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YURTAO, la voie de la yourte.
2 avril 2022

L'amazone verte

 

Ma critique du livre «  L’Amazone verte » d’Elise Thiebaut,

publié en 2021 aux Indomptées.

 

Voici une histoire bibliographique sur Francoise d’Eaubonne, créatrice du terme et du concept « écoféminisme », et aussi du terme « phallocrate », décédée en 2005, auteure prolifique de plus de cinquante livres, romans, essais, pamphlets, et pas moins de treize biographies.

La journaliste Elise Thiebaud s’est emparée de la mode en pleine émergence de l’écoféminisme pour rédiger une biographie fort décevante, au verbe inadéquatement relevé, souvent déplacé, à la limite du vulgaire. On dirait que l’auteur fait tout pour rendre son sujet antipathique. J’ai au moins compris une chose à la lecture de ce livre désolant: cette journaliste n’aurait jamais du écrire une biographie car elle semble incapable d’empathie, incapable d’un minimum de compréhension intime de son sujet qu’elle nous montre comme un objet de foire farfelu. Impasse totale sur l’immense travail de cette écrivaine née.

He oui, difficile, et là en l’occurrence, impossible d’égaler le talent de Francoise d’Eaubonne, qui elle était une biographe extrêmement cultivée au travail approfondi et ne se serait sans doute probablement pas permis de saborder ainsi un personnage féminin.

Une vraie déception, presque de la colère.

Je n’aimerais pas du tout que cette Élise m’utilise et me bâcle comme elle s’est emparée de la vie de Françoise d’’Eaubonne.

Son sujet est sa proie, qu’elle dépèce avec la jubilation et la précipitation du vautour arrivé en premier sur la plate-forme de déchiquetage. Un livre écrit en six mois de confinement, qui se braque sur les cotés les moins reluisants de Françoise, dont sa vie sentimentale avec ses échecs relationnels : page 113

«  son cœur est parsemé de trous creusés par ses chagrins d’amour, elle devrait s’en servir pour égoutter les spaghettis plutôt que pour envoyer le sang irriguer son cerveau ... »!!!

Voilà, tout est dit !

Ainsi est passé quasiment à l’as (à part juste le dernier chapitre) l’immense travail littéraire de toute une vie, une réflexion politique et globale plutôt géniale sur la société, qui aurait mérité analyse et devellopement.

Pour cette journaliste, qui s’emploie à disqualifier fourbement passages à vide, retraits stratégiques, remises en question et vie personnelle, Françoise n’existe et ne surnage qu’à l’échelle de son succès.

Alors que l’écoféminisme, qu’elle a fondé, s’emploie à revaloriser la vie privée, le quotidien, la vulnérabilité, sans désavouer frustrations et violences domestiques, pour cette auteure, il faut, comme dans la société de compétitivité et de profit, être toujours au top des regards, des appréciations et des jugements pour justifier d’une notoriété. C’est du journalisme très cavalier d’une féministe pas éco que je soupçonne de jalousie, qui en rajoute sur le spectaculaire pour faire vendre, c’est assez abject, j’ai failli jeter le livre plus d’une fois et j’ai soupiré trop souvent.

Par contre, la contextualité, avec le retour sur les frasques soixante-huitarde et post, est largement évoquée, avec la gourmandise contrariée de celle qui a manqué de peu cette époque mythique, et s’en venge par un ton grinçant et des divagations oiseuses.

Cette attitude pire que désinvolte envers son sujet qu’elle assure cependant avoir épuisé, grâce en particulier à ses dialogues numériques avec le fils,(ce qui n’est jamais une bonne façon de saisir la vraie personnalité d’une femme), me convainc qu’une bonne dose d’envie mal dissimulée chez cette journaliste en mal de reconnaissance signe son dépit de ne jamais pouvoir prétendre à égaler l’écrivaine fertile qu’elle instrumentalise et détériore dans son livre. Par contre, comme tout bon opportuniste, elle a su saisir au bond la balle de la mode de l’écoféminisme actuellement en vogue.

La seule chose un peu profonde que j’ai pu extraire de cette prose délurée, comme on retire une épine du pied, ( après avoir lu il y a quelques années plusieurs centaines de pages des mémoires de Françoise) c’est la douleur de la mère qui a du laisser élever ses enfants par d’autres pour arriver à vivre de sa plume et faire exister son don précoce, son talent. La journaliste aurait pu là rendre justice à Françoise d’Eaubonne, et au difficile challenge des femmes entre maternité, travail, vocation et engagement, en particulier à l’époque d’après-guerre, dont cette révolte fondamentale de Françoise :

« refus de la guerre, refus des conditions où un type peut devenir obligatoirement, dans les vingt quatre heures, un bourreau et un assassin, refus du conditionnement au fascisme, le voilà le point crucial, et qui, qui en a parlé ? »

Mais sa « biographe ? » se garde bien de s’étendre sur cette radicalité farouche. Elle reste tout du long dans son style dérisoire qui se veut humoristique, projetant sa propre superficialité et sa propre vacuité en qualifiant le style de Françoise de « prose légère comme une baraque à frites », nous affligeant d’une narration débridée à la limite du mépris, qui ne fait que révéler une empathie plus qu’ambiguë envers son sujet. Franchement, Françoise ne méritait pas ça, j’ai honte pour sa mémoire, salie publiquement ici.

Tout ceci me laisse l’amer sentiment que cette façon de s’emparer avec tant de frivolité de la mémoire d’une pionnière aussi courageuse que Françoise d’Eaubonne frise l’insulte.

Qu’elle a d’ailleurs fort leste pour, page 220, « le pape qui porte sur ses épaules les péchés du passé, à l’évidence mal en point, puisqu’il est déplacé, comme un jouet d’enfant, sur une espèce de promontoire à roulettes jusqu’à l’effigie du Christ dont il léchouille le pied en tremblant » (on se demande ce que ces considérations personnelles font au milieu d’une biographie…) Puis elle continue dans la même veine en s’arrogeant le droit de nous faire croire que Françoise y aurait descellé quelque chose de « comique, elle aurait sûrement préféré que Popaul 2 se déshabille place Saint-Pierre et s’autoflagelle en slip panthère »...

He oui, voilà l’acabit de ce livre à jeter rapidos aux orties, accablant, navrant.

De quoi ravir les machos et les féministes d’opérette.

 https://www.babelio.com/livres/Thiebaut-Lamazone-verte/1285187#critiques

 

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Commentaires
P
Voilà plus d'un an que je suis tombé parterre et pas de la faute à Voltaire. Mon ordinateur a connu aussi le trou noir de l'arrêt cardiaque. Je viens de le réveiller et j'en profite pour dire bonjour à Sylvie.
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S
Les orties ma foi ont l'air trop précieux pour y jeter ce torchon, le feu en ferait meilleur usage, ou le retourner à l'éditeur avec une petite lettre.
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S
Merci Sylvie de nous non-conseiller ce qui apparaît comme en-dessous d'un torchon, lui au moins méritant tout notre respect, pour son utilité connue et reconnue.<br /> <br /> Par contre, si tu pouvais nous dire par lesquels de ses livres nous pourrions aborder la lecture de not' Françoise, ce serait chouette chouette !<br /> <br /> Bien des saluts Stéphane
Répondre
YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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