS quand à lui, se targue de « faire revenir de la nature dans un environnement qui l’a fait disparaître et de compenser cette insuffisance." Quelle arrogance qu’un mec de la ville vienne nous apprendre ce qu’est la nature alors que nos immeubles sont adossés à la forêt et que, cerise sur le gâteau, alors que les locataires payent une fortune pour le nettoyage de leurs abords jamais faits, des arbres, des ronces, toutes sortes d’arbustes insolents et de mauvaises herbes trés vivaces poussent directement dans les murs extérieurs des bâtiments ! De la nature, il y en a partout ici, on a pas de leçon à recevoir des urbains sur quoi faire de notre environnement.

J’espère qu’aucun type ne va débarquer à la Cantonade avec ses pots de peinture pour nous expliquer, en géant sur nos façades, comment vivre, alors que nos halls et nos couloirs n’ont pas été repeints depuis fes lustres, et que la plupart des appartements croulent sous la moisissure. Si ça arrive, ça risque d’être chaud, on laissera pas faire, à bon entendeur, salut !

Un clan de mégères/sorcières échevelées et rugissantes a déjà viré le préposé venu s’attaquer à nos compteurs pour les remplacer par des Linky espions, alors on est préparées et on a l’œil.

sorcières assez méchantes quand on les embète

On ne cache pas la misère avec des beaux discours et des dégueulis cubistes  zébrés, on commence par s’intéresser aux gens qui vivent là depuis longtemps et on discute sur place avec eux si on veut se faire accepter.

On élabore des projets AVEC EUX, pas CONTRE EUX !

Or là, avec la mairie, dont le maire actuel a été président du Conseil d’Administration des HLM jusqu’en 2020, qui n’a jamais rien fait pour améliorer le patrimoine très dégradé des 350 logements sociaux, (ce qui représente plus du tiers de la population) au vu de flagrants conflits d’intérêts, et le nouveau bailleur, largement subventionné par l’État, acculé par la révélation de graves manquements, tout est fait pour planquer sous le tapis, en l’occurrence nos façades, avec l’aide d’ados attardés mal léchés ravis de l’aubaine, le scandale de locataires croupissant dans des murs sordides infestés de pourriture.

Pauvreté abusée encore et encore, prétexte démagogique et phallocratique pour justifier le mépris des ménagères et leur enfermement dans des ghettos.

Venez voir nos singes dans le zoo à ciel ouvert de Besseges ! On leur a repeint leur cage et en plus ils sont pas contents!

J’invite donc la population à revenir aux origines insurrectionnelles du street-art en inscrivant nous-mêmes sur nos façades nos propres rêves et nos propres signes.

 

 

 

 

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Commentaires
C
Toujours la bonne "vision" des choses Sylvie !!!<br /> <br /> Toujours la force juste des mots !<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> Bises fraternelles.<br /> <br /> Mumu
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K
Bonjour à vous, je viens de temps en temps sur votre blog "vérifier" que vous allez bien; là vous êtes en excellente forme quelle belle écriture! quelle justesse dans le choix des mots! votre texte, tout comme votre livre il y a quelques années, me fait un bien fou. Un grand merci à vous, vous êtes une artiste au grand cœur.
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M
MERCI, j'ai eu bon nez de m'inscrire à votre blog. C'est tellement juste votre regard, votre ressenti...J'aime et cela me fait du bien. <br /> <br /> Doris
Répondre
C
Waou ! Bien envoyé !<br /> <br /> Bravo, bravissimo, Sylvie !<br /> <br /> Christine
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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