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YURTAO, la voie de la yourte.
1 avril 2015

Comment Besseges investit dans le septième continent

racines dénudées

Après les dégâts des tempêtes de l'automne,

arbre plié au milieu de la rivière

se promener le long des berges ravagées de la rivière réserve bien des surprises :

partout des amas de bois flottés aux formes fantastiques

racines arrachées

stationnent en équilibre précaire sur d'improbables suspensions.

amas racinaire

La Cèze est montée très haut, charriant et déracinant des monstres

échouage

apparemment ancrés solidement depuis des décennies,

souche arrachée 1

arrachant des montagnes de plantes et d'arbustes

enchevetrement racines

et les culbutant au gré du courant dans les près et jardins alentours.

Échafaudages insolites accrochés dans les cimes d'arbres penchés,

nids fortuits yurtao

nids d'aigles géants coincés dans les enchevêtrements aériens de bois flottés,

nid d'aigle

boules végétales accrochées aux branches délavées,

suspension d'amas végétaux

essaims d'ovnis en gestation,

amas de végétaux en l'air

guirlandes de racines,

racines sur le bord de la rivière

colliers de tiges éclatées,

land art yurtao sur la plage dévastée

statuaires de souches, troncs, fûts, bûches et branches,

souche arrachée 2

un démiurge artistique particulièrement rageur semble avoir profiter du chamboulement des saisons pour laisser libre cours à son impétueuse inspiration.

Partout des cabanes difformes disséminées sur les plages ravinées, des déchets plantés en tous sens dans les amoncellements, des loques déchiquettées entortillées aux branches,

débris de maillot

offrent l'image lunaire d'un village lacustre abandonné.

bord de cèze apèrs tempête

Après le choc de la découverte, je récolte quelques matériaux remarquables livrés par le déchaînement de la crue. Une grosse pierre ronde et blanche isolée au milieu des galets m'inspire un bouton de fleur à déployer.

2 land art yurtao bois flottés et renouée du japon

Je l'entoure de fines chaînes racinaires d'une belle couleur rouille tranchant sur la dominante grise des berges, de morceaux de bois lisses courbés d'une pâleur laiteuse, dispose en rayons des tronçons de tiges creuses de renouée du japon, arbuste généreux et solaire qui proliférait sur la plage au printemps avec ses grappes de petites fleurs translucides, maintenant presque éradiqué de la plage, et protége ma fleur des curiosités canines avec un cercle de pierres.

3 land art yurta bois flottés renouée et pierres

Après avoir marché et crapahuté le plus loin possible le long de la rivière, je m'assois au bord de l'eau pour déguster mon orange. Je l'épluche par petits bouts, et jette la peau pour les poissons.

Fascinée par les remous, je suis attentivement le parcours qu'entreprend le premier morceau jeté trop près du bord qui plane paisiblement entre deux ondes. Après quelques minutes, le morceau d'orange est happé dans un circuit invisible qui remonte à contre sens, entreprend lentement quelques détours incongrus avant de prendre un virage à 180 degrés et accélérer pour rejoindre le courant puissant du milieu de la rivière. Je contemple ces hésitations et batifolages avant que commence le long voyage qui mènera cette épluchure à sa décomposition ou dans la gueule d'un poisson. Je saupoudre mes dernières pelures sur l'eau, et toute une ribambelle de petits points oranges se rangent à la queue leu leu les uns derrière les autres comme sous l'effet d'un ordre disciplinaire. Ils enchaînent tranquillement le même parcours tortueux jusqu'à se faire happer dans le flux du courant. Dés qu'ils échappent à la portée de ma vue, je me mets à imaginer l'aventure fascinante qui attend mes petits radeaux jusqu'à l'embouchure de l'océan.

Malheureusement, ce voyage palpitant est partagé par une masse abominable de déchets qui polluent irrémédiablement la rivière et la mer. Car, dans cette eau aujourd'hui transparente et lavée où on peut se mirer à travers les gardons, se rejoignent, en plus des débris végétaux des collines, tous les détritus des humains. Les sacs plastiques déchiquetés suspendus dans les épines

plastique beu suspendu dans arbre

accrochent une drôle de lueur d'apocalypse partout sur les rives.

déchets plastique sur la plage

Mais le pire, c'est cette décharge sauvage à ciel ouvert

déchets sauvages besseges 2

située juste avant la passerelle verte enjambant la rivière.

Là, les immondices ne proviennent pas d'abandons et de négligences, mais directement des services de la commune. Le cimetière communal y déverse les fleurs artificielles dont se débarrassent les familles des défunts,

déchets sauvages besseges 3

 tandis que des centaines de gobelets en plastique fracassés provenant des poubelles de fêtes du Centre Culturel s'étalent an pied d'un vieux mur tagué.

déchets sauvages à besseges 1

Pourtant le bourg possède une déchetterie et un centre d'enfouissement à proximité !

Toutes ces ordures sont entraînées par les pluies et se retrouvent dans l'eau à vingt mètres, acheminant leur pourriture toxique vers la mer, où les courants, par la même force que celle qui fait tourbillonner mes petites épluchures d'orange, rassemblent des tonnes de saletés qui s'agglutinent et stagnent en vortexs plombés : les nouveaux continents de déchets créés par l'impéritie humaine, récemment découverts par des navigateurs éberlués.

Cette soupe de déchets d'une surface de six fois la France et de sept kilomètres de profondeur tourne au milieu du Pacifique, une autre est en cours de reconnaissance dans l'Atlantique Nord dans la mer des Sargasses, loin de tout regard humain et impossible à détecter par satellites. Comme une éponge monstrueuse, ces nappes de polymères dégradés et autres débris méphitiques fixent les polluants organiques persistants, les pesticides et les PCB, produits chimiques extrêmement toxiques qui se mélangent intimement au plancton absorbé par les animaux marins.

