Rêve de lumière
J'ai toujours rêvé de ces jours lumineux
où viendraient dans ma tente
le ciel et les étoiles,
le soleil et la lune,
jours sans démons lavés de toute inquiétude,
frémissants de vivacité entre les toiles chamarrées,
les bannières livrées au souffle des brises,
et les roses ourlant leurs pétales veloutés
autour de mon tapis de silence.
J'ai longtemps rêvé de ces jours transparents
croulant sous les grappes parfumées,
de ce sucre suave mélangé intimement
aux fragrances délicates à l'intérieur des corolles,
de cette blancheur des sentiers enneigés de fleurs
lachées des acacias,
de ces senteurs ensorceleuses du seringa frôlant mon visage,
opalescences transpercantes emportant la raison
dans un bain de sensualité.
J'ai tant désiré ces balades embaumées
où marcher n'est plus qu'une longue caresse,
entre fougères et cystes
et tout à coup, au pied d'une bute rocheuse,
la rencontre avec une orchidée sauvage,
hiératique et solitaire,
ces refuges de falaise et ces pitons schisteux
où contempler vallons violets et crêtes ciselées onduler jusqu'à l'horizon,
mais comment imaginer le chant des oiseaux au printemps
et les vrilles nocturnes du rossignol tant que je n'y étais pas ?
Et le petit écureuil insouciant ouvrant sa noisette,
dont j'aperçois, juchée sur un dolmen couché en surplomb de forêt,
le panache adoré tranquillement dressé sur une branche
au sommet d'un grand pin ?
Comment imaginer qu'un jour je n'aurais pas de mots assez grands
pour la joie et l'amour qui me submergent ?
J'ai rêvé et reçu des jours féériques sans savoir à qui les devoir,
des jours chargés de cadeaux impromptus et impalpables
qui arrivent sans facture et sans facteur,
que personne ne peut accaparer parce que leur matière
est plus proche de l'oxygène qu'on respire que de n'importe quel solide,
comme ce bijou aux mille facettes
brillant de toutes les couleurs de l'arc en ciel
qu'on accroche au dedans du cœur.
Cette pierre de diamant, logée au centre de soi
comme le feu au milieu du tipi,
possède le pouvoir magique, par la force de l'attention,
d'enchanter la vie en transformant le plomb en or.
Ces jours sont là, immenses et fulgurants,
je ne sais pas comment les contenir
tant ils sont vastes et insaisissables,
je sais seulement,
quand tout est si ouvert qu'il ne reste que la nudité de l'âme,
que ces étincelles brasillant partout qui nourrissent la torche de ma vie
sont les prémisses radieuses
de la grande lumière qui vient après.
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