Yourtes mongoles et catastrophe écologique
A l'autre bout du monde, en Mongolie, berceau de la yourte,
les petites tentes rondes ne sont pas menacées par des lois sécuritaires. Elles s'éteignent comme des lumignons privés d'oxygène sur une steppe moribonde.
La Mongolie, un des pays les plus pauvres de la planète, agonise sous le coup d'une des plus terribles catastrophes écologiques de la planète, provoquée par les pays riches.
Ce peuple candide, filouté depuis des siècles par les Chinois et récemment par les impérialistes de tous bords, n'est pas responsable de l'effondrement de son économie de subsistance. La sédentarisation par le régime soviétique et l'exploitation par le capitalisme ravagent la culture des habitants des yourtes et les bases nourricières des derniers pasteurs.
Lors de la décollectivisation des années 1990, la terre a été divisée en bandes et confiée aux familles qui l’exploitaient. La répartition des pâturages a cloué les éleveurs à leur terre. Le transport de la yourte n’étant plus un avantage, ils se sont rabattus sur des maisons en dur. Le piétinement constant des moutons et du bétail, sédentarisés dans des granges, érode les sols sur plusieurs kilomètres carrés autour des maisons. Quant aux pâturages, ils ne sont plus protégés : les tempêtes de sable du printemps, venues de l’extrême nord emportent la terre et le fumier, dénudent les racines de l’herbe et font avancer le désert.
Selon les statistiques officielles, un million sept cent mille hectares de forêts de Mongolie ont été anéantis, dans un pays où la ressource forestière est rare (8,6% de l'ensemble du territoire). Les coupes et exportations clandestines, les incendies de forêts, les mines à ciel ouvert et le marché des yourtes pour le tourisme étranger, exacerbent le réchauffement climatique.
Les ressources en eau s'épuisent, le lit des rivières et des lacs s’assèche, le chardon de Russie, une herbacée invasive supplantant les plantes pérennes, qui n’est bonne que pour les cochons, prolifère, les tempêtes de sable se multiplient. Quand l’herbe manque, les veaux et les agneaux meurent. La dégradation des terres de pâturage force donc les bergers à l'exil écologique, augmentant la population des réfugiés climatiques.
Dans ce contexte, tout arbre abattu en Mongolie, toute yourte produite pour l'exportation à partir de ces arbres, associé au massacre des antilopes saïga pour fournir des ingrédients de remèdes chinois, toute yourte mongole achetée en Occident est un crime contre l'humanité.
C'est pourquoi, habitante en yourte, porte-parole d'une association de défense de cet art de vivre respectueux de la nature, j'appelle tous les porteurs de projets d'habitat en yourte, tous les vacanciers responsables, à s'opposer concrètement par leurs actes à toute exploitation des cultures indigènes à des fins marchandes.
Dans ce sens, nous apportons notre plus large engagement aux « Accords des peuples », signés en avril 2010 à Cochabamba en Bolivie :
Extraits :
« La déclaration de l'ONU sur « les droits des peuples autochtones » doit être pleinement reconnue, appliquée et intégrée dans les négociations sur le changement climatique.
Nous sommes confrontés à la crise ultime du modèle de civilisation patriarcal fondé sur la soumission et la destruction des êtres humains et de la nature, qui s’est accéléré avec la révolution industrielle.
En régime capitaliste, la Terre-Mère est simplement la source des matières premières.
Les êtres humains ne sont que des moyens de production et de consommation, et n'ont de la valeur qu'en fonction de ce qu’ils possèdent et non pour ce qu’ils sont.
L’humanité est aujourd’hui à la croisée des chemins : poursuivre sur la voie du capitalisme, de la mise à sac et de la mort, ou emprunter le chemin de l’harmonie avec la nature et du respect de la vie.
Nous proposons aux peuples du monde de récupérer, de revaloriser et de renforcer les
connaissances, les savoirs et les pratiques ancestrales des Peuples indigènes, affirmés dans l’expérience et la proposition du « Vivre bien », en reconnaissant la Terre-Mère comme un être vivant, avec lequel nous avons une relation indivisible, interdépendante, complémentaire et spirituelle.
Nous exigeons que les pays cessent dans les forêts et les bois toute action locale basée sur des mécanismes de marché !
Nous appelons les gouvernements à créer un programme mondial de restauration des forêts vierges et des jungles, géré et administré par les peuples faisant usage des semences de la forêt, des arbres fruitiers et de la flore autochtone.
Le monde doit redécouvrir et réapprendre les principes ancestraux et les approches des peuples indigènes pour arrêter la destruction de la planète ; il doit également promouvoir les pratiques, les connaissances et la spiritualité ancestrales afin de retrouver la capacité de « bien vivre » en harmonie avec la Terre-Mère. »
Voir l'article "Acheter une yourte mongole" et "Leçon de sale capitalisme"