Si on comprend que certains pays n'ayant pas encore développé de système de gestion de leurs déchets soient les principaux cimentueurs de ces continents de l'horreur, comment expliquer qu'une commune dont le pays va accueillir cette année la grande conférence mondiale sur le climat apporte sa substantielle contribution aux 270 000 tonnes de déchets plastiques flottants dans les mers du monde dont la photodégradation bousille les poissons et ceux qui les consomment ??? Continents dont les scientifiques prévoient le décuplement dans les années à venir grâce à l'aveuglement généralisé, puisque le geste de celui qui largue ses rebuts sans se soucier de leur destin est identique à celui de tirer la chasse pour évacuer ses déjections, polluer consistant à ignorer volontairement ce que deviennent les résidus de nos orgies consuméristes.

« Septième continent », huitième et bientôt neuvième, jusqu'où ira-ton ? Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus la terre et la mer, mais la terre seulement, émergeant péniblement de la fange pestilentielle de nos immondices ?

En ce début de printemps, sur la décharge sauvage, les herbes vont repousser, cacher un peu la désolation.

Sur la plage, déjà, les souches de renouée du japon rougissent de bourgeons.

souche de renouée du japon bourgeonnat

Les ronces et les ambroisies émergent des cailloux. Les boules végétales s'ornent de fleurs de pêchers et cerisiers sauvages.

bourgeons fleuris après tempète

Combien de temps la nature supportera encore nos aberrations ?

arbre en fleur

N’avons nous rien appris des civilisations disparues, Île de Pâques, Groenland des Vikings, Mangareva, où j'ai failli m'installer sur la repousse d'une culture décimée par les limites qu'elle na pas su se donner, Incas et Mayas, Anasazis, dont les causes de la décadence et de la chute ont été si magistralement analysées par Jared Diamond dans son livre que je recommande fortement :

« Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. » ?

« Les civilisations meurent de suicide, pas d'assassinat »

Tim Flannery dans Science : « Effondrement » est probablement le livre le plus important que vous lirez jamais »...

A la fin de cet ouvrage qui démontre que seulement cinq facteurs récurrents sont suffisants pour provoquer la fin d'une société ou d'une civilisation, le déni psychologique est évoqué pour expliquer l'échec de résolution d'un problème pourtant perçu par la majorité.

Ce déni est le plus intense exactement là et au moment

où le risque de catastrophe finale est le plus imminent.

 

 

 

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Commentaires
E
Patience, l'homme se réveille doucement mais surement, ne désespérez pas.<br /> <br /> Merci pour ces si beaux écrits.<br /> <br /> Eden Catherine.
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P
tes photos m'ont rappelé des moments super passés avec mes enfants au bord d'une toute petite plage en corse.nous avions fini de pique niquer ,en ramassant nos detritus ,notre sac poubelle n'étant pas plein nous avons nettoyé la plage de tous ces amoncellements de déchets qui nous a fait mal au coeur en pensant à tous ces poissons qui devaient mourir à cause de nous.l'humain est le pire ennemi que la pla nète doit supporter. <br /> <br /> nous avons un ruisseau qui passe au bout de notre jardin ,dés fois je suis obligée de nettoyer toute la merde que laisse des imbéciles sans cerveau,je ne comprendrai jamais que l'humain ne prenne pas conscience qu'il est l'invité sur cette terre et qu'il doit la respectée.<br /> <br /> toute ma considération sincère sylvie.<br /> <br /> stéphanie
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P
"Sans l'homme la terre serait habitable" sans aucun doute bien sure,mais qu'on se rassure l'homme aura bientôt raison de lui même ,et la terre lui survivra .
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N
"Sans l'homme la terre serait habitable !" titrait Raymond Yxemerry, un ami écrivain aujourd'hui disparu. Le titre d'un futur plaidoyer de 600 pages dénonçant les horreurs et abus faits et causés par l'être humain sur notre planète. Livre qui ne paraîtra jamais, faute d'avoir trouvé un éditeur. Une telle somme de dénonciations n'aurait probablement eu que peu de lecteurs ! <br /> <br /> "L'humanité disparaîtra. Bon débarras !" titrait Yves Paccalet.<br /> <br /> Crois-tu qu'avec ces écrits sur papier ou le blog, nous allons réussir à convaincre une seule personne ?<br /> <br /> Car ceux et celles qui nous lisent sont déjà acquis à ces idées de respect de la Nature.<br /> <br /> Quant aux autres indécrottables, à l'image des chasseurs qui tuent pour le plaisir, ce sont tous des "malades mentaux", comme le disait Jacques Brosse.<br /> <br /> Alors essayons, malgré tout, de survivre en trouvant chaque jour au moins une raison : beautés naturelles, chants des oiseaux, de la rivière, rai de soleil réchauffant nos mains, sourire sincère d'un ami...<br /> <br /> Et continuons d'écrire et de dénoncer pour que notre planète survive encore quelque temps !<br /> <br /> Je t'embrasse bien sincèrement; ma grande sœur. Au bonheur de te lire encore et toujours. Tes écrits sont superbes de poésie et de justesse. Avec photos géniales à l'appui.<br /> <br /> Nellie
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E
merci !
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YURTAO, la voie de la yourte.
YURTAO, la voie de la yourte.

Fabriquer et habiter sa yourte, s'engager et inventer un nouvel art de vivre. Vivre le beau et le simple dans la nature.
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